Office Européen des Brevets - Décision sur non-brevetabilité des plantes issues de procédés classiques de sélection - Recours contre annulation brevet, affaire T 1063/18

Niveau juridique : Union européenne

Syngenta a remis en cause la décision de l’Office Européen des Brevets(OEB), qui après examen a refusé en mars 2018 sa demande concernant le brevet EP2753168 - NOUVEAUX POIVRONS ET FRUITS DE MEILLEURE VALEUR NUTRITIONNELLE.

Syngenta a donc fait un recours contre ce refus de lui accorder le brevet, refus principalement motivé par le fait que l’objet de ce brevet tombe dans les exemptions à la brevetabilité. En effet, les procédés dits essentiellement biologiques (cad les procédés classiques de sélection tels que le croisement et la sélection) ne sont pas brevetables (article 53b de la Convention sur le brevet européen) et les plantes et animaux issus de ce type de procédés ne sont également pas brevetables (règle 28 du règlement d’exécution de ladite Convention).

En effet, en juin 2017, le Conseil d’Administration de l’OEB avait clarifié la situation des plantes et animaux issus de procédés essentiellement biologiques (voir fiche dédiée) en modifiant cette règle 28 du règlement d’exécution. Depuis, plusieurs demandes ont été refusées par l’OEB car l’objet du brevet concernait de telles plantes, d’autres demandes de brevet ont été annulées (voir register.epo.org/application?number=EP05103316&lng=fr&tab=event ). Syngenta a quand même remis en cause la décision de rejet par rapport à sa demande de brevet.

La chambre de recours technique 3304, chargée de traiter le recours enclenché par Syngenta, a estimé lors d’une audition le 5 décembre dernier que le rejet de la demande de brevet sur le seul critère de la règle 28 du règlement d’exécution (cad plantes issues de procédés classiques de sélection) n’était pas valable. La chambre a notamment argumenté que lors de décisions ultérieures, la grande chambre de recours avait clairement indiqué l’interprétation à suivre sur ce point. Il s’agit notamment d’une décision de la grande chambre de recours en date du 25-03-2015 (voir fiche dédiée) concernant des brevets sur le brocoli et la tomate : «Le champ d’application du terme « procédé essentiellement biologique pour la production de plantes » dans l’Article 53(b) CBE doit être interprété de telle sorte que les inventions de produit dont l’objet revendiqué est une plante, du matériel végétal comme un fruit ou parties de plantes autres qu’une variété, ne soient pas exclues de la brevetabilité.».

Même si le Conseil d’Administration de l’OEB a modifié le règlement d’exécution en juin 2017 (cf ci-dessus) afin de faire évoluer la situation suite à cette décision du 25-03-2015, la Chambre de recours technique a estimé dans l’affaire en cours sur le brevet de Syngenta que c’était la décision du 25-03-2018 qui devait s’appliquer. Elle invoque pour cela l’article 164-2 de la Convention : «En cas de divergence entre les dispositions de la présente convention et celles du règlement d’exécution, les dispositions de la convention prévalent.». La Chambre de recours technique ajoute que le sens d’une disposition de la Convention, tel qu’éclairé par la Grande chambre de recours, ne peut pas être renversé par une révision des règles du Règlement d’exécution.

La Chambre de recours technique affirme être consciente de l’intérêt des sélectionneurs à pouvoir librement procéder à des sélections et croisements sans être gênés par des brevets. Pour autant, la mise en balance de cet intérêt avec celui des inventeurs à tirer profit de leur invention incombe selon elle au législateur.

Ainsi, le 5 décembre dernier, la Chambre de recours technique a renvoyé pour un nouvel examen la demande de brevet faite par Syngenta concernant de NOUVEAUX POIVRONS ET FRUITS DE MEILLEURE VALEUR NUTRITIONNELLE en précisant que cette demande ne peut pas être rejetée sur le seul critère que ces poivrons sont des plantes issues de procédés classiques de sélection.

La décision de la Chambre de recours technique a été publiée début 2019.

Cette décision remet ainsi en cause la non-brevetabilité des plantes et animaux issus de procédés classiques de sélection. Le Conseil d’Administration de l’Organisation Européenne des Brevets pourrait avoir à se prononcer à nouveau sur ce sujet : s’il souhaite clarifier durablement le sujet, il semble nécessaire non seulement de modifier le règlement d’exécution mais aussi la Convention elle-même, processus plus long et complexe.

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