Niveau juridique : France
Extraits choisis :
« M. Frédéric Gimat, chef du pôle Biosécurité au SIVAP. - La Nouvelle-Calédonie étant compétente en matière de réglementation zoo- et phytosanitaire depuis l’adoption de la loi organique statutaire de 1999, la Nouvelle-Calédonie a fait le choix d’un système allant vers la protection optimale des consommateurs et de l’environnement en suivant un modèle de biosécurité qui s’appuie plus ou moins sur les dispositions en vigueur dans la région de l’Océanie-Pacifique, marquée par les chefs de file australien et néozélandais.
La mise en place de ce double système pose la problématique des normes et des variables d’ajustement, caractéristiques de la Nouvelle-Calédonie. Le débat public, à l’heure actuelle, se concentre sur la qualité des denrées par rapport aux substances actives pouvant être contenues dans les produits phytopharmaceutiques autorisés en Nouvelle-Calédonie, aux limites maximales de résidus ou encore aux hormones contenues dans la viande bovine ou du mercure dans les poissons pélagiques. Un point d’équilibre doit constamment être trouvé.
Les articles 4 et 22 de la loi organique donnent compétence à la Nouvelle-Calédonie sur les problématiques zoo- et phytosanitaires, sur les abattoirs ainsi que sur les contrôles sanitaires, également aux frontières. La règlementation a été adoptée dans ses grands principes mais nécessite d’être peaufinée. La pierre angulaire du dispositif est une règlementation sur la biosécurité aux frontières internationales, votée par le Congrès calédonien en décembre 2012. Plusieurs années ont été nécessaires pour la publication d’un premier texte d’application sur les conditions d’entrée des produits à risques végétaux et animaux. Cette délibération ne traite toutefois pas des exportations et ne prévoit aucune sanction pénale. Bien que d’autres arrêtés doivent encore la compléter, les services parviennent à fonctionner.
Certains aspects ne sont pas ou sont peu couverts par la règlementation, notamment les engrais et les matières fertilisantes, dans un contexte où les provinces calédoniennes, en charge des problématiques de développement agricole et d’environnement, souhaitent par exemple favoriser la fabrication de compost à base de déchets verts abondants en milieu tropical. Cette valorisation peut être complexifiée par les fortes teneurs en nickel ou en cuivre non admises par les normes françaises ou européennes. Le contrôle des établissements de production de végétaux, les pépinières, n’est également pas encore couvert par une règlementation spécifique.
La Nouvelle-Calédonie ne dispose pas de réseaux d’épidémio-surveillance et mobilise donc des structures partenaires, notamment les réseaux des groupements de défense sanitaires (GDS) issus des commissions de la chambre d’agriculture. Néanmoins, aucun dispositif n’est prévu au niveau règlementaire.
La Nouvelle-Calédonie a opté pour un contrôle strict des importations pour la protection zoo- et phytosanitaire mais des progrès restent à réaliser en matière de règlementation. En particulier, les pouvoirs des agents et les sanctions prévues ne sont pas en cohérence avec l’ambitieuse politique de biosécurité que promeut la Nouvelle-Calédonie, contrairement à l’Australie, par exemple, qui applique de fortes amendes (environ 200 dollars australiens, soit 150 euros) lors de tout franchissement de sa frontière avec des objets et des matières en infraction avec sa règlementation zoo- et phytosanitaire.
Mme Valérie Campos. - Les normes zoo- et phytosanitaires calédoniennes sont majoritairement inspirées des recommandations de l’OIE et de la Convention internationale sur la protection des végétaux (CIPV). Pour certaines pathologies qui n’affectent pas à ce jour la Nouvelle-Calédonie, comme le syndrome dysgénésique et respiratoire porcin (SDRP), des exigences supérieures à celles applicables au sein de l’Union européenne (UE) ont été mises en place. L’interdiction d’importer de la viande crue porcine vise à éviter d’introduire cette pathologie en Nouvelle-Calédonie où l’absence de règlementation sur le traitement des eaux grasses et certaines pratiques d’élevage, telle que le manger-cochon, pourraient favoriser la propagation rapide de la maladie au sein des élevages.
M. Frédéric Gimat. - S’agissant de la protection des végétaux, la Nouvelle-Calédonie n’est pas signataire de la CIPV. Membre de l’organisation régionale Pacific Plant Protection Organization (PPPO), elle applique des mesures sanitaires internationales dans la mesure de ses possibilités et des compétences dont elle peut disposer.
Ces normes régionales peuvent en outre différer des normes internationales, comme en attestent les débats actuels portés par l’Australie et la Nouvelle-Zélande sur la mise en place de normes régionales sur le contrôle des conteneurs, eu égard au report en 2017 d’une telle réglementation au niveau international.
Mme Valérie Campos. - Dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments, les normes des règlements européens « Paquet Hygiène » ont été globalement retranscrites en droit local.
M. Frédéric Gimat. - En ce qui concerne la biosécurité, la notion dominante adoptée est celle du continuum, avec un système de protection stricte aux frontières. Une action préventive est en effet moins onéreuse que la lutte contre les maladies et d’éradication de ravageurs qui seraient parvenus à pénétrer sur le territoire.
Ce dispositif, qui s’inspire fortement des systèmes australiens et néozélandais, concerne les marchandises mais aussi les vecteurs qui les transportent. Toutes les marchandises potentiellement à risques, les appareils les transportant (avions, navires, conteneurs, véhicules, etc.) ainsi que les lieux par lesquels elles transitent (ports, aéroports) sont inspectés. Les investigations sont à la fois documentaires et physiques in situ.
Ces marchandises considérées comme à risque sont listées par la règlementation mais rien n’interdit d’inspecter d’autres types de marchandises qui pourraient paraître de prime abord anodines (poteries, pneus, etc.).
À la différence de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Calédonie n’externalise pas les contrôles. Pour la Nouvelle-Zélande, des agents sont présents dans les pays exportateurs pour inspecter la marchandise avant son départ, ce qui est moins coûteux pour l’État et pour l’industrie.
Il est difficile d’avoir une réponse tranchée sur la question de savoir dans quelle mesure et pour quelles productions les normes sanitaires et phytosanitaires calédoniennes sont plus exigeantes ou plus souples que les normes européennes et australiennes, puisqu’elle implique une connaissance des normes de tous ces pays. En outre, les normes européennes sont relativement compliquées mais d’une manière générale, les normes calédoniennes en matière zoo- et phytosanitaire sont plus strictes que les normes européennes et moins contraignantes que celles appliquées en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Par exemple, l’importation de certaines espèces reproductives, telles que les porcs, est interdite. La charcuterie française également, de même les crustacés vivants, notamment les crevettes crues, en raison d’une filière aquacole qui emploie un millier de personnes et constitue la principale filière d’exportation aquacole. La Nouvelle-Calédonie est indemne de nombreuses maladies et entend pérenniser cette situation en exerçant une stricte vigilance sur les importations et en refusant les certifications de certains pays tiers. L’importation de certains fruits et légumes n’est pas autorisée si les études de risques n’ont pas été réalisées. C’est le cas de la banane, dont la filière est relativement développée, et, comme culture vivrière, appartient à un modèle social à protéger. Des espèces végétales sont considérées comme envahissantes tandis que certaines espèces animales ne sont pas présentes en Nouvelle-Calédonie. L’introduction d’espèces comme les nouveaux animaux de compagnie (NAC), tels que la belette, aurait un impact trop important en matière environnementale pour être autorisée.
250 000 plantes entrent chaque année en Nouvelle-Calédonie, dont 70 000 à 80 000 plantes ornementales. Sur ces dernières, le taux d’interception lors des contrôles physiques s’établit à 70 à 80 %. L’importation de matériels reproductifs, tels que les fruitiers et les bananiers, est interdite mais elle peut être exceptionnellement autorisée sur arrêté du gouvernement lorsque ces plantes sont destinées à la recherche, les structures concernées disposant des moyens pour détecter d’éventuelles maladies.
En matière zoo-sanitaire, sont imposées une pré-quarantaine au départ et une quarantaine à l’arrivée. En revanche, aucune quarantaine végétale n’est prévue. Son instauration nécessiterait des moyens importants qui n’ont pas encore été mis en oeuvre. Ce dispositif existe en Australie et en Nouvelle-Zélande, où des essais générationnels sont effectués sur les semences importées>.