Niveau juridique : France
Question orale n° 0414S de Mme Patricia Morhet-Richaud (Hautes-Alpes - Les Républicains), publiée dans le JO Sénat du 19/07/2018
Texte de la question :
« Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le ministre, je souhaitais attirer votre attention sur le feu bactérien, maladie grave provoquant la nécrose des organes et pouvant entraîner la mort de l’arbre.
C’est la bactérie Erwinia amylovora qui est à l’origine de cette maladie. Cette bactérie, présente naturellement dans l’environnement, se propage notamment par l’intermédiaire des insectes pollinisateurs et de l’aspersion, mais aussi à partir des plantes hôtes - aubépines, sorbiers, pyracantha - situées à proximité des vergers.
Les zones de production de poires sont fortement touchées et, dans une moindre mesure, celles de pommes. Chaque année, de nouveaux foyers sont signalés en France comme chez nos voisins ; aucune région n’est épargnée. Actuellement, tout le matériel végétal est contaminé et peu de porte-greffes sont tolérants à la bactérie.
Une journée chez les arboriculteurs du val de Durance a d’ailleurs été organisée la semaine dernière dans mon département des Hautes-Alpes ; le département voisin des Alpes-de-Haute-Provence est lui aussi affecté. Les dégâts sont importants, notamment sur les arbres qui ont été récemment renouvelés ; les jeunes vergers, de moins de cinq ans, et les arbres surgreffés semblent en effet plus vulnérables.
C’est pourquoi la lutte contre le feu bactérien doit être traitée à la hauteur du danger qu’il représente pour la production française.
Sans négliger la recherche sur le long terme et l’approche curative sur le moyen terme, la lutte préventive à court terme doit elle aussi faire l’objet de toute notre attention, faute de quoi la bactérie se propagera et fera disparaître nos vergers alpins.
Les derniers essais prouvent que le BION 50 WG - fongicide qui induit une réaction de défense naturelle - est actuellement le produit le plus efficace. Il est autorisé en Europe, mais ne l’est pas en France.
Par conséquent, monsieur le ministre, je vous serais très reconnaissante de bien vouloir m’indiquer pourquoi la dérogation a été refusée pour l’usage de ce produit sur les pommiers et poiriers, alors qu’elle a été accordée, en 2018, pour son utilisation contre la bactériose du kiwi.»
Réponse du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, publiée dans le JO Sénat du 01/08/2018 - page 13215
« Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Morhet-Richaud, le feu bactérien touche de façon cyclique les arbres fruitiers et ornementaux à pépins : pommiers, poiriers, néfliers et cognassiers.
C’est un danger sanitaire de deuxième catégorie, pour lequel, selon l’importance et la configuration du foyer découvert, des mesures d’assainissement sont obligatoires, par la taille ou la destruction des végétaux.
Ces mesures visent les pépinières, leur environnement et certaines zones de protection. Elles peuvent être étendues aux vergers de production par décision préfectorale.
Le traitement de cette bactériose végétale est assez délicat et les produits actuellement autorisés ont une efficacité limitée.
Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a été saisi au printemps dernier d’une demande de dérogation visant à autoriser l’emploi du produit BION 50 WG pour la lutte contre le feu bactérien du pommier et du poirier. Ce produit est un stimulateur de la défense des plantes, autorisé sur cultures ornementales, sur le bananier et sur la tomate. Ce produit ne présente lui aussi qu’une efficacité partielle.
Je vous rappelle que l’évaluation des substances se fait au niveau européen ; celle des produits contenant ces substances, au niveau national.
La substance active qui compose ce produit a donc été approuvée au niveau européen en 2016 ; cette approbation a toutefois été assortie d’une réserve à destination du fabricant, qui devait fournir des informations complémentaires avant le 1er juin 2017 concernant le potentiel de perturbation endocrinienne de la substance.
En parallèle, une demande d’autorisation pour l’utilisation du produit sur les pommiers et les poiriers a été déposée à l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. L’évaluation de cette demande est toujours en cours.
Les premiers éléments de cette évaluation mettent néanmoins en évidence un risque inacceptable pour l’opérateur lors de l’application sur les pommiers. Aussi, il n’a pas été possible de donner une suite favorable à la demande d’autorisation dérogatoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour répondre à M. le ministre.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais vous comprendrez qu’elle ne me satisfait pas et ne saurait calmer les inquiétudes des arboriculteurs français, qui sont régulièrement pénalisés par les surtranspositions de textes européens.
Monsieur le ministre, c’est un cri d’alarme que poussent les arboriculteurs de nos vergers alpins !
À ce jour, le travail de recherche, pourtant important, est insuffisant. Les investigations doivent s’intensifier afin de proposer aux arboriculteurs une sélection de matériel végétal très tolérant ou résistant à la bactérie, d’évaluer la sensibilité au feu bactérien du matériel végétal actuel, par variétés et porte-greffes, et de rechercher des méthodes alternatives pour lutter contre le feu bactérien. L’arboriculture française compte sur vous, monsieur le ministre ! »
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