Niveau juridique : Union européenne
Le 20 octobre 2021, le Parlement européen a adopté par 452 voix pour, 170 contre et 16 abstentions une résolution approuvant le projet de Stratégie européenne « De la ferme à la table ». (voir ICI pour une présentation de la stratégie)
Dans cette résolution, si le Parlement salue le fait que la stratégie de la Commission « définit une approche globale pour le système alimentaire européen, qui donne une place centrale au secteur agricole en tant que fournisseur de denrées alimentaires (…) ainsi que le rôle clé des agriculteurs dans la fourniture de biens publics, y compris dans la lutte contre le réchauffement climatique ; », les eurodéputés insistent sur le fait que « la stratégie doit toutefois aller plus loin en tenant compte du rôle, des droits et des responsabilités des consommateurs et de la viabilité économique à long terme des exploitations agricoles; ». Ils reconnaissent aussi « qu’à l’heure actuelle, le système alimentaire dans son ensemble est responsable de nombreuses répercussions sur la santé humaine et animale ainsi que sur l’environnement, le climat et la biodiversité, notamment la déforestation et la dégradation des écosystèmes en dehors de l’Union (…) la manière dont nous produisons et consommons des denrées alimentaires, des boissons et d’autres produits agricoles doit s’adapter afin de garantir la cohérence avec les objectifs de développement durable (ODD), l’accord de Paris, la convention sur la diversité biologique, le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture ainsi que les politiques et engagements de l’Union »
La résolution consacre un long développement aux semences. Ainsi le Parlement « souligne qu’il importe de veiller à la sécurité et à la diversité des semences et des matériels de multiplication des plantes afin de garantir des rendements stables et des variétés végétales adaptées aux pressions du changement climatique, notamment les variétés traditionnelles et adaptées aux conditions locales, et les variétés qui conviennent à la production biologique et aux méthodes de culture à faible consommation d’intrants, tout en garantissant la transparence et la liberté de choix pour les agriculteurs ainsi que l’accès aux ressources génétiques et aux techniques innovantes de sélection végétale, afin de contribuer à la production de semences saines et de protéger les végétaux contre les parasites et les maladies nuisibles, et d’aider les agriculteurs à faire face aux risques croissants causés par le changement climatique, en encourageant une innovation ouverte au moyen de l’obtention végétale;
signale les effets négatifs potentiels de la concentration et de la monopolisation dans le secteur des semences, et invite la Commission à prendre des mesures afin de remédier à ces effets le cas échéant; souligne, à cet égard, l’importance de l’innovation ouverte au moyen du droit d’obtention végétale et constate avec inquiétude l’effet préjudiciable du développement des brevets dans le secteur des semences; estime que la production et l’utilisation non commerciales de variétés de semences traditionnelles et adaptées aux conditions locales par des particuliers et de petits exploitants ne devraient pas faire l’objet d’une réglementation disproportionnée au niveau de l’Union et au niveau national; insiste sur l’importance de préserver un marché unique solide pour le secteur des semences de l’Union;
appelle de ses vœux une coordination renforcée au niveau de l’Union afin d’encourager la préservation et l’utilisation durable de la diversité génétique, ainsi que la mise en place d’une plateforme commune de l’Union pour l’échange d’informations sur les ressources génétiques conservées;
se félicite de l’annonce de la révision des règles de commercialisation pour les variétés de cultures traditionnelles et adaptées aux conditions locales afin de contribuer à leur conservation et à leur utilisation durable; souligne la nécessité de faciliter l’enregistrement des variétés de semences, y compris celles qui sont destinées à l’agriculture biologique, et de garantir un accès plus facile au marché des variétés traditionnelles adaptées au terroir local;
prend acte de l’étude sur l’état des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union et à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire C-528/16 [SWD(2021)0092], ainsi que de l’annonce de la Commission qui indique qu’elle prévoit de lancer une action réglementaire comprenant une analyse d’impact et une consultation publique sur les plantes dérivées de certaines nouvelles techniques génomiques, afin de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement tout en tirant parti des avantages potentiels de la science et de l’innovation, en particulier pour contribuer à la durabilité et aux objectifs du pacte vert pour l’Europe dans ce domaine ainsi qu’à la stratégie «De la ferme à la table»; insiste sur le principe de précaution et la nécessité de garantir la transparence et la liberté de choix pour les agriculteurs, les transformateurs et les consommateurs, et souligne que cette mesure devrait comprendre des évaluations des risques ainsi qu’une description et une analyse complètes des options en matière de traçabilité et d’étiquetage dans le but d’effectuer une surveillance réglementaire adéquate et de fournir aux consommateurs des informations pertinentes, y compris pour les produits provenant de pays tiers, afin de garantir des conditions de concurrence équitables ; » (§ 32 à 36).
Toutefois, la position reste ambiguë, car plus haut, le Parlement « appelle de ses vœux une intensification de la recherche et du développement en ce qui concerne les solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques, les fertilisants, les variétés plus résistantes nécessitant moins d’intrants pour garantir des rendements stables et les outils numériques, ainsi que des incitations en faveur de méthodes et de technologies d’application telles que l’agriculture de précision » (§ 15).
Les députés ont encouragés la Commission à traduire la stratégie en actions législatives et non législatives concrètes, assorties des mécanismes de soutien financier adéquats pour la transition et ont regretté la publication tardive par la Commission du rapport du Centre commun de recherche sur l’impact de la stratégie « De la ferme à la table », qui a rendu presque impossible la prise en compte complète de ses conclusions dans la discussion et le texte final de la résolution.
Le texte est donc assez ambivalent, entre promotion de la biodiversité cultivée, réticence à une dérégulation des nouveaux OGM et promotion des nouvelles technologies, de la sélection variétale et de l’agriculture de précision. Les réactions sont tout aussi ambiguës, chacun voyant midi à sa porte. Ainsi, si l’eurodéputé français socialiste Eric Andrieu se félicite que « Le Parlement européen confirme que doit s’appliquer le principe de précaution pour les nouveaux OGM ainsi que l’obligation de l’étiquetage pour la bonne information des consommateurs. », Euroseeds, salue « la reconnaissance de la valeur de la sélection végétale, y compris l’innovation en matière de sélection végétale, et de l’importance de garantir la sécurité et la diversité des semences dans le rapport comme condition préalable à la réalisation des objectifs de la stratégie « De la ferme à la table ». » Pour eux, « La sélection végétale reste l’intrant clé pour les agriculteurs de l’UE et deviendra encore plus importante à mesure que d’autres intrants seront limités. »
Lien vers la page de présentation de la résolution ICI
Lien vers le dossier législatif de la résolution ICI
Communiqué de presse du Parlement européen ICI
Communiqué d’Euroseeds LA
Voir aussi la fiche veille n° 3521 pour la réaction du Conseil des ministres