Niveau juridique : International
L’UPOV a tenu sa session annuelle 2023 du 25 au 27 octobre. Cette session se compose des réunions de différents groupes et comités, présentées ci-dessous par ordre chronologique. Cette fiche veille s’appuie sur le rapport fait par l’ONG APBREBES, observateur dans cette institution (à retrouver ICI (en anglais))
Comité administratif et juridique (CAJ), 25 octobre 2023
La session a été ouverte par la nouvelle Secrétaire générale adjointe de l’UPOV Mme Yolanda Huerta, qui a présenté son équipe : M. Martin Ekvad, nommé directeur des affaires juridiques (chargé d’examiner les législations des pays candidats), et M. Leontino Taveira, nommé directeur du développement mondial et des affaires techniques (en charge du développer le nombre de membres de l’UPOV).
Lors de cette session, le point sur la nouveauté des lignées parentales en rapport avec l’exploitation de la variété hybride a particulièrement retenu notre attention.
Il s’agit ici de savoir si la nouveauté des lignées parentales est ou non perdue par l’exploitation de la variété hybride. Sur ce point, une enquête sur les pratiques commerciales a été menée par l’International Seed Federation(ISF), CropLife International, Seed Association of the Americas (SAA), Association Asie‑Pacifique pour les semences(APSA), Association africaine du commerce des semences (AFSTA) et Euroseeds concernant l’impact de l’exploitation commerciale de l’hybride sur la nouveauté des lignées parentales. Pour l’industrie semencière, l’hybride et les lignées parentales étant des variétés différentes, l’exploitation de l’hybride ne doit pas affecter la nouveauté des parents. Or, c’est la solution inverse qui est le plus souvent retenue dans les lois nationales.
Sur les 73 répondants à l’enquête, seuls 5 (7%) considèrent qu’il existe un problème de nouveauté avec les lignées parentales. Cependant, selon les enquêteurs, ces 7 % n’incluent pas les sélectionneurs qui s’abstiennent de déposer une demande de COV sur les lignées parentales en raison de l’interprétation de la nouveauté dans les droits nationaux. L’enquête révèle que plus de la moitié des sélectionneurs déposent des demandes de protection sur les lignées parentales plus d’un an après la vente de l’hybride, une fois assuré du succès commercial de ce dernier. Certains vont même encore plus loin (env. 10%), en déposant des demandes de protection sur les lignées parentales vers la fin de la durée de protection d’une variété hybride, afin de prolonger la période de protection de l’hybride !
Suite à cette présentation, le Canada a indiqué son intention de changer son interprétation actuelle pour une politique selon laquelle la nouveauté des lignées parentales ne serait pas perdue par l’exploitation de la variété hybride. Suite à une question de l’Afrique du Sud pour savoir s’il s’agissait d’adapter les notes explicatives, le président a précisé qu’il s’agissait d’une simple sensibilisation et non d’une position dogmatique.
Le CAJ a donc décidé de maintenir ce point à l’ordre du jour de sa prochaine session pour partager des informations supplémentaires des Etats membres.
Le Bureau invitera l’ensemble des membres qui ont répondu que la nouveauté des lignées parentales était perdu par l’exploitation de l’hybride à faire une présentation pour expliquer leur situation nationale. Serait-ce une tentative de pression pour faire évoluer leur position ?
Ce débat est donc loin d’être résolu, puisque le texte de l’UPOV autorise les deux interprétation et que le CAJ ne semble pas considérer qu’il est nécessaire de clarifier cela.
Lien vers les réponses à l’enquête ICI
Lien vers les documents de la réunion ICI
Groupe de travail sur le produit de la récolte et l’utilisation non autorisée de matériel de reproduction ou de multiplication, 25 octobre 2023
Lors de sa précédente réunion le 21 mars 2023, le groupe de travail avait convenu de modifier la section « Facteurs pris en compte en ce qui concerne les matériels de propagation » (c’est-à-dire pour déterminer s’il s’agit ou non de matériel de reproduction) de la note explicative sur les matériels de reproduction. Il s’agissait tout d’abord lors de cette réunion d’adopter les propositions de modifications. Ces dernières, bien que mineures, sont tout de même à noter, le retrait de toute référence à « l’intention « de la personne comme facteur déterminant. Cette proposition sera soumise au CAJ lors de sa prochaine réunion.
Le Groupe de travail a également discuté du champ de l’étude qu’il souhaite conduire pour l’assister dans ses discussions sur « l’étendue du droit de l’obtenteur » dans l’article 14 de l’acte de 1991, y compris les notions d’« utilisation non autorisée » et d’« opportunité raisonnable » et la relation avec l’« Épuisement au droit d’obtenteur » à l’article 16 de l’Acte de 1991. Une question a notamment agité les débats : dans cette étude, faut-il inclure l’examen d’affaires juridiques existantes, comme la décision de la Cour européenne de justice dans l’affaire Nadorcott ? L’étendue finale et le(s) auteur(s ) de l’étude seront déterminé lors de la prochaine réunion du groupe en 2024.
Le groupe de travail a également examiné les propositions pour réviser les notes explicatives sur la protection provisoire selon la Convention UPOV. La période provisoire correspond à la période comprise entre le dépôt de la demande d’octroi d’un droit d’obtenteur ou sa publication et l’octroi du droit.
De représentants de l’industrie (ISF, CIOPORA, CropLife International, Euroseeds, l’APSA, AGSTA, SAA) ainsi que le Japon souhaiteraient que la protection provisoire court à compter de la date de dépôt dans l’un des Etats membre, ce qui est pourtant en contradiction avec le principe de territorialité du droit de propriété intellectuelle et dépasse le cadre de l’UNPOV 1991. De même, les représentants de l’industrie ont fortement poussé pour ajouter des modules de texte supplémentaires pour souligner la nécessité d’une protection complète. Ces demandes n’ont toutefois pas été suivies d’effet et il a été décidé de garder le texte existant. Les représentants de l’industrie doivent écrire une note pour présenter la nécessité d’une telle protection (sans qu’il soit bien clair ce à quoi cette note va servir).
La prochaine réunion du groupe de travail est fixé le 21 mars 2024.
Document de la réunion ICI
Groupe de travail sur les orientations concernant les petits exploitants agricoles en lien avec l’utilisation à des fins privées et non commerciales, 25 octobre 2023
Pour rappel, lors de la dernière réunion du groupe, il avait été décidé, non pas de travailler à une révision des notes explicatives (contraignantes), mais d’examiner d’abord toutes les FAQ qui affectaient les paysan-ne-s. L’idée était d’attirer l’attention sur les bénéfices de l’UPOV pour les paysan-ne-s. Pourtant, cette décision dépassait clairement le cadre de son mandat, qui était de développer « des orientations concernant les petits agriculteurs en ce qui concerne l’utilisation privée et non commerciale, qui serviraient de base à une révision des « Notes explicatives sur les exceptions au droit d’obtenteur selon l’Acte de 1991 de la Convention UPOV » (document UPOV/EXN/EXC) et à une révision de la Foire aux questions (FAQ) sur les exceptions au droit d’obtenteur ».
Suite à une circulaire envoyée en juillet à l’ensemble des membres de l’UPOV, 5 contributions ont été recueillies, dont une de l’ONG APBREBES. Outre cette dernière, les contributions de l’Union européenne et des Pays-Bas étaient favorables à autoriser sous certaines conditions l’échange ou la vente de semences de variétés protégées (petites quantités, activité occasionnelle, vente locale de surplus…)
Cependant, lors de la réunion, le Japon, les Etats-Unis et le Chili ont fait clairement savoir qu’ils refusaient une interprétation aussi large, tandis que la Norvège, les Pays-Bas, l’UE et la Suisse soutiennent une acceptation plus large de l’utilisation non-commerciale. L’UE a d’ailleurs souligné qu’il en allait de la réputation de l’UPOV et d’autres membres estiment que ce pourrait attirer de nouveaux membres.
Les oppositions étaient telles qu’il est apparu qu’il n’était pas possible de parvenir à une discussion (encore moins un accord) sur cette question. Il a donc été uniquement décidé que le Bureau ferai passer une circulaire aux membres du groupe de travail en leur demandant d’identifier les questions et de préciser à qui elles doivent être adressées, afin de recueillir des informations permettant au groupe de poursuivre ses travaux. Sur la base des réponses à la circulaire, le Bureau de l’Union préparera un questionnaire que le groupe examinera à sa prochaine réunion.
Cela retarde donc d’encore un an les travaux de ce groupe de travail, preuve s’il en ai de l’enjeu de la question.
La prochaine réunion du groupe est prévue pour le 22 mars 2024.
Documents de la réunion ICI
57ème session ordinaire du Conseil de l’UPOV, 27 octobre 2023
Il s’agissait de la première session de la nouvelle équipe de direction de l’UPOV, dirigée par Mme Yolanda Huerta en tant que Secrétaire générale adjointe de l’UPOV.
UPOV e-PVP
L’UPOV e-PVP a été lancé en 28 septembre 2023, le Viet-Nam ayant été le première membre de l’UPOV à adhérer à l’UPOV e-PVP dans l’ensemble de ces éléments. Ce dernier se compose de :
a. UPOV PRISMA: l’ outil de demande en ligne permettant de déposer des demandes auprès des services de protection des obtentions végétales
b. Module d’administration de l’UPOV e-PVP: un système numérisé destiné aux services de protection des obtentions végétales, conçu pour faciliter la gestion des demandes et de l’octroi de droits d’obtenteur, la communication avec les demandeurs et les titulaires, la publication d’informations et la transmission de données vers la base de données PLUTO
c. Module d’échange de rapports d’examen DHS de l’UPOV e-PVP: une plateforme d’ échange de rapports d’examen DHS entre les services de protection des obtentions végétales
d. Base de données PLUTO: contient des informations sur les variétés végétale
L’UPOV e-PVP se présente également comme une plateforme de coopération entre les membres en matière d’administration et d’examen des demandes.
Lors de la session, le Ghana s’est engagé à adhérer à l’UPOV e-PVP, et le Canada, l’OCVV et les Pays-Bas ont exprimé leur engament à adhérer au module d’échange de rapoort d’examen DHS de l’UPOV e-PVP.
L’UPOV e-PVP marque un pas de plus dans la digitalisation des services de l’UPOV.
Statistiques sur les COV
Pour la période 2021-2022, le nombre de demandes de protection des obtentions végétales a augmenté de 8,2 % (de 25 133 à 27 187), mais le nombre de titre délivrés est en légère baisse (1?5 %, passant de 15 082 à 14 860). Au final, 161 232 titres étaient en vigueur fin 2022 (soit 4,6 % de plus qu’en 2021).
Tout comme en 2021, en 2022, c’est la Chine et l’Union européenne qui ont reçu le plus de demandes, et logiquement, ce sont également eux qui en ont accordé le plus. La 3ème place sur le podium des demandes de droits est occupée par le Royaume-Uni, qui passe devant les Etats-Unis. Ces derniers restent tout de même troisième pour ce qui est des titres octroyés.
La majeure partie des demandeurs sont Chinois (12 357 demandes en 2022), suivis par les Néerlandais (2 874) puis les Etats-unis (2 120 demandes). Les Français ne sont que 4ème, avec 1 167 demandes.
La croissance de l’UPOV est donc largement tirée par la Chine. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, si l’on enlève les chiffres de la Chine du nombre de COV délivrés, ce dernier est en légère baisse sur la période 2028-2022, alors même que le nombre de membres de l’UPOV a augmenté sur la même période… De manière également significative, 7 des 72 membres de l’UPOV n’avait pas un seul titre de propriété en vigueur en 2022. De même, en 2022, seuls 7 titres de protection étaient en vigueur dans les 17 Etats d’Afrique de l’ouest rassemblés au sein de l’organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI).
Le succès et le dynamisme dont se targe l’UPOV ne serait-il donc pas un peu exagéré ?
Lien vers les statistiques ICI
Lien vers les documents de la réunion ICI