Niveau juridique : Union européenne
Les 26 mai 2021, les ministres de l’Agriculture des 27 États membres de l’Union européenne se sont réunis afin d’échanger sur différents dossiers, notamment :
L’étude de la Commission européenne du 29 avril 2021 sur les options de réforme de la réglementation sur la production et commercialisation des semences et plants (voir ICI)
La directrice générale Santé de la Commission européenne, Stella Kyriakides, a d’abord présenté le contenu de l’étude. Elle identifie deux options principales :
1) Réviser légèrement les directives existantes pour les mettre en cohérence avec les nouvelles stratégies de la Commission (Ferme à la fourchette et Pacte vert européen).
2) Apporter des modifications substantielles aux directives actuelles.
Le Président du Conseil a ensuite invité les différents ministres à répondre à une série de questions :
° Considérez-vous que l’étude est assez complète et que tous les points ont été abordés ?
° Pensez-vous qu’il faille adopter des mesures réglementaires ?
° Si oui, avec quel degré d’ambition ?
° Quelle option a identifiée par la Commission a votre faveur ?
° Voyez-vous d’autres options de réforme possibles ?
Le compte-rendu de la réunion est quelque peu lacunaire sur ce point. Il se borne à affirmer que « dans l’ensemble, ils ont accueilli favorablement l’étude et ont reconnu la nécessité de prendre des mesures et de mettre à jour la législation sur les MRP, afin de relever des défis tels que la lutte contre le changement climatique, la sécurité alimentaire et la préservation de la biodiversité ».
Type de révision réglementaire
Après visionnage de la retransmission vidéo de la séance, il s’avère en effet qu’une majorité de ministres sont favorables à une révision de la réglementation semences. Les avis divergent toutefois sur la nature plus ou moins substantielle de la révision : schématiquement les pays d’Europe de l’Est ne voient pas l’utilité de réformer en profondeur la réglementation et souhaitent des modifications mineures, tandis que la Belgique milite, elle, pour le remplacement des directives européennes actuelles par un unique règlement européen (dans un objectif de « réelle harmonisation et simplification administrative »).
Spécificités du secteur forestier
Tous les États s’accordent en revanche sur la nécessité de maintenir un régime juridique spécifique pour le matériel de reproduction des espèces forestières, au vue des spécificités du secteur forestier.
Circulation des variétés locales
Seuls Malte, l’Espagne, l’Autriche, la Bulgarie et le Luxembourg ont insisté sur la nécessité de préserver les variétés locales, les variétés de conservation et d’en faciliter la circulation…tout en se montrant pour certains très enthousiaste quant à la modernisation du système d’enregistrement des variétés et de certification des semences via l’utilisation de marqueurs moléculaires et l’usage des technologies numériques (l’Espagne en particulier).
La République Tchèque demande quant à elle à la Commission européenne de réaliser une étude d’impact spécifique concernant le matériel de reproduction des végétaux destinés à l’agriculture biologique.
Champs d’application de la réglementation
Concernant le champ d’application de la réglementation, notons que :
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l’Allemagne qualifie de « question centrale » le fait de savoir si la législation doit se limiter au secteur professionnel ;
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l’Autriche se borne à rappeler qu’il faut « prendre en compte les spécificités des petits opérateurs et des jardiniers amateurs » ;
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l’Irlande et le Luxembourg proposent, eux, que la réglementation ne s’applique qu’aux utilisateurs professionnels de semences et plants, et non au marché amateur ;
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le Luxembourg va plus loin en insistant sur la nécessité de « trouver des solutions pragmatiques pour l’échange direct entre agriculteurs ou particuliers, et pour les semences de ferme ». Mais aussi de faire attention à ne pas alourdir les charges administratives pesant sur les petits opérateurs (à ce titre, il considère qu’il n’est pas opportun d’inclure la réglementation semences dans le champ des contrôles officiels).
Enfin, plusieurs États membres requièrent une certaine souplesse de la part de la Commission européenne, afin de pouvoir combiner les éléments des différentes options de réforme qu’elle propose. Ils l’invitent également à clarifier ces options car en l’état, elles ne permettent pas aux États de faire des choix éclairés.
L’étude de la Commission du 29 avril 2021 sur le statut des nouveaux OGM (voir ICI)
Le Président du Conseil a invité les différents ministres à répondre à une série de questions :
° Jusqu’à quel point partagez-vous les conclusions de l’étude ?
° Quelles sont les stratégies d’action à mettre en place ?
° Pensez-vous qu’il ai été pertinent de mettre l’accent sur les végétaux (et non sur les animaux et micro-organismes) et sur la mutagenèse et cisgenèse ?
° Dans quelle mesure les conclusions basées sur les études scientifiques tiennent compte tant des risques que des bénéfices de ces techniques ? Prennent-elles en compte les attentes légitimes des consommateurs et des citoyens ?
° Comment assurer un débat ouvert et participatif sur une réforme de la réglementation et sa mise en œuvre ?
Très peu d’informations ici aussi dans le compte-rendu : « de manière générale, les États membres ont approuvé les conclusions de l’étude, notamment la nécessité de remédier à l’insécurité juridique et d’adapter la législation OGM existante pour tenir compte des progrès scientifiques et technologiques ».
Discours commun et stratégie de légitimation
Globalement, les Etats européens attendent avec impatience l’étude d’impact qui sera publiée par la Commission européenne afin d’envisager des actions politiques et des réformes concrètes. L’immense majorité des ministres européens s’accordent avec la Commission sur une même ligne politique et discursive :
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les nouvelles techniques de modification génétique permettent « une forte diversité végétale » (résistance au maladie, aux conditions environnementales, moins besoin d’intrants (pesticides), meilleure qualité nutritionnelle). A ce titre, elles seraient indispensables pour la réalisation des objectifs du Pacte vert européens et pour atteindre une système alimentaire durable ;
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il existe effectivement de fortes réticences au sein de la société civile (la Commissaire Stella Kyriakides précise « nous marchons sur des oeufs »). Mais cela s’expliquerait par un manque d’information et de communication sur ces techniques : car selon les ministres, « science montre que certains végétaux obtenus à partir de NBT sont aussi sûrs que ceux obtenus par des techniques conventionnelles » (c’est la conclusion de l’EFSA sur les produits issus de mutagenèse ciblée et de cisgenèse). L’Allemagne invite ainsi à « sortir du piège idéologique et de l’émotionnel ». Et la France de compléter avec cette phrase : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme, mais la science est une source de progrès et nous devons lui faire confiance ».
Deux éléments frappent au visionnage de la retransmission de la séance :
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la sur-mobilisation de la notion de principe de précaution, employée à toutes les sauces, mais jamais sans en donner une réelle définition.
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le stratégie de déplacement des débats de la nature et du risque lié à la technique (NBT) vers sa finalité. Ainsi, la réglementation devrait autoriser ces techniques par principe (puisque l’EFSA les a déclarées comme « sûres ») et n’interdire que les produits issus de ces techniques qui ne vont pas dans le sens du Pacte vert européen. La France demande ainsi que soient autorisées les plantes issues des nouvelles techniques lorsqu’elles visent à accompagner la transition agro-écologique (résistance à la sécheresse, etc.), en interdisant les autres (les variétés rendues tolérantes à un herbicide par exemple).
La position du ministre français Julien Denormandie reflète parfaitement cette approche. Lors de la séance, il s’est montré le plus enthousiaste face à l’étude « courageuse » de la Commission européenne. Il insiste : « la France soutient pleinement, mais alors pleinement !, les recommandations faites « entre les lignes » dans ce rapport, à savoir la création d’un cadre légal spécial adapté pour ces NBT ».
De rares réserves
Certains pays émettent toutefois quelques réserves :
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la Slovaquie affirme que la publication de l’étude de la Commission a provoqué une vive polémique dans la société civile slovaque. Elle rappelle qu’il faut envisager les OGM dans un contexte plus large et dans leurs dimensions sanitaires, environnementales, politiques, juridiques, économiques et éthiques. Elle rappelle son opposition aux OGM, qu’elle maintien, et son intention d’orienter son agriculture vers du biologique ;
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le Luxembourg est l’unique pays à avoir rappelé à l’assemblée l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 25 juillet 2018, qui qualifie d’OGM les plantes issues de mutagenèse dirigée. Les États membres doivent donc rester libres d’en interdire la culture sur leur territoire ;
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enfin, la Belgique émet, elle, une réserve général d’examen sur le dossier : les délais sont trop courts pour mener à bien une réforme sur un sujet aussi sensible.
Globalement, les quelques États soucieux face à cette proposition de réforme reconnaisse le caractère inadapté de la réglementation OGM face à ces nouveaux produits. Non pour les déréglementer, mais pour trouver des solutions aux problèmes de la détection des nouveaux OGM, des contrôles, notamment à l’importation, et pour garantir la crédibilité de la filière AB, sans OGM.
Lien vers le compte-rendu de la réunion ICI et LA.
Lien vers la retranscription vidéo des débats au Conseil ICI.