Etude de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l’extension présenter du passeport phytosanitaire européen, COM(2021) 787 final, 10 décembre 2021

Niveau juridique : Union européenne

L’article 79(6) du règlement 2016/2031, qui établie la nouvelle réglementation en matière de santé des plantes prévoyait que la Commission soumette au Conseil et au Parlement un rapport concernant l’extension du système du passeport phytosanitaire à tous les mouvements de végétaux destinés à être plantés sur le territoire de l’Union, comprenant une analyse claire des coûts et des avantages pour les opérateurs, accompagné, le cas échéant, d’une proposition législative. C’est l’objet de ce présent rapport.

La nouvelle réglementation n’étant entrée en application qu’à partir de décembre 2019, et l’analyse devant être conduite au premier semestre 2021, il n’existait pas de données publiques sur le sujet. Aussi, afin de satisfaire à ces obligations, la Commission européenne a mené une consultation auprès des opérateurs économiques et des autorités administratives chargées de gérer et de mettre en place le système. Un questionnaire de 70 questions a été envoyé aux 27 organisations nationales de la protection des végétaux et aux autorités compétentes de certification, ainsi qu’à 48 associations pertinentes au niveau de l’UE. Les associations nationales, les opérateurs et le grand public pouvaient accéder à ce même questionnaire via le site web de la DG SANTE. Au total, la Commission a recueilli 177 réponses provenant de 25 Etats membres (24 autorités nationales de protection des végétaux, 9 autorités de certification de 7 Etats membres, 43 opérateurs, 44 associations nationales, 50 citoyen.ne.s et 7association de niveau européen).

La Commission va falloir que son analyse a été entravée par 3 facteurs :

  • la contribution limitée des autorités nationales de certification, des opérateur.trice.s, des associations et des citoyen.ne.s ;

  • le délai très court entre l’entrée en vigueur des différentes disposition et la demande d’analyse d’impact ;

  • l’impact de la pandémie de Covid-19 sur le commerce et les activités liées à la circulation des végétaux.

L’analyse n’a donc pas pu être aussi poussée que prévue, et le rapport se contente des sujets qui méritent d’être approfondis selon la Commission.

Nous les développons ci-dessous, en suivant le plan de la Commission

Extension du système des passeports phytosanitaires à l’ensemble des végétaux destinés à la plantation

C’est l’article 79 du règlement 2016/2031 qui introduit l’obligation pour tous les végétaux destinés à la plantation, à l’exception des semences, d’être accompagné d’un passeport phytosanitaire européen (PPE) pour tout mouvement à l’intérieur du territoire de l’Union (auparavant, le passeport n’était exigé que pour certaines espèces de végétaux et de semences, ou certains types de matériel végétal).

Selon les résultats de l’étude mené par la Commission, cette extension est perçue comme positive pour l’accroissement de la traçabilité des plantes par la moitié des répondants, et la majorité des parties prenantes estiment que l’effectivité de la protection des végétaux contre les organismes de quarantaine (OQ) en est accrue.

D’un autre côté, l’extension du système des PPE est vue par près des deux tiers des parties prenantes comme lourde et difficile, et seulement un quart d’entre elles ont considéré que le changement était gérable ou n’ont ressenti aucun changement (à noter que cela peut en partie s’expliquer par le faible délai entre l’entrée en vigueur des dispositions et la conduite de l’étude). Les groupes pour lesquels cela a été ressenti comme le plus difficile sont pour les végétaux destinés à la plantation en ornemental et en fruitiers, ainsi que pour les semences.

Concernant cet aspect, cela a entraîné des changements dans les effectifs et la charge de travail des opérateurs et des autorités nationales de protection des végétaux : l’impact sur la charge de travail des autorités nationale a été supérieur aux changement dans les effectifs (en partie car certaines avaient atteint leur capacité maximale de recrutement). Les changements ne sont pas uniformes au sein des opérateurs, mais plus de la moitié des opérateurs ayant répondu au questionnaire ont rendu compte d’une augmentation de leur charge de travail.

Format harmonisé des PPE

Ce changement semble accepté par les parties prenantes, la plupart des répondants ayant estimé que la transition avait été gérable ou facile.

Apposition du PPE sur l’unité commerciale

L’article 88 du règlement (UE) 2016/2031 a introduit l’obligation pour les opérateurs professionnels d’attacher le passeport phytosanitaire à l’unité commerciale du végétal, du produit végétal et d’autres objets avant qu’ils ne soient déplacés sur le territoire de l’Union.

Les réponses des parties prenantes au questionnaire indiquent qu’il s’agit de l’un des changements les plus difficiles introduits par le règlement. La transition vers cette nouvelle exigence a été jugée lourde ou très lourde par 65 % des parties prenantes, sa mise en œuvre compliquée ou beaucoup plus compliquée par rapport aux exigences précédentes par 81 % des parties prenantes et la complexité du processus de délivrance ou de remplacement du passeport phytosanitaire plus difficile par la moitié des parties prenantes.

Alors que les autorités nationales de protection des végétaux considèrent que l’apposition du PPE sur l’unité commerciale est utile et contribue à une prévention accrue, les opérateurs ont l’opinion inverse. Ces derniers ont donc suggéré de permettre l’apposition du PPE dans les documents de livraison (par ex factures) et d’introduire une version électronique du PPE.

Cette nouvelle exigence a entraîné des changements dans le personnel et une augmentation de la charge de travail, tant des opérateurs que des autorités nationales. Pour les opérateurs, en plus de l charge administrative, cela a entraîné des coûts et des délais supplémentaires, ainsi que parfois, la nécessité de s’équiper de nouveaux systèmes informatiques.

Obligations pour les opérateurs autorisés à délivrer des PPE

Le règlement (UE) 2016/2031 a introduit de nouvelles exigences à remplir par les opérateurs délivrant les passeports phytosanitaires, en fixant les règles pour assurer la traçabilité des plantes, les conditions pour les examens, les conditions pour l’autorisation des opérateurs professionnels à délivrer des passeports phytosanitaires et les obligations de ces opérateurs autorisés (articles 69, 87, 89 et 90 respectivement).

Si les textes prévoient la possibilité pour les autorités nationales de délivrer les PPE (ce qui est encore le cas dans certains Etats), plus de 70 % des répondants estiment qu’il n’est pas nécessaire que le soit l’autorité compétente qui délivre les passeports phytosanitaires. Ce n’est que dans une minorité d’États membres, 7 sur 24, que des frais sont facturés par les autorités publiques aux opérateurs pour les autoriser à délivrer des passeports phytosanitaires.

Avec la nouvelle réglementation, les opérateurs sont maintenant responsables des examens afin de délivrer les PPE. Près de la moitié des opérateurs qui ont répondu au questionnaire ont déclaré qu’ils utilisent leur propre expertise pour assurer la détection des OQ dans leurs locaux, tandis que 44,2% des opérateurs ont répondu qu’ils l’externalisaient.

Ces nouvelles exigences ont augmenté la charge de travail tant des opérateurs que des autorités nationales.

Dispositions relatives aux ventes à distance à destination des utilisateurs finaux

L’article 81 du règlement (UE) 2016/2031 introduit une exception à l’obligation d’accompagner les végétaux d’un passeport phytosanitaire lorsqu’ils sont fournis directement à un utilisateur final, mais cette exception ne peut pas être appliquée lorsque les végétaux sont reçus dans le cadre de ventes à distance.

Bien que cette exigence ait été considérée comme appropriée par environ la moitié des répondants, environ 40% l’ont jugée inutile ou contraignante. On note une différence significative entre les différents types de parties prenantes ayant répondu au questionnaire : alors que plus de la moitié des autorités nationales de protection des végétaux considère que l’exigence est appropriée, seul un quart des opérateurs partage cet avis et plus de la moitié la juge inutile ou contraignante. Pour les opérateurs dans le secteurs des activités de conservation des variétés végétales, l’impact de ces dispositions leur semble disproportionné par rapport à leurs capacités. On notera que 40 % des opérateurs n’avaient pas d’opinion sur la question.

D’autre part, la moitié des autorités nationales consultées a jugé insuffisante la clarté des dispositions des passeports phytosanitaires pour les utilisateurs finaux recevant les végétaux par le biais de ventes à distance, et il a été souligné que les différents États membres ont des approches différentes.

Passeport phytosanitaire électronique

Selon l’article 88 du règlement (UE) 2016/2031, le passeport phytosanitaire doit être physiquement attaché à l’unité commerciale ; toutefois, l’article 83, paragraphe 8, introduit la possibilité, au moyen d’actes d’exécution, de fixer les modalités techniques de la délivrance d’un passeport phytosanitaire électronique. L’introduction d’un passeport phytosanitaire électronique a été jugée faisable et utile par plus de la moitié des répondants au questionnaire. A noter que si les autorités nationales sont unanimes sur l’utilité d’un PPE électronique, les avis sont plus partagés au niveau des opérateurs (les petits opérateurs estiment ainsi en majorité que cela entrainerai de nouvelles charges et de nouveaux coûts). Il a été suggéré que si le PPE électronique est introduit, il ne devait pas être exclusif de la version papier.

Organismes réglementés non de quarantaine (ONRQ)

Avant l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2016/2031, les passeports phytosanitaires garantissaient que le matériel végétal échangé était exempt d’organismes de quarantaine. Selon l’article 85 de ce règlement, le passeport phytosanitaire confirme désormais, en plus de l’absence de OQ, que les exigences et les mesures contre les ONRQ ont été respectées.

Le besoin d’une plus grande cohérence entre le règlement santé des plantes et la législation sur la production et la commercialisation du matériel de reproduction des végétaux a été clairement pointé du doigt. Ainsi, dans le cas du matériel de reproduction des fruits et plantes fruitières et de celui de la vigne, les dispositions relatives aux ONRQ figurent à la fois dans la législation santé des plantes et dans celle sur la production du matériel de reproduction des végétaux, ce qui crée une confusion quant aux exigences légales à suivre.

Concernant l’efficacité de ces nouvelles exigences, les répondants sont partagés, et environ un tiers juge le système de PPE nouvellement étendu ni efficace ni inefficace. Concernant plus spécifiquement les semences, plusieurs répondants ne voient pas la nécessité que le passeport phytosanitaire contienne des informations sur la conformité aux exigences des ONRQ, car les contrôles officiels pendant et après la certification des semences garantissent déjà que les lots de semences commercialisés sont exempts de ONRQ.

Les nouvelles règles relatives aux passeports phytosanitaires n’ont pas eu d’incidence sur l’efficacité des contrôles officiels des ONRQ, car la plupart des autorités nationales de protection des végétaux et des autorités compétentes en matière de certification effectuaient déjà des contrôles officiels simultanés des ONRQ et des OQ avant l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2016/2031.

Le règlement (UE) 2016/2031 n’a pas eu d’impact significatif sur le nombre de contrôles officiels pour les ONRQ (42% des autorités compétentes ont répondu que le nombre de contrôles officiels liés aux passeports phytosanitaires pour les ONRQ est resté le même alors que 33% des répondants ont déclaré une augmentation de moins de 25%). L’extension des exigences relatives aux passeports phytosanitaires n’a pas entraîné une augmentation du nombre de cas de non-conformité aux exigences et mesures relatives aux ONRQ.

Connaissance générale des PPE

Le questionnaire comportait une section spécifique pour les citoyens, afin d’évaluer leurs connaissances sur ce système.

Plus de la moitié des citoyens ayant répondu savaient que les végétaux devaient être accompagnés d’un passeport phytosanitaire au niveau de l’entreprise ; toutefois, seul un tiers environ savait que les végétaux achetés en ligne devaient également être accompagnés d’un passeport phytosanitaire.

Bien que la plupart d’entre eux ne soient pas au courant de l’obligation d’avoir un passeport phytosanitaire pour les plantes achetées en ligne, plus de la moitié d’entre eux considèrent cette obligation comme une bonne idée, un tiers environ seulement pense qu’elle est contre-productive.

Conclusion

Suite à cette étude, la Commission estime que dans l’ensemble, l’extension du système de passeport phytosanitaire a contribué à la réalisation des objectifs du règlement (UE) 2016/2031, en particulier à une efficacité accrue de la protection contre les OQ, à une meilleure préparation à l’identification de nouveaux parasites des végétaux préoccupants pour l’UE, à une meilleure compréhension et sensibilisation des parties prenantes concernées sur l’importance phytosanitaire et à une possibilité accrue d’identifier les parasites.

Toutefois, l’extension du système de passeport phytosanitaire à tous les végétaux destinés à la plantation a été considérée par la plupart des parties prenantes comme lourde et difficile. En outre, les réactions recueillies auprès des parties prenantes indiquent que la transition vers les nouvelles exigences ne s’est pas toujours faite sans heurts et que les nouvelles règles relatives aux passeports phytosanitaires n’étaient pas toujours claires, ce qui a rendu la mise en œuvre plus difficile au début.

Les parties prenantes s’accordent à dire que les nouvelles dispositions ont renforcé la protection du territoire de l’Union contre les organismes nuisibles et que les coûts qu’elles ont déclarés ne sont pas importants. Toutefois, elles considèrent dans le même temps que certaines des exigences entraînent une charge administrative supplémentaire et des coûts associés qui l’emportent sur les avantages supplémentaires perçus. C’est notamment le cas de la nécessité de joindre le passeport phytosanitaire à chaque unité commerciale unique et des dispositions régissant les ventes à distance. Les personnes interrogées considèrent également que le fonctionnement global du secteur des végétaux destinés à la plantation et des semences n’a pas connu de changement significatif.

La Commission estime cependant qu’il est nécessaire de poursuivre les discussions afin que de définir des améliorations ciblées qui pourraient être nécessaires, en particulier concernant l’apposition des PPE sur l’unité commerciale et les dispositions relatives aux ventes à distance. Une discussion approfondie doit aussi être menée sur l’introduction éventuelle d’un PPE électronique et sur la manière dont ce changement pourrait être mis en œuvre sans accroître inutilement la charge administrative pesant sur les petits opérateurs.

Aucune remise en cause ou révision globale du système n’est envisagée, au contraire, la Commission estime que toute modification éventuelle du nouveau régime devrait avoir une portée limitée, car elle porterait essentiellement sur des ajustements du système existant.

Lien vers le rapport de la Commission ICI (version française)

Lien vers les résultats de l’étude ICI(en anglais)

Lien vers le rapport scientifique in extenso ICI (en anglais)

Nota : Dans le même temps, la Commission a mené une enquête sur l’application et l’efficacité des mesures phytosanitaires relatives aux importations sur le territoire de l’Union, à retrouver sur cette page.

Lien vers la présentation de ces rapports par la Commission ICI. Dans ce document, la Commission présente les points qui lui paraissent les plus immportants de l’étude sur l’extention des PPE dans ces termes :

« According to the Commission’s assessment, the extended plant passport system has contributed towards achieving the objectives of the Plant Health Regulation, in particular, as regards increased protection against quarantine pests, improved preparedness for the identification of new plant pests of EU concern, improved awareness of relevant stakeholders of the importance of plant health and increased possibilities to identify pests.

However, the feedback gathered from stakeholders indicates that the transition to the new requirements was not always smooth and the new rules were not always fully clear, making the implementation more difficult especially at the outset.

Stakeholders agreed that the new provisions increased the protection of the Union territory against pests and that the costs they involved were not significant. Nonetheless, they also considered that some requirements pose additional administrative burden and associated costs that outweigh additional benefits.

To enhance the effectiveness and practical implementation of the extended plant passport system, the Commission identified three elements for further discussion and possible legislative adjustments: (1) the attachment of plant passports to ‘trade units; (2) arrangements for intra-EU distance sales; and (3) possible introduction of an electronic plant passport. »