Niveau juridique : France
Question publiée au JO le : 03/02/2015
Réponse publiée au JO le : 09/06/2015
Texte de la question
M. Joaquim Pueyo interroge M. le secrétaire d’État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, sur l’une des conclusions du Conseil européen du 18 décembre dernier qui « demande un nouveau renforcement du système commercial multilatéral ainsi que la conclusion d’accords commerciaux bilatéraux avec des partenaires essentiels. L’UE et les Etats-unis devraient faire tous les efforts nécessaires pour conclure d’ici la fin de 2015, les négociations sur un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) qui soit ambitieux, global et mutuellement bénéfique ». En dépit des intentions louables affichées, les partenariats de commerce, qu’ils concernent le Canada (accords CETA) ou les États-unis, continuent d’inquiéter des associations comme ATTAC ou même des organisations professionnelles représentant les PME-TPE. Sur le fond, la question du mécanisme d’arbitrage investisseurs-État suscite une franche opposition : ce mécanisme existe déjà dans le CETA et figure dans le mandat donné aux négociateurs de l’UE. Il lui demande donc comment le Gouvernement entend garantir que des entreprises nord-américaines ne poursuivront pas l’État français pour les pertes occasionnées par nos préférences collectives, en matière culturelle, sanitaire, environnementale et sociale. Sur la forme, la garantie apportée par la nécessité de faire voter le PTCI par le Parlement européen et les parlements nationaux n’apparaît pas en mesure de rassurer nos concitoyens. Il lui demande donc quelles seront les modalités de participation des parlements, si le traité devra être adopté à l’unanimité ou dans le cas contraire quelle majorité sera requise.
Texte de la réponse
Les mandats de négociation octroyés par les Etats membres à la Commission européenne pour le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTIC - TTIP) avec les Etats-Unis et pour l’accord économique et commercial global (AECG -CETA) avec le Canada prévoient la possibilité d’inclure un mécanisme de règlements des différends Etat-investisseur (ISDS pour Investor-to-State Dispute Settlement) dans les accords finaux. En ce qui concerne le CETA, qui est actuellement en phase dite de « toilettage juridique » à la Commission européenne, un chapitre est consacré à ce mécanisme. Pour le TTIP, les négociations relatives à l’ISDS sont pour le moment suspendues. La Commission a organisé une consultation publique relative à l’ISDS et a recueilli environ 150 000 réponses. Les résultats ont été publiés le 13 janvier 2015. Les critiques formulées à l’encontre du mécanisme à cette occasion sont nombreuses et ne peuvent rester sans réponse. La France n’était pas demandeuse d’un tel mécanisme et a exprimé ses réserves de fond à ce sujet. Après la publication des résultats de la consultation s’est ouverte une nouvelle phase de réflexion et d’action. La France travaille activement avec ses partenaires européens en ce sens. Une déclaration commune entre la France et l’Allemagne a été publiée le 22 janvier 2015. Il est nécessaire de concevoir un mécanisme entièrement nouveau présentant toutes les garanties en matière de droit des Etats à réguler. Les Etats doivent conserver leur pleine capacité à prendre des décisions souveraines et démocratiquement légitimes. Plusieurs concepts fondamentaux devraient ainsi faire l’objet de clarification, comme le « traitement juste et équitable », les « attentes légitimes des investisseurs » et l’« expropriation indirecte ». Les décisions des cours nationales ne doivent pas pouvoir être remises en cause par les instances de règlement des différends. La création d’une cour permanente ayant à connaître des litiges entre Etats et investisseurs est une perspective à explorer et celle d’un mécanisme d’appel est nécessaire. La France souhaite s’assurer que ce nouveau mécanisme présentera des règles rigoureuses en matière de transparence, d’éthique et de prévention des conflits d’intérêts. Les plaintes abusives portées par des investisseurs doivent pouvoir être sanctionnées par des pénalités dissuasives. Toutes les options doivent rester ouvertes : en tout état de cause, la France considère que l’invention de nouvelles modalités de règlement des différends conformes aux principes fondamentaux énoncés ci-dessus est nécessaire. Concernant les modalités de participation des parlements, les documents transmis par la Commission sont désormais accessibles aux parlementaires nationaux. Ils ont accès aux documents de négociation dits « restreints UE » s’ils en font la demande. Par ailleurs, un échange a été engagé entre les Assemblées, le secrétariat général du gouvernement et le secrétariat général aux affaires européennes via un processus de diffusion spécifique. Le gouvernement construit un agenda de la transparence. S’agissant du PTCI, une demande de déclassification du mandat de négociation, à l’initiative du gouvernement, a été engagée et a abouti au mois d’octobre 2014. Pour compléter l’information disponible à destination du public, le secrétariat d’Etat a créé en novembre 2014 une page dédiée aux négociations commerciales sur le site du ministère des affaires étrangères et du développement international. L’ensemble des documents publics y sont en accès libre, ainsi que les travaux du Comité de suivi stratégique. La Commission européenne publie également désormais sur son site Internet un résumé de chaque session de négociation. L’accès aux documents de négociation ne couvre qu’une partie des enjeux de la transparence. Un échange approfondi avec les parties prenantes au niveau national est également nécessaire. Le gouvernement s’est engagé dans une démarche de concertation : le comité de suivi stratégique est désormais composé officiellement d’un collège « parlementaires » et d’un collège « société civile » (ONG, syndicats, associations, fédérations professionnelles). Des groupes de travail thématiques rassemblant les membres de ce comité désireux d’y participer ont été créés. Au sujet de la ratification de l’accord, le TTIP devrait contenir majoritairement des dispositions relevant de la compétence de l’Union européenne (dispositions de nature commerciale) mais également des dispositions qui relèvent de la compétence des Etats membres. L’accord final est un accord mixte selon une analyse concordante de tous les Etats membres et du Conseil de l’UE. Dès lors, conformément aux traités européens et à la Constitution française, le texte final devra être ratifié par les parlements nationaux. Dans le cas d’un accord mixte, la règle, validée par le service juridique du Conseil de l’UE, est celle du commun accord (unanimité sans possibilité d’abstention).