une technologie fordiste
Frédéric Thomas et Christophe Bonneuil,
En donnant, à partir de deux lignées pures données, une série d’hybrides, identiques les uns aux autres en première génération, la génétique agricole du 20e siècle a atteint le paroxysme de son ambition à révolutionner l’amélioration des plantes. Dans le cas du maïs, ces hybrides industriels en conquérant le monde ont constitué le moteur de l’essor du capitalisme semencier à l’échelle planétaire et sont devenus une matière première majeure sur un marché agricole global.
L’analyse de la genèse de cette innovation technique voit l’affrontement de deux écritures de l’histoire. Pour la première, l’existence dans la nature d’un phénomène qualifié de vigueur hybride ou d’hétérosis, explique que la « voie hybride » ait supplanté toute autre voie d’amélioration du maïs1. La seconde analyse au contraire l’adoption de semences hybrides avant tout comme relevant d’un choix économique, commercial et politique qui oblige l’agriculteur à acheter annuellement sa semence, le rendant par conséquent tributaire des firmes semencières. On observe alors que le capitalisme américain s’est heurté à deux obstacles pour constituer la semence en marchandise globale : premièrement un obstacle biologique (les semences produisent des plantes qui produisent des semences), deuxièmement un obstacle institutionnel (les recherches des Stations d’État limitant le monopole du privé sur l’amélioration des plantes…). L’histoire de l’amélioration du maïs au 20e siècle devient alors la chronique des efforts des industries privées pour contourner ces deux obstacles.
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Références complètes
paru dans C. Bonneuil, G. Denis et J.-L. Mayaud, dir., Sciences, chercheurs et agriculture. Pour une histoire de la recherche agronomique. Paris, Quae-L’Harmattan, 2008, 155-180