Association française des biotechnologies, Commentaires sur la proposition de la présidence polonaise de réglementer certaines plantes dérivées de nouvelles techniques génomiques (NTG), 13 janvier 2025

Niveau juridique : France

En vue de la réunion du 20 janvier du groupe travail sur les ressources génétiques et l’innovation en agriculture, la présidence polonaise a présenté un projet de proposition sur le règlement concernant les nouvelles techniques génomiques (NTG) (voir fiche veille). Cette dernière se concentre uniquement sur la problématique des brevets. Elle propose en particulier de mettre en place une procédure de vérification de la protection d’un végétal par un brevet avant la mise sur le marché de plantes NTG de catégorie 1. Si c’est le cas, ce dernier doit être mentionné sur l’étiquette du matériel de reproduction des végétaux et sur le catalogue des variétés. Dans le cas où un végétal NTG 1 est protégé par un ou plusieurs brevets, les Etats membres peuvent restreindre ou interdire l’utilisation pour culture du matériel de reproduction dudit végétal sur tout ou partie de son territoire, en se basant sur des raisons liées aux impacts socio-économiques (incluant l’impact économique sur le secteur de la sélection) ou des objectifs de politique agricole.

L’association française des biotechnologies (AFBV), conjointement avec son homologue allemand le Wissenschafstskreis Genomik und Genetechnik e.V., a publié ses commentaires sur la proposition polonaise. Dans l’ensemble, elle approuve l’esprit des nouvelles dispositions proposées, même si elle estime que ces mesures ne doivent pas être limitées aux plantes NTG de catégorie 1, mais devrait s’étendre à l’ensemble des plantes couvertes par un brevet. De ce fait, il lui semble que l’instrument idéal pour mettre en place ces dispositions est le règlement sur le matériel de reproduction des végétaux, actuellement également en cours de discussion au sein de l’UE. De manière générale, elle critique le fait de « discriminer » les végétaux NTG-1. Reprenant l’argumentaire de la Commission, estimant que ces plantes sont équivalentes à celles sélectionnées de manière conventionnelle, elle estime que les végétaux brevetés issus de sélection conventionnelle devraient être traités à la même enseigne.

Elle souhaite aussi que l’enquête de la Commission sur les conséquences des brevets soit livrée le plus tôt possible (et non comme le propose la présidence polonaise 1 an après l’entrée en vigueur du règlement).

Plus précisément, concernant le processus de vérification du statut de la plante par rapport au brevet, qui est dans le texte proposé par la présidence polonaise, confiée à la Commission, elle préconise de remplacer ce dernier par l’obligation de « divulgation du statut de brevet dans toutes les bases de données appropriées sur les variétés et l’étiquetage MRV, l’absence de divulgation entraînant inopposabilité du brevet » (plutôt que le retrait du marché des MRV concerné, comme le propose la présidence polonaise).

Extraits :

« Au lieu d’un processus de décision de vérification du statut des brevets obligeant la Commission à effectuer un exercice qu’elle ne réalise pas actuellement pour les plantes brevetées résultant d’autres techniques de modification génétique (conventionnelles ou génétiquement modifiées), ne serait-il pas plus simple de rendre obligatoire la divulgation du statut du brevet dans toutes les bases de données appropriées sur les variétés et l’étiquetage MRV, l’absence de divulgation entraînant l’inopposabilité du brevet ? Si les exigences de divulgation et d’étiquetage obligatoires étaient adoptées,ne devraient-elles pas s’appliquer à toutes les plantes brevetées, et la législation sur les MRV ne devrait-elle pas être l’instrument approprié pour faire appliquer ces exigences ? (…)

[sur l’obligation d’étiquetage obligatoire et la transparence sur les matériels de reproduction des végétaux de NTG-1 breveté]

Il y a amplement de raisons d’exiger un tel étiquetage et la transparence de l’information. Toutefois, cet étiquetage obligatoire devrait s’appliquer à tous les MRV brevetés, afin d’éviter toute discrimination inutile avec d’autres MRV brevetés obtenus par d’autres techniques conventionnelles. En outre, pour les variétés non couvertes par les catalogues de l’UE, cette exigence devrait s’appliquer à la base de données OCVV (CPVO). Enfin, si l’on considère que cette disposition devrait effectivement s’appliquer à tous les MRV, alors l’instrument approprié pour ce projet d’article est la législation MRV. »

Dans la suite de sa note, elle détaille quatre mesures qui pourraient, selon elle, répondre aux préoccupations en matière de propriété intellectuelle. L’avantage de ces propositions serait notamment que ces dernières pourraient être mises en place rapidement, car seule la première ne nécessiterait d’acte législatif. Ces mesures sont, selon l’AFBV et le WGG « nécessaires pour créer la transparence sur les variétés couvertes par un brevet, faciliter l’analyse de la liberté d’exploitation et la négociation des licences, apporter des solutions concrètes pour permettre la mise en place des licences obligatoires, clarifier le champ d’application de l’exemption du sélectionneur et rassurer les petits sélectionneurs sur les gènes natifs qui peuvent être présents dans leur patrimoine génétique. »

Extraits :

  • « 1) Prévoir un avenant à la proposition de Règlementation sur les MRV , rendant obligatoire la publication avec des mises à jour régulières du statut des brevets pouvant couvrir une variété commercialisée dans le catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées de l’UE, pour les espèces relevant de cette réglementation, et pour les autres espèces dans la base de données de l’OCVV (…)

L’objectif de cette proposition est de créer une plus grande transparence autour des brevets pouvant couvrir des variétés commercialement accessibles, afin de faciliter l’analyse de la liberté d’exploitation et les possibilités de négociation de licences, les bases de données existantes (PINTO et ILPV) n’étant ni exhaustives ni contraignantes. (…)

  • 2) Préciser, dans un avis interprétatif portant sur la propriété intellectuelle applicable aux plantes, qu’à l’article 27(c) de l’Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet (AJUB)11, le terme « matériel biologique » inclut les outils NTG utilisés pour créer la plante NTG et la variété issue de celle-ci, et que les procédures réglementaires et juridiques de protection et d’inscription des variétés peuvent être mises en œuvre dans le cadre de l’exemption prévue par cet article, alors que les brevets sont toujours en vigueur, ainsi que la production de semences qui précède la commercialisation.

L’objectif de cette proposition est de créer plus de certitude et de clarté quant à la portée de l’exemption du sélectionneur qui, afin de répondre aux besoins de la sélection, doit inclure le matériel génétique lui-même, les outils nécessaires pour améliorer et modifier le matériel génétique, toutes les étapes réglementaires préalables à la commercialisation et la production de semences commerciales avant le lancement. (…)

  • 3) Préciser dans le même avis interprétatif que, dans le cas des licences obligatoires, le critère de l’« intérêt économique considérable » utilisé à l’article 12, paragraphe 3, point b), de la directive 98/44/EC3 ainsi que le critère de l’« intérêt public » utilisé à l’article 29 du règlement (CE) n° 2100/94/CE6 sont satisfaits par l’inscription d’une variété ayant un caractère obtenu par NTG présentant un avantage économique notoire et mesurable (par ex. résistance à une maladie) ou une tolérance accrue à des facteurs environnementaux mesurables (par exemple, la résistance à la sécheresse), en comparaison avec d’autres variétés inscrites, et que des conditions FRAND (équitables, raisonnables et non discriminatoires) devraient s’appliquer aux licences obligatoires, en vertu des articles ci-dessus, pour les plantes obtenues par NTG (i) qui sont couvertes par un brevet ou (ii) qui sont des variétés considérées comme étant essentiellement dérivées d’une variété protégée par certificat d’obtention végétal (COV).

L’objectif de cette proposition est de créer des conditions prévisibles et équitables pour la commercialisation des variétés dépendantes d’un brevet ainsi que pour les variétés NTG qui dépendent d’une variété protégée par COV, qui ont toutes deux besoin d’une licence pour être commercialisées dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, comme c’est déjà le cas pour les variétés couvertes par un brevet dans les bases de données PINTO (1) et ILPV (2).

  • 4) Proposer à l’Office Européen des Brevets (OEB) de confirmer formellement que la clause de « disclaimer » de la règle 28(2)12 de l’OEB couvre non seulement la plante contenant un gène ou un caractère natif, mais également le gène et le caractère correspondant.

L’objectif de cette proposition est de lever toute incertitude quant à la portée de la clause de disclaimer en rassurant le sélectionneur dans le cas où le sélectionneur travaille sur un caractère trouvé dans son patrimoine génétique qui pourrait dépendre d’un brevet sur le même caractère obtenu à la suite de l’utilisation de techniques NTG. (…) »

(1) Base de données PINTO mis en place par Euroseeds : euroseeds.eu/pinto-patent-information-and-transparency-on-line/

(2) Base de données ILPV : International Licensing Platform-Vegetables - www.ilp-vegetable.org

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