Assemblée Nationale : Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire Mercredi 28 janvier 2015 - Audition de M. Jacques Moineville, directeur général adjoint de l’Agence française de développement (AFD)

Niveau juridique : France

Extraits choisis :

« Mme Brigitte Allain. J’ai suivi de près les débats de la loi sur le développement défendue par M. Pascal Canfin, et je suis très attentive à sa mise en œuvre. Quels changements a-t-elle entraîné pour l’AFD ?

J’ai notamment contribué à l’introduction dans la loi, pour la première fois, de la notion de « souveraineté alimentaire ». En effet, les politiques agricoles internationales ont, pendant de nombreuses décennies, aggravé le réchauffement climatique ; elles ont contribué à ouvrir les marchés agricoles et favorisé l’exportation des produits, ce qui a provoqué une ultra-spécialisation de certains pays, et donc une grande dépendance vis-à-vis des cours des bourses. Les famines se sont multipliées. Peu à peu, les États changent de perspective, et la loi française sur le développement en témoigne. Mais certaines multinationales prennent le relais et rachètent des terres : les paysans deviennent plus que jamais dépendants des machines et des produits.

L’AFD a fait le choix de s’appuyer, vous l’avez dit, sur les acteurs locaux. Le Conseil économique, social et environnemental a voté, au mois de décembre dernier, un avis sur l’agriculture familiale. Le rapport dresse des constats et montre que l’agriculture familiale offre de nombreuses solutions pour lutter contre la sous-nutrition et la pauvreté dans le monde, pour valoriser et protéger les ressources naturelles et les paysages, mais aussi pour contribuer au développement économique des territoires et lutter contre le réchauffement climatique. Quelles actions menez-vous dans les pays en développement pour favoriser l’agriculture familiale et les politiques publiques de souveraineté alimentaire ?

Dans le rapport annexé à la loi, on lit que « l’AFD ne finance pas l’achat, la promotion ou la multiplication de semences génétiquement modifiées. Elle ne soutient pas de projets ayant pour finalité ou conséquence la déforestation de forêts primaires, l’accaparement des terres incompatible avec un développement local équitable ou la privation des ressources naturelles des populations autochtones. » Ces engagements sont-ils tenus, ou bien revenez-vous sur ces promesses comme le Gouvernement sur les siennes à propos de la filière charbon ? »

(…)

«  M. Jean-Luc François, chef de la division « agriculture, développement rural, biodiversité » AFD. Toutes les opérations financées par l’AFD dans le domaine agricole bénéficient à des exploitations agricoles familiales. C’est maintenant écrit dans la loi, mais c’était déjà le cas auparavant : même quand nous finançons des opérations économiques à l’aval de la filière agricole, les produits – destinés à une usine qui traite du cacao ou de l’hévéa, par exemple – ont pour origine de petites exploitations familiales.

Un nouvel indicateur figure dans la loi : il nous oblige à calculer le nombre d’exploitations agricoles bénéficiant directement chaque année de notre concours. Ce chiffre est très impressionnant, puisqu’il s’élève à 800 000 exploitations, c’est-à-dire 2,5 fois le nombre d’exploitations françaises. Bien sûr, le niveau de soutien varie énormément suivant la nature des projets.

La loi nous interdit de soutenir la production de semences génétiquement modifiées. C’est une bonne chose à nos yeux, mais je souligne que l’AFD n’a jamais financé d’OGM : indépendamment du débat sur les OGM, les marges de progrès sont si importantes dans les pays où nous travaillons que nous n’avons pas besoin de nous poser la question… Il faut déjà commencer par traiter notamment de la gestion de la fertilité organique des sols, ou de l’accès à des intrants classiques à des niveaux très modestes. »

Lien : www.assemblee-nationale.fr/14/cr-dvp/14-15/c1415024.asp