Niveau juridique : International
Pour rappel, le mandat de ce groupe de travail est de se prononcer sur la pertinence d’une révision des fiches explicatives sur l’utilisation à des fins privées et non commerciales. Il s’agit notamment de savoir dans quels cas les « petits exploitants » peuvent être autorisés à multiplier, échanger et/ou vendre des semences de variétés protégées. Pour un résumé de la précédente réunion du groupe de travail, voir ICI.
Cette réunion s’est tenue en ligne, sous la présidence de M. Yehan Cui, président du Conseil de l’UPOV. Lors de la précédente réunion, en octobre 2024, il avait été décidé de consulter les membres du groupe de travail afin qu’ils fassent remonter les questions et les personnes à interroger afin de créer un questionnaire permettant de recueillir des informations permettant au groupe de poursuivre ses travaux, ce que le Bureau de l’Union a fait en novembre 2024. L’objectif de cette réunion de mars était donc de faire le point sur les réponses reçues et déterminer des orientations sur les critères et les priorités à appliquer lors de la sélection des questions et des destinataires, avant que le Bureau de l’Union puisse poursuivre ses travaux sur la préparation du questionnaire.
Seuls l’Argentine, le Canada, l’Union européenne, la Suisse ainsi que la fédération internationale des semences (International Seed Federation – ISF) et l’organisation APBREBES ont fait parvenir des contributions. Bien que certaines questions et destinataires soient évoqués par plusieurs répondants, les réponses sont assez disparates, et reflètent bien les préoccupations principales de chacun des acteurs. La question de l’utilisation actuelle de variétés protégées par des petits exploitants, celle de la définition des « petits exploitants » ou encore de savoir si des cas de litiges juridiques ont été relevés reviennent souvent, à destination des Etats membres de l’UPOV, des organisations paysannes, des associations de sélectionneurs ou autre. Il est intéressant de noter que seule l’Union européenne propose de demander aux Etats non-adhérents à l’UPOV si l’une des raisons de leur position est liée aux petits exploitants agricoles et à leur éventuel besoin vital de vendre des excédents de semences de variétés protégées. De même, elle propose d’interroger sur la réputation de l’UPOV en lien avec perceptions liées à la question des petits exploitants agricoles. L’ISF, elle, axe ses questions sur l’information des agriculteurs par les sélectionneurs, tandis que l’APBREBES propose d’interroger le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation sur les liens entre droit de vendre/échanger des semences (y compris celles appartenant à une variété protégée) et sécurité alimentaire.
Les prises de parole lors de la réunion sont symptomatiques de la mauvaise volonté de certains membres du groupe à vouloir avancer sur le sujet. Ainsi, les Pays-Bas, le Canada ou encore le Japon sont revenus sur la pertinence même d’un questionnaire, et bien que plusieurs délégués ont pointé que cela ne faisait pas partie du mandat du groupe de travail, plusieurs délégations ont demandé l’organisation d’un séminaire. L’Afrique du Sud, soutenue ensuite par la Suisse, a déclaré que pour elle, le plus important était de définir ce qu’on entendait par le terme « usage privé et non commercial », et si ce concept restreignait l’accès aux semences. Certains se sont tout de même inquiété du manque de consultation et de participation des pays en développement, alors même qu’ils sont concernés au premier chef par la question.
Finalement, le groupe de travail a décidé de se contenter d’un questionnaire réduit adressé uniquement aux membres de l’UPOV comprenant les questions suivantes :
« 1. Votre pays ou organisation intergouvernementale applique-t-il l’exception « actes accomplis dans un cadre privé et à des fins non commerciales » ? Si oui, comment est-elle mise en œuvre ?
2. En ce qui concerne cette exception, existe-t-il des définitions pour le terme suivant : « actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales » ? « actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales » ?
3. Veuillez préciser la législation/réglementation et la jurisprudence concernant cette exception.
4. La mise en œuvre de cette exception dans votre juridiction pose-t-elle des problèmes et/ou offre-t-elle des possibilités ? Veuillez expliquer »
La prochaine réunion du groupe de travail est fixée au le 23 octobre 2024, pendant la session annuelle de l’UPOV.
Analyse
Ainsi que l’analyse l’ONG APBREBES dans son rapport, cette 5ème réunion s’est déroulée dans la droite lignée des précédentes réunions du groupe de travail, avec une peur de l’UPOV de se confronter à des opinions extérieures. Alors qu’il est tout de même évident que l’utilisation à des fins privées et non commerciales à a voir avec les droits des petits acteurs, les délégations ont refusé de consulter ces derniers afin de mieux comprendre leur perspective. De même, il n’est pas question d’interroger le rapporteur spécial des Nations Unies alors même que cette question peut avoir un impact sur l’accès aux semences et le droit à l’alimentation.
L’UPOV préfère se renfermer sur elle-même et se complaire dans une attitude d’idéalisation de son système : il ne s’agirait pas de laisser la porte ouverte à une remise en question. Cela montre combien l’objectif de l’UPOV est avant tout de soutenir les intérêts de l’industrie semencière. Le signal est clair : les membres de l’UPOV ne souhaitent pas vouloir (ou pouvoir) équilibrer son système pour mieux répondre aux besoins des petits agriculteurs et réduire l’impact négatif sur le système de semences géré par les agriculteurs.
Lien vers les documents de la réunion ICI
Lien vers le rapport d’APBREBES sur le sujet (en anglais) ICI