Niveau juridique : Union européenne
Alors que la possibilité de vendre des semences de variétés du domaine public, non inscrites au Catalogue officiel, à des amateurs semblait avoir été consacrée, une bonne fois pour toutes après bien des rebondissements, par la loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires dans son article 10, cet « avis circonstancié » de la Commission européenne pourrait semer le doute.
En effet, conformément à ce qu’il avait annoncé lors des débats au Parlement (voir fiche veille n°2913), le Gouvernement français avait notifié en mars 2020 cette mesure à la Commission en tant que règle technique, c’est-à-dire une règle ayant un impact sur la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux au sein de l’UE. Cette procédure permet à un Etat-membre de solliciter l’avis de la Commission sur la conformité au droit européen d’un projet de texte réglementaire. L’article de loi ayant finalement été adopté à l’Assemblée nationale, le Gouvernement n’a cependant pas attendu la fin du délai de réponse de la Commission pour promulguer cette dernière…
L’avis de la Commission, communiqué le 23 juin 2020, soit plus de 10 jours après l’entrée en vigueur de la loi, arrive donc avec un train de retard, créant un véritable imbroglio juridique. La loi française, définitivement adoptée, est entrée en vigueur, et s’applique pleinement, mais est considérée comme contraire à la réglementation européenne par la Commission…
En effet, dans cet avis, la Commission estime que tous les échanges de semences devraient être soumis à la législation européenne sur le commerce de semences (sauf exemptions expressément mentionnées dans la législation). La motivation de l’avis de la Commission n’est cependant guère convaincante. Il semble que la Commission, dans sa lecture de la définition du terme commercialisation, assimile l’expression « en vue d’une exploitation commerciale » utilisée dans la réglementation avec « dans le cadre d’une exploitation commerciale », deux cas de figure pourtant bien différents.
Les conséquences juridiques de cette situation sont incertaines, et dépendent pour beaucoup du bon vouloir de la Commission. En effet, la loi ayant été adoptée, l’avis se place donc « hors-cadre », et pour contester la loi, la Commission devra enclencher une procédure de contentieux « classique », qui passe par une mise en demeure, un recours en manquement… Cela semble peu probable que la Commission se lance dans une telle procédure longue et laborieuse, alors même qu’une réforme de la réglementation commercialisation semences se profile à l’horizon.
Les dispositions de cette loi pourraient aussi être remises en cause dans le cadre d’un litige entre particuliers, une des parties à un procès faisant intervenir cette loi pourraient faire valoir qu’elle a été adoptée selon un procédure non régulière.
Lien vers le texte de l’avis, mis à disposition par Inf’OGM ICI