Niveau juridique : France
Le 30 mars 2021, la Section du Rapport et des Études du Conseil d’État a rendu un avis constatant la non-exécution par l’État français de sa décision n° du 7 février 2020 relative à la mutagenèse et aux variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH).
Cet avis fait suite au dépôt par les organisations militantes (dont le Réseau Semences Paysannes et la Confédération Paysanne) d’une requête en non-exécution le 13 octobre 2020 auprès de ladite Section.
Par cet avis, la Section du Rapport et des Études demande à la Section du contentieux de se saisir à nouveau de cette affaire et d’ouvrir une procédure juridictionnelle contre l’État français. Il ne s’agit pas ici pour les juges de statuer à nouveau sur le fond de l’affaire, mais de poursuivre l’État français pour non-respect de la décision du Conseil d’État, plus haute juridiction française de l’ordre administratif.
La Section du contentieux est donc appelée à imposer de nouveaux délais (sous astreinte financière, si besoin) au Gouvernement français afin de le contraindre à se conformer aux injonctions du Conseil d’État et à adopter des actes réglementaires visant à :
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1) Lister les techniques de mutagenèse exemptées de l’application de la réglementation OGM (et modifier l’article D. 531-2 du Code de l’environnement en conséquence). Rappelons qu’un projet de décret avait été rédigé par le Gouvernement pour se conformer à cette obligation, et notifié à la Commission européenne le 6 mai 2020. Mais suite à la transmission d’un avis circonstancié de la Commission le 22 septembre 2020, l’adoption de ce décret a été suspendue. Sur ce point, la Section du Rapport et des Études estime que le Gouvernement français n’était pas contraint de notifier à la Commission européenne le projet de décret en tant que norme technique car cet acte visait à corriger une transposition incorrecte de la directive n° 2001/18/CE sur les OGM en France (or, la directive n°2015/1535 relative à la procédure de notification des règles techniques prévoit une exemption dans ce cas de figure). En conséquence, elle invite l’Etat à adopter ce décret sans prendre forcément en compte l’avis circonstancié transmis par la Commission européenne.
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2) Mettre en oeuvre les recommandations de l’ANSES inclues dans son avis du 26 novembre 2019 relatif à l’encadrement des conditions de culture des VrTH. Sur ce point, rappellons que le ministre de l’Agriculture a demandé à l’ANSES, le 10 juin 2020, d’apporter des précisions ultérieures et de formuler des préconisations complémentaires. Celle-ci devait répondre avant 2021, mais aucun nouvel avis n’a pour l’heure été transmis au Gouvernement.
La décision du Conseil d’Etat du 7 févier 2020 comprenait toutefois deux injonctions ultérieures. Qu’en est-il ?
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La Section du Rapport et des Etudes du Conseil d’Etat considère que l’Etat français a respecté l’obligation d’identifier les variétés inscrites au Catalogue officiel français issues de techniques de mutagenèse soumises à la réglementation OGM. En effet, la décision du 7 février 2020 n’imposait pas d’adopter d’acte réglementaire sur ce point précis. Les deux projets d’arrêtés notifiés à la Commission européenne le 6 mai 2020 suffisent donc à traduire le travail d’identification réalisé par le pouvoir exécutif. Et ce même s’ils ne sont pas formellement adoptés.
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Enfin, la Section se borne à constater l’inéxecution de la dernière injonction visant à encadrer la culture des VrTH toujours autorisées à circuler sur le territoire français car issues de techniques de mutaegnèse exemptées. La décision initiale du Conseil d’Etat n’imposant aucun délai au Gouvernement pour exécuter cette disposition (contrairement aux autres), aucune astreinte financière ne devrait être prononcée sur cet aspect.
A CONFIRMER : Le journal Agra Presse affirme : « Le 14 avril dernier, le Conseil d’Etat a lancé une procédure juridictionnelle en envoyant une note au Premier ministre. Celui-ci a jusqu’au 12 mai pour répondre au manque d’exécution de la décision sur la mutagénèse comprenant plusieurs injonctions. Le président de la troisième chambre du Conseil d’Etat souhaiterait juger avant fin juillet 2021 les réponses du Premier ministre ». A l’heure actuelle, cette note n’a toujours pas été rendue publique…
Lien vers le communiqué de presse des parties requérantes ICI.