Intervention au CTPS de la Confédération Paysanne sur les « variétés de conservation »

Comité plénier de novembre 2006

Guy Kastler,

Résumé

Communication de Guy Kastler, au nom de la Confédération Paysanne, lors du Comité plénier CTPS du 21 novembre 2006, à propose du projet de directive communautaire sur les variétés de conservation.

voir aussi

Texte complet

Les ressources phytogénétiques sont des ressources pour les entreprises semencières, mais aussi pour les paysans. Et cela non seulement dans les pays du Sud, mais aussi dans les pays du Nord et d’Europe. Les articles évoqués précédemment du Plan d’action mondial de la FAO qui prévoient de « soutenir la gestion, la production et l’amélioration des semences à la ferme » concernent certes essentiellement les PVD, mais pas exclusivement. En effet, le Parlement a inscrit dans la loi française la reconnaissance de « l’énorme contribution que les communautés locales et autochtones, ainsi que les agriculteurs de toutes les régions du monde, et spécialement ceux des centres d’origine et de diversité des plantes cultivées, ont apporté et continueront d’apporter à la conservation et à la mise en valeur des ressources phytogénétiques qui constituent la base de la production alimentaire et agricole dans le monde entier »  - ratification du Traité International sur les Ressource Phytogénétiques pour l’Agriculture et l’Alimentation - .

Dominique Planchenault et Andrée Sontot soulignent dans une publication du Comité Scientifique du BRG de juin 2006, qu’« il semble aujourd’hui que cette politique (issue de la CDB, ndlr) a souvent donné naissance à des instruments, essentiellement juridiques, qui s’apparentent plus à ceux de la concession et de la protection d’un stock minier que de la gestion d’un patrimoine vivant » , et ajoutent plus loin que « de nouveaux acteurs doivent encore être associés dans une perspective de gestion dynamique d’un stock génétique dont l’évolution doit permettre de maintenir et de développer une gamme élargie d’usages». Le projet de directive sur les variétés de conservation s’inscrit dans la nécessaire transcription réglementaire cette orientation.

La « gestion dynamique » ne peut se faire que dans les champs où les ressources génétiques peuvent « évoluer » au cour des années culturales. Tous les agriculteurs n’ont pas les mêmes stratégies de cultures et doivent garder la liberté de choisir celle qui est adaptée à leur environnement et à leurs marchés. Nombreux sont ceux qui ont besoin des semences proposées par les entreprises semencières. Ceux qui travaillent dans des parcours à faible intrants ou bio, dans des conditions environnementales difficiles, ou pour certains marchés spécifiques, ne trouvent par contre pas toujours ce dont ils ont besoin dans les variétés stables, homogènes et de hautes performance agronomique et technologique actuellement disponibles. Ils recherchent des plantes capables d’évoluer pour s’adapter leur contexte de culture et à ses variations, notamment dans le contexte actuel de changement climatique. Leur gestion dynamique de la biodiversité cultivée contribue à l’indispensable renouvellement de la diversité collectionnée « ex situ » . Elle est complémentaire et non concurrentielle du travail des entreprises semencières qui peuvent y trouver de nouvelles ressources.

Le projet de directive communautaire sur les variétés de conservation peut répondre en partie à certaines de ces préoccupations. Dans sa version actuellement connue, puisqu’il doit être encore réécris, il appelle de la part de la Confédération Paysanne les remarques suivantes :

  • Certaines « variétés de conservation » sont depuis longtemps cultivées au delà de leur région d’origine d’où elles ont parfois totalement disparu. C’est pourquoi, le critère de menace d’érosion génétique doit suffire à leur définition, sans y rajouter l’obligation d’adaptation à des « conditions locales ou régionales » , critère qui doit rester une autre option possible mais non obligatoirement cumulée. De même, la limitation de la commercialisation de leurs semences à la région d’origine peut certes être légitime dans le cas de protection de dénomination d’origine, mais ne peut être obligatoire dans tous les cas sans risquer de menacer certaines d’entre elles de disparition définitive.

  • Les variétés radiées du catalogue commun doivent pouvoir retrouver un statut de variété de conservation sans attendre plusieurs années. Un délai de trois ans, tel que proposé, pourrait aggraver la menace de disparition.

  • L’obligation de certification de leurs semences est contraire à l’objectif de la directive qui est de faciliter leur diffusion. Les contraintes financières liées à leur inscription et à l’autorisation de commercialisation doivent au contraire rester proportionnelles aux micromarchés qu’elles peuvent espérer, voire être pris en charge par le contribuable au nom du service de conservation de la biodiversité.

  • Les restrictions quantitatives ne doivent pas être définies en proportion de l’ensemble des semences vendues de la même espèce. Une telle contrainte ferait disparaître les espèces dont la majorité des variétés existantes sont menacées d’érosion génétique

Enfin, d’autres dispositions plus souples seront aussi nécessaires pour faciliter la gestion dynamique de la diversité à la ferme. En effet, dans les échanges de petites quantités de semences entre agriculteurs nécessaires à cette gestion, il est matériellement impossible de tout inscrire. Ces échanges ne concernent pas nécessairement des variétés stables et homogènes mises sur le marché, mais souvent ce qu’on est bien obligé de ranger dans la catégorie juridique des ressources phytogénétiques. Un pays voisin, la Suisse, autorise depuis 1991 les échanges de quantités restreintes de semences de variétés non inscrite au catalogue. Cela lui a permis de conserver diverses variétés locales ou « anciennes » sans menacer le moins du monde les activités commerciales de entreprises semencières qui travaillent avec le catalogue.