Niveau juridique : France
Question écrite N° 7246 de M. Paul-André Colombani - Urgence à mettre en œuvre une véritable politique de lutte contre Xylella fastidiosa en Corse, publiée au JO le 10/04/2018
Texte de la question
« M. Paul-André Colombani attire l’attention de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les risques actuels liés à la contagion des végétaux en Corse par la « xylella fastidiosa », et les conséquences irréversibles que cela pourrait avoir si les autorités de l’État ne prennent pas la mesure des effets dramatiques de certains comportements actuels. Afin de faire face à ce fléau qui a déjà produit des dégâts considérables dans le sud de l’Italie et notamment dans les Pouilles, l’Union européenne a révisé le 19 octobre 2017 la décision communautaire relative à la gestion de « xylella fastidiosa » (décision n° 2015/789/UE modifiée, relative à des mesures visant à éviter l’introduction et la propagation dans l’Union de « xylella fastidiosa »), faisant passer la Corse d’une stratégie d’éradication à une stratégie d’enrayement. À la demande du représentant de l’État, la création d’une mission conjointe a été obtenue auprès de votre ministère et de celui de l’agriculture avec un appui tant du conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux que de celui de l’environnement et du développement durable. L’objectif de cette mission était de proposer des mesures spécifiques tenant compte des particularités de la Corse afin d’assurer la sauvegarde des filières agricoles et ornementales ainsi que de la biodiversité de l’île. C’est notamment la mission reçue par le président du conseil exécutif, et qui est menée avec le pilotage conjoint de l’Office de développement agricole et rural (ODARC) et l’Office de l’environnement de la Corse (OEC). Concernant les mesures déjà en œuvre, le préfet avait pris le 30 avril 2015 un arrêté, intervenu à la suite d’une délibération de l’Assemblée de Corse n° 14/173 du 25 septembre 2014. Cet arrêté, s’il n’interdit pas complètement les importations de plants, permet de limiter les introductions de plantes hôtes de « xylella », au nombre d’environ 240. C’est là l’enjeu principal de la stratégie d’enrayement dans la mesure où la stratégie d’éradication s’avère techniquement impossible à mettre en œuvre étant donné le niveau de présence de la « xylella fastidiosa ». Or l’introduction massive de plants se poursuit, y compris pour des plants ornementaux, malgré les mises en garde régulières des autorités de la Collectivité de Corse. En janvier 2018 par exemple, 668 oliviers sont entrés en Corse, dont 4 lots en provenance d’Espagne, alors même que l’analyse de risques devrait être révisée depuis octobre 2017 à la suite de la découverte des 3 souches les plus virulentes en Espagne fin 2016. Pourtant, l’Association régionale d’expérimentation fruits et légumes en Corse a mis en place avec le SIDOC (oléiculteurs) une filière de production de plants désormais disponibles, avec financement de l’ODARC. Plus préoccupant encore, les importations de plantes hôtes ornementales sont toujours autorisées, y compris des espèces identifiées par la décision communautaire comme les plus sensibles, notamment le laurier rose (« nerium oleander » : 41 866 plants importés en 2017, et déjà 440 en janvier 2018). La Corse n’est pas prémunie contre le risque d’entrée de « super vecteurs » et de sous-espèces de « xylella fastidiosa » bien plus dangereuses que celle déjà présente en Corse (la multiplex) qui provoqueraient une crise de type californienne, et notamment l’effondrement de filières agricoles (en première ligne la filière oléicole et la filière des plantes aromatiques). Il résulte de tout ceci que les conséquences économiques, sociales et même politiques d’une crise de type californienne ou sud italienne seraient bien plus graves que les risques liés à une confrontation avec les revendeurs. En outre, les lacunes de la stratégie actuelle conduisent à émettre des interrogations fortes sur la pertinence de la mission conjointe envoyée en Corse, et portent ainsi atteinte à la crédibilité des autorités de l’État. La situation sur le terrain est déjà dramatique depuis qu’un plant d’olivier et un plant de chêne contaminés par la « xylella fastidiosa » ont été découverts début avril 2018. Par ailleurs l’Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (EPPO) a averti que le test actuel pour dépister la bactérie, proposé par l’ANSES, n’est pas complètement efficace. Il lui demande donc que l’on procède à l’homologation du test proposé par l’INRA, jugé plus pertinent. Il lui demande aussi que des mesures juridiques soient prises rapidement afin de limiter au maximum l’entrée de nouveaux végétaux en Corse et de faire appliquer réellement ce dispositif qui comporte actuellement trop de lacunes et se révèle laxiste. Enfin, il lui demande que le Gouvernement tire les conséquences du désastre qui a eu lieu dans les Pouilles afin qu’une réflexion soit menée au niveau européen, avec l’appui s’il le faut de la conférence des îles, et qu’un nouveau cadre juridique européen permette de préserver mieux les écosystèmes insulaires, notamment sur le volet du contrôle de l’entrée des marchandises, par dérogation au principe de libre circulation. »
Texte de la réponse :
«Identifiée pour la première fois en Europe en 2013, la bactérie xylella fastidiosa est une priorité phytosanitaire majeure pour l’Union européenne (UE) et un sujet de préoccupation prioritaire pour de nombreux pays, en particulier la France. Elle a été détectée dans plusieurs États membres de l’UE dont la France, l’Espagne, et l’Italie. La Commission européenne et la France ont invité les ministres des États membres les plus concernés par xylella fastidiosa, en raison du contexte pédoclimatique de leur territoire ou de la présence de foyers, à une réunion de haut niveau, à Paris, le 1er décembre 2017. La Croatie, Chypre, la France, l’Allemagne, l’Italie, Malte, le Portugal, la Slovénie, l’Espagne, la Grèce, et la Commission européenne ont exprimé leur engagement collectif dans la lutte contre xylella fastidiosa en adoptant une feuille de route ambitieuse pour renforcer la maîtrise de cette maladie. Face au risque d’extension de la maladie à de nouvelles espèces végétales, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation met en œuvre une surveillance particulièrement renforcée en Corse avec 3 000 dépistages annuels sur les 8 000 conduits sur l’ensemble de notre territoire. La surveillance renforcée concerne notamment les oliviers et les chênes, conformément au plan de surveillance pluriannuel et au plan de surveillance corse. La circulation des végétaux sensibles à xylella fastidiosa est réglementée au niveau communautaire, ceux-ci étant soumis à des règles strictes permettant de garantir leur innocuité. Compte tenu du caractère insulaire de la Corse et de la richesse de sa biodiversité notamment en termes d’espèces endémiques, le préfet de Corse a par l’arrêté préfectoral du 30 avril 2015 interdit les introductions des plants de végétaux spécifiés. Cet arrêté dispose que les dérogations à l’introduction de végétaux sensibles à la bactérie xylella fastidiosa sont instruites au cas par cas par les services de l’État. La délivrance des dérogations se base sur une analyse de risque prenant notamment en compte la nature, l’origine, la destination et la traçabilité des végétaux. Une interdiction totale des introductions sur l’île serait contraire au droit européen qui organise la circulation des biens. La méthode d’analyse officielle validée par le laboratoire national de référence et utilisée par les laboratoires agréés est la PCR temps réel (PCR Harper), avec un processus d’extraction standardisé reconnu au niveau international ; la méthode permettant d’identifier la sous-espèce de la bactérie est l’analyse de séquences (MLSA-MLST). Ces deux méthodes figurent sur la liste des méthodes officielles validées par la Commission européenne sur la base des recommandations de la norme internationale de l’OEPP PM7/24 en vigueur. Cette norme est élaborée et régulièrement mise à jour par un comité d’experts européens, dont font partie l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’institut national de la recherche agronomique (INRA). Les méthodes développées par l’INRA sont en cours d’examen par ce comité d’experts. La communication du 3 avril 2018 par le syndicat interprofessionnel des oléiculteurs de Corse de résultats positifs pour des analyses non officielles réalisées par l’INRA sur des oliviers est prise très au sérieux par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, considérant en effet les impacts que pourrait avoir une extension de la maladie à cette espèce si cette information devait se confirmer. Suite à cette alerte, plusieurs échantillons ont été prélevés par les services de l’État sur les végétaux suspectés. Les résultats obtenus sur les premiers échantillons par le laboratoire national de référence (laboratoire de la santé des végétaux de l’ANSES) n’ont pas confirmé la présence de la bactérie. À ce jour, aucune analyse issue d’un prélèvement officiel et mettant en œuvre la méthode officielle n’a mis en évidence une contamination d’oliviers en Corse. L’ANSES a procédé également à des analyses en utilisant la méthode d’extraction et d’analyse retenue par l’INRA. Ces analyses n’ont pas permis de confirmer les résultats trouvés par l’INRA et n’ont pas mis en évidence la bactérie sur les échantillons ainsi testés. De multiples facteurs peuvent expliquer les divergences observées. Les services de l’État, l’ANSES et l’INRA collaborent activement afin d’identifier les causes possibles de ces différences de résultats, et de nouveaux prélèvements officiels sont en cours. À la demande du préfet de Corse, une mission d’expertise associant le conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux du ministère chargé de l’agriculture et le conseil général de l’environnement et du développement durable du ministère chargé de l’environnement a été lancée en janvier 2018. Cette mission, qui se déroule sur le premier semestre 2018, vise à déterminer si la stratégie de lutte peut être optimisée au vu des spécificités du territoire Corse. Par ailleurs, face à des cas inexpliqués de dépérissement d’oliviers et d’oléastres en Corse, une mission a débuté à l’initiative du ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Rassemblant différents experts du ministère chargé de l’agriculture et du laboratoire de la santé des végétaux de l’ANSES, cette mission a pour objectif de tenter de déterminer les causes des dépérissements observés. Un premier rapport est attendu cet été. Enfin, comme le ministre chargé de l’agriculture l’avait annoncé lors du dernier salon international de l’agriculture, une campagne d’information à destination des voyageurs afin de prévenir les transports de végétaux potentiellement contaminés vers des zones indemnes vient d’être lancée dans les ports et aéroports. La mobilisation de l’État est très importante sur ce sujet à forts enjeux. »
Texte de la question disponible ici