Niveau juridique : France
Contexte de la décision
Cette décision s’inscrit dans le feuilleton aux multiples épisode du recours VRTH, entamé en 2015. En effet, la décision du Conseil d’État du 7 février 2020 condamnait le Gouvernement à :
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publier la liste des techniques de mutagenèse exemptées de l’application de la réglementation OGM afin de pouvoir identifier les variétés en infraction avec cette réglementation et d’interdire leur culture et leur commercialisation en l’absence d’évaluation, d’autorisation, d’étiquetage, de traçabilité et de suivi ;
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prendre les mesures pour évaluer les risques des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH), en conformité avec l’avis de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES), afin de pouvoir définir les conditions de culture permettant de maîtriser les dommages potentiels à l’environnement ;
Cependant, face à l’inaction du Gouvernement, les associations requérantes* avaient déposé une requête en non-exécution. Cette action avait débouché le 8 novembre 2021 sur une décision du Conseil d’État, condamnant entre autre l’État à effectuer, sous astreinte, diverses mesures concernant le suivi et l’évaluation des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) (injonctions résultant des articles 4 et 5 de la décision du 7 février 2020). Dans cette même décision, le Conseil d’État avait décider de surseoir à statuer sur les injonctions résultant de l’article 1 et 2 de l’arrêt du 7 février 2020, en saisissant la CJUE de deux questions portant sur l’interprétation de la directive 2001-18 (directive OGM) en ce qui concerne les techniques de mutagénèse aléatoire. La CJUE a répondu à ces questions dans sa décision du 7 février 2023.
* Il s’agit des neufs organisations paysannes parties prenantes au recours VrTH (Amis de la Terre, Confédération Paysanne, CSFV 49, OGM-dangers, Nature et Progrès, Réseau Semences Paysannes, vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OGM 33, Vigilance OG2M).
Contenu de la décision
Cette décision du 23 octobre 2024 vient donc conclure cette affaire, en prenant acte des interprétations de la CJUE et en se prononçant sur les astreintes auxquelles l’État avait été condamné.
Concernant l’interprétation de la directive 2001-18, le Conseil d’État considère que « les techniques de mutagénèse aléatoire in vitro doivent être considérées, au même titre que les techniques de mutagénèse aléatoire in vivo, comme traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, de telle sorte que les organismes obtenus au moyen de ces techniques sont exclus du champ d’application de la directive 2001/18/CE. ». Il enjoint donc au Gouvernement d’adopter, dans les 4 mois, un décret modifiant l’article D.531-2 du Code de l’environnement qui fixe la liste des techniques permettant l’obtention d’organismes génétiquement modifiés qui son exemptées de la réglementation OGM. Il s’agit de préciser que l’exception concerne, outre les techniques qui ne sont pas considérées comme donnant lieu à une modification génétique, celles « qui ont fait l’objet d’une utilisation traditionnelle et dont la sécurité pour la santé publique ou l’environnement est avérée depuis longtemps », et que seule la mutagénèse « aléatoire » est concernée.
En ce qui concerne les injonctions relatives aux mesures à mettre en place en vue d’évaluer les risques liés aux VRTH pour la santé humaine et le milieu aquatique, le Conseil d’État estime que les appels à projets lancés par l’Office français de la biodiversité pour d’une part, la mise en place d’une expérimentation relative aux effets de la culture des VRTH sur les milieux aquatiques et d’autre part, a réalisation de deux études recommandées par l’ANSES dans son avis du 26 novembre 2019, soit une étude sur le métabolisme de dégradation d’un herbicide par un VRTH de tournesol cultivée en France, et une étude de faisabilité pour la mise en place d’un réseau de points de prélèvement permettant de surveiller l’impact de la culture des VRTH sur la qualité des eaux par rapport aux variétés classiques, suffisent à caractériser l’action de l’État, bien qu’ils n’aient pas reçu de candidatures. A ce titre, le Gouvernement a précisé que l’OFB allait solliciter directement des équipes de recherche ainsi que l’institut technique agricole compétent pour la mise en place de l’expérimentation relative aux effets de la culture des VRTH sur les milieux aquatiques. Pour ce qui est des deux études, le budget alloué à ce marché sera augmenté, en vue de susciter, cette fois, des candidatures.
En revanche, le Conseil d’État considère que le Gouvernement n’a pas rempli l’injonction faite d’améliorer la traçabilité des VRTH, des semences à l’utilisation finale des cultures.
Estimant que le Gouvernement avait exécuter la décision, à l’exception des dispositions l’enjoignant prendre des mesures pour établir une traçabilité des VRTH des semences à l’utilisation des cultures, les juges ont estimé qu’il convenait de réduire de dix fois le taux de l’astreinte fixé par la décision du 8 novembre 2021. L’État est donc condamné à une astreinte de 50 000 € pour les semestres écoulés depuis le 9 février 2022. Sur cette somme, 5000€ sont attribués aux requérants. Le reste de l’astreinte est répartie pour moitié à l’Office français de la biodiversité et pour moitié l’ANSES, « eu égard au rôle qu’ils sont amenés à jouer dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action du Gouvernement ».
Lien vers l’arrêt ICI
Analyse de la décision
Si cette décision constitue une victoire, cette dernière reste en demi-teinte, étant donné le large pouvoir d’appréciation donné au Gouvernement dans la mise en oeuvre de son plan d’action. Ainsi, rien ne garanti que le nouvel appel d’offre lancé par l’OFB trouvera preneur, et encore moins qu’une fois les études réalisées, l’Etat agira contre les effets néfastes des VRTH.
Voir le communiqué de presse de la Confédération Paysanne ICI