UPOV, Session d’automne 2021 (27-29 octobre 2021)

Niveau juridique : International

L’UPOV a tenu sa session annuelle 2021 du 27 au 29 octobre. Cette session se compose des réunions de différents groupes et comités, présentées ci-dessous par ordre chronologique. Afin d’avoir une vision globale et complète du contenu de cette session, lire (uniquement en anglais) l’analyse d’APBREBES, ONG ayant le statut d’observateur. Retour synthétique sur les temps forts de cette session annuelle, qui s’est tenue à distance.

Comité technique (TC/57), 25 et 26 octobre, ouvert au public

En amont de la session 2021 de l’UPOV s’est tenu, les 25 et 26 octobre, une réunion du Comité technique de l’UPOV. De nombreux points ont été abordés.

Comme les années précédente, la question des techniques moléculaires et de leur utilisation dans le cadre des examens DHS, pour l’examen des variétés essentiellement dérivées, pour l’identification des variétés, l’application des droits ainsi que les questions de propriété, confidentialité et accès en matière de données moléculaires ont été sur le devant de la scène et seront au programme des groupes de travail pour l’année 2022.

Lien vers le rapport en français ICI et les documents de la réunion ICI

Comité administratif et juridique (CAJ), 27 octobre 2021, ouvert au public

La réunion s’est concentrée essentiellement sur les mêmes sujets que l’année précédente.

Les variétés essentiellement dérivées

Lors de la dernière réunion du CAJ en 2020, avait été créé un groupe de travail composé de 13 Etats parties, de l’UE, de 6 organisations d’obtenteurs et de l’ONG APREBES. Ce dernier avait pour tâche de proposer une révision de la note d’explication sur les variétés essentiellement dérivées.

Il a commencé ses travaux en décembre 2020 et s’est réuni quatre fois. La façon dont le groupe de travail s’est acquitté de son mandat démontre la grande influence de l’industrie semencière sur l’UPOV et ses décisions.

Résumé des négociations au sein du groupe de travail

Ce résumé se base sur les différentes fiches veille produites, ainsi que sur l’analyse d’APREBES, qui a participé aux travaux de ce groupe (voir ICI et fiches n° 3337 et n°3368)

Le groupe a commencé ses travaux en invitant les organisations des obtenteurs à présenter les aspects du document actuel qu’ils voudraient voir réviser pour « refléter la pratique et la compréhension des obtenteurs en ce qui concerne les variétés essentiellement dérivées ». Ces derniers étaient aussi invité à présenter des propositions sur ces aspects. Or, comme le souligne APREBES, la position de ces acteurs étaient déjà bien connue, puisqu’elle avait fait l’objet de la plupart des présentations faites lors du Séminaire sur l’impact de la politique sur les variétés essentiellement dérivées sur les stratégie de sélection, qui avait initié la révision des notes explicatives. Le document de présentation des problèmes et des propositions identifiés par les membres et les observateurs, lui, n’a pas été étudié lors de la réunion.

Ce document de 65 propositions ne fut d’ailleurs jamais discuté, car dès la deuxième réunion, le président du groupe de travail, Peter Button (Vice-secrétaire général de l’UPOV) proposa d’élaborer pour la 3ème réunion un avant projet de révision des notes explicatives « sur la base des propositions présentées dans l’exposé conjoint des organisations internationales d’obtenteurs, compte tenu des points soulevés au cours de la réunion par les délégations de l’Argentine, du Kenya et de la Suède et des précisions apportées par les représentants des organisations d’obtenteurs. » !

Le projet contenait des changements substantiels par rapport à la note explicative préexistante. Peu avant la 3ème réunion, Inari, une entreprise de biotechnologies, a présenté de vives critiques : pour elle, le projet était contraire à l’UPOV 1991 et aurait un effet anti-innovation. Elle a donc demandé au groupe de travail de réexaminer la note explicative afin de permettre aux variétés issues de nouvelles techniques de sélection de bénéficier de la pleine portée de la Convention UPOV (ie, ne pas être considérée comme des variétés essentiellement dérivées). Elle souhaitait aussi que l’exemption du sélectionneur (qui permet d’utiliser des variétés protégées à des fins de recherche) ne soit pas limitée à la sélection par croisement et sélection. Il est interessant de noter que les nouvelles techniques de sélection (NBT), souvent décrites par l’industrie et certains gouvernements comme extrêmement innovantes, ne sont dans ce nouveau projet qu’un dérivé essentiel de la variété originale !! Ainsi, si la fédération internationale des semences écrit sur son site internet que « les progrès technologiques stimulent l’innovation dans le domaine de la sélection végétale pour créer de nouvelles variétés », dans le cadre des négociations de l’UPOV, elle défend le fait que les variétés résultant de ces techniques constituent des variétés essentiellement dérivées…

Cependant, ces objections de la firme Inari ne furent pas reprises lors de la 3ème réunion du groupe de travail, et les organisations d’obtenteurs ont exprimé leur soutien total à l’avant-projet.

En amont de la réunion du 4ème groupe de travail, l’Espagne a toutefois remis cette question sur la table, en déclarant que la nouvelle formulation était incompatible avec l’article 14(5)(b)(i) et que dans certains cas, « la variété [issue de NBT] ne devait pas automatiquement considérée comme essentiellement dérivée, et [que] chaque cas devait être éxaminé au cas par cas ». En effet, sinon, cela reviendrai à favoriser les technologies classiques de sélection végétales par rapport à ces nouvelles techniques génomiques.

Toutefois, cette demande de l’Espagne a été rejetée par l’industrie semencière d’un commun accord. Cette dernière estime en effet que « la révision proposée des notes explicatives actuelles sur l’EDV est essentielle pour assurer une plus grande équité et sécurité juridique aux obtenteurs, aux titulaires de droits d’obtenteur et aux développeurs de variétés essentiellement dérivées, telles que les variétés génétiquement modifiées, et pour rétablir l’équilibre entre les titulaires de droits d’obtenteur et les titulaires de brevets, qui sont couramment utilisés pour protéger les technologies et les caractères d’édition de gènes. ».

APREBES avait aussi émis un commentaire, en demandant l’abrogation de la section 3 « Options pour l’application des droits des obtenteurs en ce qui concerne les variétés essentiellement dérivées », sortie de nulle part, faisant valoir que la façon dont les titulaires des titres ont valoir leurs droits ne fait pas partie de la Convention UPOV et n’a donc pas à figurer dans les notes explicatives.

La réunion s’est conclue sur le rejet de la proposition espagnole et des commentaires d’APREBES.

Débats lors du CAJ

Lors de la préparation de la réunion du CAJ, le bureau de l’UPOV a cependant contacté APREBES avec une nouvelle proposition, qui supprimait cette section 3. Ces changements ont été présentés et approuvés lors de la réunion du CAJ.

En revanche, la discussion autour de la proposition espagnole, relayée par l’UE, a été plus houleuse : sans surprise, l’industrie fit valoir son opposition, de même que les Etats-Unis et le Canada. L’Espagne, l’Australie et l’Argentine supportaient elles la position de l’UE. Finalement, la proposition fut retirée en raison des désaccords irréconciliables.

Le CAJ a donc arrêté la version des notes explicatives sur les variétés essentiellement dérivées. Cette dernière sera transmise pour approbation au Comité Consultatif et adopté par le Conseil par correspondance.

Le produit de la récolte

La plupart des décisions sur le sujet avaient déjà été prises par correspondance par le CAJ en septembre 2021 : le CAJ a décidé de lancer une révision des « Notes explicatives sur les actes à l’égard du produit de la récolte selon l’Acte de 1991 de la Convention UPOV », des « Notes explicatives sur le matériel de multiplication selon la Convention UPOV » et des « Notes explicatives sur la protection provisoire selon la Convention UPOV », en se basant sur les échanges ayant eu lieu lors du séminaire sur le droit d’obtenteur en relation avec le produit de la récolte de mai 2021(voir fiche veille), alors même que ce séminaire était très partial et ne représentait principalement que les intérêts des obtenteurs..

Un groupe de travail composé de 17 Etats membres, de 5 associations d’obtenteurs, de l’association internationale des producteurs horticoles et d’APREBES a été mis en place. Sa première réunion est prévue le 15 mars 2022.

Nouveauté des lignées parentales en rapport avec l’exploitation d’une variété hybride.

Il a été proposé d’organiser en 2022 un séminaire sur le sujet, avec l’intervention de 5 association d’obtenteur et de membres. Il avait aussi été proposé de décider d’ors et déjà que le bureau de l’UPOV préparerait des orientations communes en la matière, sur la base de ces interventions. APREBES a fait valoir que, dans le passé, de telles présentations étaient souvent unilatérales, alors que les délégués se devaient d’étudier l’ensemble des positions. Le CAJ a accepté ces remarques sur le principe, et le bureau de l’UPOV «  exprimé son engagement à veiller à ce que les événements soient organisés avec un équilibre des perspectives ».

Documents de la réunion à retrouver ICI

Comité consultatif (CC), 28 octobre 2021 non ouvert au public

Les réunions de ce comité ne sont pas ouvertes au public. Toutefois, l’ONG APREBES a fourni, dans son rapport, un compte-rendu des échanges ayant eu lieu lors de cette réunion et a mis en ligne sur son site les documents de la réunion ICI. Les décisions prises par le comité peuvent être retrouvée dans le rapport disponible sur le site de l’UPOV. ICI

Lors de cette réunion a été discuté la question d’une nouvelle interprétation des actes accomplis de manière privée et pour des buts non-commerciaux, qui ne sont pas concernés par les droits d’obtention. En effet, dès 2016, une proposition avait été faite pour changer les notes explicatives sur le sujet, mais aucune discussion sérieuse n’avait eu lieu. Sur la base du rapport d’Oxfam, Plantum et Euroseeds concernant les petits exploitants agricoles, présenté lors de la dernière réunion du CC, la discussion est revenue sur le devant de la scène. Le CC a finalement décidé d’établir un groupe de travail pour développer des orientations communes concernant les petits exploitants agricoles en relation avec l’utilisation à titre privé et à des fins non commerciales, incluant une révision des « Notes explicatives sur les exceptions au droit des obtenteurs selon l’acte de 1991 de la Convention UPOV ». Ce groupe sera composé des membres de l’UPOV et des observateurs au Conseil volontaires, et se réunira pour la 1ère fois le 17 mars 2022.

L’enjeu est ici important puisqu’il s’agit de discuter de la possibilité d’assimiler l’usage fait par les petits exploitants agricoles à une utilisation à titre privé et à des fins non commerciales, ie à les exempter des droits de l’obtenteur.

Les discussions ont également porté sur le rôle et la place de l’UPOV au sein d’autres instances internationales. En effet, le fait que l’UPOV participe au Partenariat mondial des semences (initiative regroupant la Fédération internationale des semences, l’ISTA, l’OCDE, l’UPOV et l’Organisation mondiale des agriculteurs) soulève la question de savoir pourquoi l’UPOV coopère avec certaines parties prenantes et pas avec d’autres.

Enfin, le CC s’est penché sur la question de la FAQ sur les interrelations entre la Convention UPOV, la Convention sur la diversité biologique (CDB) et le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA). Après avoir été question de consulter la CBD et le TIRPAA pour obtenir leur avis dessus avant adoption, cette option a été rejetée, et il a été décidé que le bureau de l’Office ferai un projet, basé sur les retours des membres.

Conseil (C), 29 octobre 2021, ouvert au public

Lors de cette réunion du Conseil ont notamment été examinées la conformité de nouvelles lois sur la protection des obtentions végétales par rapport avec l’UPOV 1991 pour plusieurs pays :

  • Jamaïque : le Conseil a estimé que le projet de loi sur les nouvelles variétés végétales de 2021 était conforme à l’UPOV 1991. Cela permet à la Jamaïque, une fois le projet de loi adopté, de déposer son instrument d’adhésion à l’UPOV 1991

  • Ghana : en septembre, le Conseil avait aussi reconnu la conformité de la loi sur la protection des obtentions végétales du Ghana avec l’UPOV 1991. Cette décision est surprenante car la loi ghanéenne entre clairement en contradiction avec l’art. 18 de l’UPOV 1991. En effet, celui-ci indique que le droit de l’obtenteur est indépendant de toute mesure prise par une partie contractante pour règlementer le commerce, alors que la clause 22 de loi ghanéenne établit que le droit de l’obtenteur est soumis à toute mesure prise pour réguler le commerce.

  • Nigeria : en août, le Conseil a réaffirmé sa décision de 2019 sur la conformité de la loi sur la protection des variétés végétales du Nigéria avec l’acte de 1991.

Il est intéressant de noter que des contestations constitutionnelles sur ces nouvelles lois ont été déposées au Ghana et au Nigeria.

Documents de la réunion à retrouver ICI