Niveau juridique : Union européenne
Le 3 septembre 2024, 376 entreprises de transformation et de distribution agro-alimentaires basées dans 16 pays européens, dont 26 françaises, ont envoyé une lettre ouverte à la présidence hongroise, avec copie aux ministres de l’agriculture, réclamant des exigences strictes en matière d’étiquetage pour les cultures génétiquement modifiées de nouvelle génération (NTG). Cette lettre ouverte est à l’initiative de l’asociation allemande VLOG (Verband Lebensmittel ohne Gentechnik - Association Alimentation sans OGM, regroupant les entreprises Alb-Gold Teigwaren (pâtes alimentaires bio), Alnatura (distributeur de produits bio), Andechser Molkerei Scheitz (fromagerie bio), Milchwerke Berchtesgader Land (produits laitiers bio), dm-drogerie markt et la marque de surgelé Frosta). Il est intéressant de noter que la lettre a été signée par des entreprises qui ne sont pas bio, preuve que l’enjeu et le rejet de ces nouveaux OGM est largement partagé au-delà de la bio.
Texte de la lettre (passage en gras soulignés par nos soins) :
« Réglementation des nouveaux OGM : garantir la transparence pour préserver la liberté de choix.
Monsieur le Ministre de l’Agriculture [XY],
Le 7 février 2024, le Parlement Européen s’est prononcé en faveur de l’étiquetage et de la traçabilité de tous les produits issus de nouveaux OGM. Le Parlement Européen exprime ainsi le souhait pour les consommateurs, les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs de pouvoir continuer à identifier la présence de produits issus des nouvelles techniques génomiques (NTG) dans l’alimentation humaine et animale.
En tant qu’entreprises phares de l’industrie alimentaire en [XY], nous saluons vivement le vote du Parlement Européen en faveur de l’étiquetage complet de tous les produits issus de plantes NTG.
Nombre de nos clients sont sceptiques à l’égard des produits issus d’OGM et veulent avoir la capacité de choisir d’acheter ou de consommer ces produits, en pleine conscience. Une possibilité qui n’est envisageable que si ces derniers sont étiquetés de manière claire et précise.
Tous les signataires de cette lettre ne sont pas totalement opposés aux NTG. Cependant, nous sommes tous unis par la conviction qu’une concurrence loyale passe par la différenciation. Les matières premières et les produits obtenus sans recours au génie génétique sont une composante essentielle d’un marché alimentaire diversifié et doivent le demeurer. Nous sommes également unis par la conviction que les entreprises qui introduisent de nouvelles technologies doivent assumer la responsabilité de leurs décisions commerciales. Conformément au principe pollueur-payeur, elles doivent payer pour les coûts et risques encourus, qui pèsent principalement sur les acteurs économiques souhaitant exclure les NTG de leurs chaînes d’approvisionnement.
Dans l’intérêt de la protection des consommateurs et pour garantir une concurrence loyale, nous souhaitons mettre en œuvre, au sein de nos entreprises, l’obligation adoptée par le Parlement Européen concernant l’étiquetage et la traçabilité de tous les NTG. Pour ce faire, nous avons besoin de méthodes de détection pour tous les produits fabriqués à l’aide de nouvelles techniques génomiques, y compris ceux de la catégorie 1. Par conséquent, les entreprises souhaitant commercialiser des NTG sur le marché européen devraient être soumises à l’obligation de fournir, lors de la procédure d’autorisation, des méthodes de détection, du matériel de référence et des données sur les modifications génétiques en question. Par ailleurs, il est impératif de disposer d’une base juridique contraignante au niveau de l’UE sur laquelle les États membres seront tenus d’adopter des mesures de coexistence détaillées, visant à protéger, de façon permanente, l’agriculture et l’industrie alimentaire contre la contamination par les NTG des catégories 1 et 2. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons offrir à nos clients des produits sans OGM. Nous sommes également favorables à l’instauration du droit, pour les Etats Membres, d’interdire la culture des NGT des catégories 1 et 2 sur leur territoire.
Nous vous sollicitons pour soutenir notre cause et nous serions ravis de pouvoir vous rencontrer.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.
Annexes
Pourquoi imposer des méthodes analytiques de détection pour les NGT de catégorie 1 ?
Le Parlement Européen a adopté une obligation d’étiquetage pour tous les NTG, incluant les NTG de catégorie 1 et leurs produits dérivés. Pour garantir une concurrence loyale et pour répondre aux attentes des consommateurs, il devrait être possible de vérifier la conformité des étiquetages à la règlementation. Cela nécessite la mise en place de méthodes de détection analytiques similaires aux outils qui existent dans le système actuel. Ces méthodes permettent d’identifier les déclarations et étiquetages manquants – et d’assurer au consommateur qu’un produit non étiqueté ne contient pas d’OGM. Les autorités d’inspection peuvent vérifier le respect de l’obligation d’étiquetage.
La mise en œuvre de méthodes de détection des plantes NGT1 dépend en grande partie de deux facteurs : l’investissement dans la recherche d’une part et la réglementation d’autre part. Concernant la recherche, la Commission européenne finance actuellement deux projets de développement de méthodes de détection pour un montant total de 11 millions d’euros, ce qui constitue une avancée significative. En revanche, concernant la règlementation, les entreprises souhaitant commercialiser des plantes NTG de catégorie 1 ne sont pas encore soumises à l’obligation de mettre à disposition des méthodes de détection, du matériel de référence ou des données sur les modifications génétiques. Et ce, alors même que nous pouvons supposer qu’elles disposent déjà de ces méthodes, simplement pour pouvoir faire valoir leur propriété intellectuelle, protégée par des brevets.
Pourquoi imposer des mesures de coexistence contraignantes à l’échelle de l’UE ?
Afin de maintenir une agriculture et une production alimentaire sans OGM sur le long terme, il est nécessaire d’instaurer des mesures de coexistence contraignantes à l’échelle de l’UE. Il est crucial qu’elles s’appliquent à tous les NGT des catégories 1 et 2 et dans tous les États Membres. Sans ces mesures, les risques de contamination des produits sans OGM seraient élevés et continus.
Les conséquences seraient immenses pour les producteurs sans-OGM et biologiques puisque les productions seraient déclassées, leur réputation atteinte et cela mettrait même en cause leur certification. L’industrie alimentaire souffrirait d’une perte de confiance générale.
Afin de minimiser les risques prévisibles de contamination, il est fondamental d’établir une base juridique sur laquelle les États Membres de l’UE pourront adopter des mesures de coexistence nationales et régionales adaptées.
Dans cette même logique de coexistence de produit OGM et non-OGM sur le long terme, il est nécessaire d’établir : un registre des sites qui répertorie toutes les parcelles sur lesquels des NTG sont cultivés à des fins commerciales ou expérimentales, des règles de distance spécifiques par culture, et des règles permettant la différentiation des produits depuis le champ jusqu’à la transformation et la distribution. Aussi, des règles de responsabilité doivent être introduites pour garantir l’indemnisation des victimes en cas de contamination. Cela inclut la création d’un fonds d’indemnisation dans le cas où le pollueur ne peut être identifié. Le principe pollueur-payeur doit s’appliquer de manière cohérente et systématique ; les acteurs qui utilisent de nouveaux OGM doivent s’assurer de leur absence dans la chaîne d’approvisionnement et supporter les coûts correspondants.
Les opérateurs économiques qui ne recourent pas aux NTG ne devraient pas supporter de coûts et de contraintes supplémentaires. Autrement, les coûts de production des produits sans-OGM et biologiques augmenteraient. Cela placerait les entreprises produisant les aliments les plus demandés par les consommateurs dans une position de désavantage concurrentiel.
Pourquoi donner la possibilité d’interdire la culture de NTG au niveau national et régional ?
À ce jour, aucune des propositions législatives actuelles ne prévoit le droit d’interdire la culture des NGT des catégories 1 et 2 au niveau national. Conformément aux principes de subsidiarité et de souveraineté nationale, nous demandons que les États Membres conservent leur droit de décision quant à la culture éventuelle de NTG sur leur territoire ou sur des portions de celui-ci. Cette marge de manœuvre est particulièrement importante lorsque la coexistence des deux formes d’agriculture et de production alimentaire n’est pas réalisable d’un point de vue pratique ou économique.»
Lien vers la page de présentation sur le site de l’association ICI et des signatures LA (en allemand)
Lien vers la lettre ICI