Niveau juridique : Union européenne
La Commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen a adopté la proposition de résolution « Garantir la sécurité alimentaire et la résilience à long terme de l’agriculture de l’UE » (voir fiche veille 3870 pour une présentation de la résolution).
La proposition de résolution sera ensuite proposé au vote en séance plénière (date pressentie : 12 juin 2023).
Pour rappel, la proposition de résolution initiale contient un paragraphe dans lequel les députés « d’accélérer l’adoption d’une législation relative à l’utilisation de nouvelles méthodes de sélection », indispensable selon eux pour assurer le futur de l’agriculture européenne.
La Commission du développement et celle de l’environnement ont été sollicitées pour avis, dont voici des extraits.
Avis de la commission du développement à l’intention de la commission de l’agriculture et du développement rural sur l’objectif de garantir la sécurité alimentaire et la résilience à long terme de l’agriculture de l’Union(2022/2183(INI))
Dans cet avis, la commission du développement invite la commission de l’agriculture et du développement rural, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu’elle adoptera les suggestions suivantes :
«40. reconnaît le rôle crucial que jouent les petits et moyens agriculteurs pour assurer la sécurité alimentaire, comme le souligne la déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales; attire l’attention sur le sous-investissement dont souffre depuis longtemps l’agriculture à petite échelle, y compris de la part des donateurs; rappelle que les investissements dans le secteur des petites exploitations obtiennent les meilleurs résultats en termes de réduction de la pauvreté, de croissance et d’amélioration des revenus des petits exploitants agricoles, en particulier chez les femmes;
41. invite dès lors l’Union européenne, les États membres et les banques européennes de développement à coopérer avec les petits agriculteurs des pays en développement afin de les aider à passer à des pratiques agricoles durables, (…); souligne également la nécessité de soutenir les petits agriculteurs par le biais de programmes axés sur une agriculture résiliente au changement climatique dans le respect de la biodiversité et visant à identifier les cultures qui sont mieux adaptées aux conditions météorologiques locales, avec par exemple le passage à des cultures plus traditionnelles, afin de promouvoir la transition vers des infrastructures agricoles, des intrants et des systèmes d’irrigation qui consomment moins d’énergie et d’eau(…);
42. fait remarquer, à la lumière du rapport des Nations unies A/HRC/49/43 du rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Michael Fakhri, que le droit à l’alimentation est intrinsèquement lié aux systèmes de semences des agriculteurs et à leur droit indivisible à conserver, utiliser, échanger et vendre librement des semences qu’ils ont récoltées; invite donc Équipe Europe à soutenir des programmes qui prennent en considération les besoins des systèmes de semences des agriculteurs ou des systèmes de semences informels et à soutenir les banques de graines ou les grainothèques qui permettent aux agriculteurs et aux jardiniers de collecter, conserver et partager des semences indigènes, des races primitives et des variétés paysannes; »
On notera que, dans la rédaction de cet avis, il semble que la promotion des « petits agriculteurs » n’est valable que dans les « pays en développement »… comme s’il n’existait pas de système agricole à petite échelle en Europe !
Lien vers l’avis ICI
Avis de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire à l’intention de la commission de l’agriculture et du développement rural intitulé « Garantir la sécurité alimentaire et la résilience à long terme de l’agriculture dans l’Union »(2022/2183(INI))
Dans cet avis, on relèvera les suggestions suivantes
« [la commission de l’environnement] 36. invite la Commission à mieux évaluer les effets des organismes génétiquement modifiés sur la santé, la biodiversité et l’inclusion sociale, ainsi que sur la liberté de choix des agriculteurs et des consommateurs;
37. préconise de réaliser une analyse complète des effets socio-économiques et environnementaux des brevets sur tout ou partie des processus de sélection et du matériel de multiplication végétale sur le système alimentaire, y compris au regard du risque de concentration du marché et de monopole dans la chaîne alimentaire, ainsi que sur le caractère abordable et la disponibilité des denrées alimentaires;
38. souligne que l’accès sans entrave au matériel végétal est essentiel à la capacité d’innovation du secteur européen de la sélection végétale; demande à l’Union et aux États membres d’évaluer précisément les effets sur la sécurité alimentaire des brevets sur la matière biologique et les processus biologiques essentiels, et de protéger la liberté d’exploitation et l’exemption de l’obtenteur;
39. reconnaît l’importance de rendre les cultures plus résistantes au changement climatique et aux nouveaux agents pathogènes, afin d’augmenter et de maintenir les rendements à court et à long terme, compte tenu notamment des sécheresses et des pénuries d’eau qui frappent un nombre croissant d’États membres de l’Union; souligne que cet objectif est lié à la restauration et à la conservation de la biodiversité, de la santé des sols et de l’application de méthodes agroécologiques et biologiques, et souligne l’importance de la sécurité et de la diversité des semences; souligne que les obtenteurs et les agriculteurs doivent disposer d’un accès garanti à des semences de qualité de variétés végétales adaptées aux pressions du changement climatique et aux systèmes agricoles à faible consommation d’intrants, notamment à des variétés traditionnelles et adaptées à la situation locale et à du matériel hétérogène, ainsi qu’aux ressources génétiques nécessaires à la poursuite de leur activité; »
Lien vers l’avis ICI
[EDIT du 1er juillet] : Le texte a été adopté en séance plénière par le Parlement le 14 juin 2023, avec 447 voix pour, 142 voix contre et 31 abstentions.
Dans le texte adopté, on relèvera plus particulièrement les passages suivants, qui dénote bien de la position ambivalente du Parlement, entre promotion des nouveaux OGM, volonté de limiter les brevets sur le vivant et valorisation de la diversité des cultures :
« Nouvelles méthodes culturales
32. [le Parlement] reconnaît l’importance de rendre les cultures plus résilientes face au changement climatique et aux nouveaux agents pathogènes, afin d’augmenter et de maintenir les rendements à court et à long terme, compte tenu notamment des sécheresses et des pénuries d’eau qui frappent un nombre croissant d’États membres de l’Union; souligne que cet objectif dépend de la restauration et de la conservation de la biodiversité, de la santé des sols et de l’application de méthodes agroécologiques et biologiques, et souligne l’importance de la sécurité et de la diversité des semences; souligne que les obtenteurs et les agriculteurs doivent disposer d’un accès garanti à des semences de qualité de variétés végétales adaptées aux pressions du changement climatique et aux systèmes agricoles à faible consommation d’intrants, notamment à des variétés traditionnelles et adaptées à la situation locale et à du matériel hétérogène; souligne qu’ils doivent disposer d’un accès garanti aux ressources génétiques nécessaires à la poursuite de leur activité; (…)
34. invite la Commission à plaider en faveur de l’utilisation ciblée et du développement de nouvelles techniques de sélection dans l’agriculture; demande à l’Union d’accélérer l’adoption d’une législation relative à l’utilisation de nouvelles méthodes de sélection en partenariat avec les États membres, dans le respect du principe de précaution, afin d’accroître les rendements de manière durable et d’accroître la résilience des cultures face aux changements climatiques et aux nouveaux agents pathogènes, compte tenu, en particulier, des organismes nuisibles, des sécheresses, des inondations, des pénuries d’eau et d’autres conditions climatiques extrêmes auxquelles sont confrontés de plus en plus d’États membres de l’Union; souligne que les nouvelles techniques de sélection peuvent favoriser une agriculture durable, ce qui n’est pas possible sans innovation; (…)
36.souligne qu’il importe d’accorder un accès égal aux innovations technologiques et scientifiques, susceptibles d’améliorer la résistance des variétés et de favoriser la diversité des ressources génétiques et des systèmes de production alimentaire, dans le respect des réglementations de l’UE relatives à la sécurité alimentaire;
37.invite la Commission à mieux évaluer les effets des organismes génétiquement modifiés sur la santé, la biodiversité et l’inclusion sociale, ainsi que sur la liberté de choix des agriculteurs et des consommateurs;
38.préconise de réaliser une analyse complète des effets socio-économiques et environnementaux qui découlent, pour le système alimentaire, des brevets sur tout ou partie des processus de sélection et du matériel de multiplication végétale, y compris au regard de leur potentiel d’accroissement de la concentration du marché et de la monopolisation dans la chaîne alimentaire, ainsi que de leur incidence sur le caractère abordable et la disponibilité des denrées alimentaires;
39.estime que l’application ciblée de nouvelles techniques génomiques et l’approbation des semences utilisant ces techniques dans l’Union sont des mesures importantes pour rendre l’agriculture durable dans le contexte du pacte vert pour l’Europe et de la stratégie «De la ferme à la table»;
40.invite la Commission à promouvoir un dialogue à l’échelle européenne sur les possibilités qu’offrent les nouvelles méthodes de sélection pour lutter contre le changement climatique et à sensibiliser le public aux différences entre les plantes transgéniques et les nouvelles méthodes de sélection;
41.souligne l’importance de la sécurité et de la diversité des semences, notamment de la promotion des protéines végétales cultivées dans l’Union afin de produire des denrées alimentaires et des aliments pour animaux d’origine locale ayant une haute valeur nutritionnelle, tout en permettant aux agriculteurs d’accéder à des semences de qualité pour des variétés végétales adaptées aux pressions du changement climatique et à des systèmes agricoles sobres en intrants, y compris des variétés traditionnelles et adaptées à la situation locale et du matériel hétérogène;
42.demande à l’Union et à ses États membres de ne pas délivrer de brevets sur le matériel biologique; leur demande de préserver la liberté d’exploitation et l’exemption de l’obtenteur pour les variétés; »
Lien vers le texte de la résolution adopté ICI
Lien vers la fiche de procédure de la résolution ICI