les agriculteurs doivent pouvoir échanger leurs semences
Réseau Semences Paysannes,
Résumé
La contribution des agriculteurs est indispensable à la préservation et au développement de la biodiversité cultivée, mais elle disparaît dès que leurs droits ne sont pas reconnus. Ces droits, définis par des accords internationaux, sont entravés par des directives européennes interdisant aux agriculteurs d’échanger et de vendre leurs semences. L’Union européenne doit faire évoluer sa réglementation pour honorer sa signature des traités internationaux.
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voir aussi
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Une Europe sans droits de propriété intellectuelle sur les semences
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Les maisons de la semence et la sélection paysanne participative
Texte complet
La biodiversité cultivée convertie en amas de gènes synthétiques !
L’alimentation des générations futures est menacée par l’érosion de la biodiversité cultivée. Cette érosion entame déjà la qualité nutritionnelle de nos aliments actuels. En un demi-siècle, quelques variétés industrielles monolithiques cultivées sur d’immenses territoires ont remplacé l’immense diversité intravariétale et des variétés paysannes (Voir article Ouvrir le marché aux semences paysannes). Notre biodiversité est désormais enfermée dans des banques de gènes d’où elle ne sort que pour servir de matière première aux sélections industrielles. Le remplacement déjà entamé des collections de graines réfrigérées par la numérisation informatique de leurs séquences génétiques annonce les futures semences entièrement reconstruites à base de gènes synthétiques. Dopée par les brevets et les Certificats d’Obtention Végétale (COV) sur les caractères génétiques (voir article Une Europe sans droits de propriété intellectuelle sur les semences), la recherche industrielle a déjà abandonné les premiers OGM pesticides pour investir tous ses capitaux dans la maîtrise des réseaux d’informations, d’atomes, de nanoparticules et de gènes (BANG) (voir article Une Europe sans organisme génétiquement modifié) . Si personne ne l’arrête dans son élan, elle remplacera définitivement la biodiversité réelle par le monde artificiel de la biologie synthétique issue des séquences virtuelles numérisées dans les ordinateurs.
Le travail des paysans et de l’agroécologie
C’est une illusion de croire que l’industrie puisse redéployer la biodiversité dans les champs. Seuls les paysans peuvent faire ce travail par des moyens à leur portée : en repartant de leurs variétés non transformées par les sélections industrielles encore cultivées dans les champs ou accessibles dans les banques de gènes, en les laissant évoluer et se diversifier puis en les sélectionnant pour les adapter aux conditions actuelles de culture. C’est faisable car, de nos jours, les techniques modernes de l’agroécologie permettent d’atteindre en quelques années, avec plus d’emplois paysans et sans engrais ni pesticides chimiques, des performances agronomiques équivalentes à celles des variétés industrielles.
Pour une application effective du TIRPAA
En ratifiant le Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture (TIRPAA), l’Union Européenne (UE) a reconnu l’« énorme contribution que les communautés locales et autochtones ainsi que les agriculteurs de toutes les régions du monde ont apportée et continueront d’apporter à la conservation et à la mise en valeur des ressources phytogénétiques qui constituent la base de la production alimentaire et agricole dans le monde entier ». Elle a aussi reconnu « les droits des agriculteurs (qui en découlent) de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre des semences reproduites à la ferme », droits dont l’application est placée par le Traité sous la responsabilité des Etats.
Dans ces directives « catalogue » (Voir article Ouvrir le marché aux semences paysannes), l’UE autorise l’échange ou la vente de semences n’appartenant pas à une variété inscrite au catalogue, à condition qu’ils « ne visent pas à une exploitation commerciale de la variété ». Ce qui permet à l’industrie semencière d’échanger et vendre, sans aucun contrôle, des ressources phytogénétiques de variétés non inscrites, afin d’effectuer ses travaux de conservation, de recherche ou de sélection. Système qui tourne à l’absurde lorsqu’on l’applique aux agriculteurs : les agriculteurs ne peuvent pas contribuer à la conservation et à la valorisation des ressources phytogénétiques sans en faire un usage commercial puisque c’est l’exploitation commerciale de leurs récoltes qui les fait vivre !
En interdisant l’échange ou la vente de ces ressources pour une exploitation commerciale, les directives « catalogue » interdisent toute contribution des agriculteurs à leur conservation ou à leur valorisation. Pour honorer sa signature du TIRPAA, l’UE doit faire évoluer sa réglementation sur ce point.
propositions :
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étendre la dérogation, qui permet de vendre pour une exploitation non commerciale des semences de variétés non inscrites au catalogue, aux échanges et à la vente par les paysans des semences qu’ils ont eux-mêmes produites ; ces semences doivent être reproductibles et issues de techniques de sélection et de multiplication à la portée de l’utilisateur final ;
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Imposer, comme seules contraintes à ces échanges ou vente, la documentation de l’origine de la variété, des méthodes de sélection et de multiplication, et le respect des contraintes sanitaires concernant les maladies contagieuses.