[REPONSE] Assemblée nationale, Question orale n° 757 de Mme Sandrine le Feur (Renaissance - Finistère) au ministre de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée au JO le 07/05/2024 - Soutien à la filière échalote traditionnelle face aux imitations

Niveau juridique : France

Texte de la question :

« Mme Sandrine Le Feur appelle l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la filière de l’échalote traditionnelle. Bavette, sauce beurre blanc, béarnaise, l’échalote traditionnelle sublime les plats emblématiques de la gastronomie. Pourtant, malgré sa notoriété, l’échalote française n’est pas protégée et son nom fait l’objet d’usurpations. De pâles copies livrent en effet une concurrence déloyale à l’échalote, au détriment de la filière mais aussi au détriment du consommateur, trompé par des dénominations mensongères. Des variétés de semis, issues botaniquement de l’oignon, sont ainsi commercialisées sous l’appellation d’« échalion », habile dénomination marketing qui entretient la confusion. Il ne s’agit pourtant que d’ersatz standardisés qui ne présentent pas les caractères botaniques de l’échalote. À la différence de ces oignons dont le semis est mécanisé, les échalotes de Bretagne sont cultivées de manière traditionnelle. C’est la plantation d’un bulbe qui va donner naissance à plusieurs bulbes d’échalote traditionnelle. L’authenticité de l’échalote repose sur la division bulbaire, qui n’existe pas chez les semis d’oignons. Elle met également en œuvre un savoir-faire unique, l’arrachage se pratique toujours à la main. Un hectare mobilise 150 heures de main-d’œuvre. C’est aussi cela qui la rend d’autant plus sensible à la concurrence de variétés nécessitant moins de main-d’œuvre. L’échalote traditionnelle est un exemple, s’il en était besoin, de cette distorsion de concurrence à l’œuvre, y compris entre voisins européens. Un exemple qui n’a rien d’anecdotique tant l’empreinte économique de l’échalote est importante notamment en Finistère. La culture représente 250 producteurs, 1 200 emplois directs de la plantation au conditionnement, une quinzaine de sociétés de négoce et multiplicateurs. Récemment, l’arrivée d’« Innovator », un semencier néerlandais, fait peser un risque considérable sur la filière de l’échalote traditionnelle, parce qu’elle présente un potentiel de rendement et de rentabilité sans précédent. En violation totale des principes et critères du protocole de l’Office communautaire des variétés végétales, les Pays-Bas se sont permis d’inscrire l’oignon Innovator au catalogue échalote, alors que les tests établissent sans ambiguïté que cette variété n’est autre qu’un oignon ne présentant pas la capacité de multiplication végétative d’une échalote. La filière a saisi la Commission européenne et la DG Santé a reconnu un dysfonctionnement des règles européennes. La DG Santé a indiqué retirer le certificat d’obtention végétale pour la variété Innovator, qui va donc retourner en examen technique. Dans ce cadre, il conviendrait d’exiger que cette analyse soit conjointe entre les offices des deux pays. Il s’agit là d’une clause qui existait dans le protocole européen jusqu’en 2009, qui prévoyait en cas de variété se situant dans la zone grise un échange de matériel végétal entre les offices et qu’au besoin un tiers neutre certifie les variétés. Défendre l’échalote face à la concurrence déloyale d’oignons de semis c’est assurément pérenniser les exploitations familiales, maintenir le potentiel de production des territoires, conserver l’emploi, préserver le revenu des exploitants. Les fermes du Finistère comptent sur M. le ministre, pour protéger l’échalote des imitations et faire respecter les protocoles européens. Elle souhaite connaître ses intentions à ce sujet. »

Réponse de M. le ministre délégué chargé des comptes publics du 15 mai 2024 :

« Mme la présidente . La parole est à Mme Sandrine Le Feur, pour exposer sa question, no 757, relative à la filière française de l’échalote.

Mme Sandrine Le Feur . Bavette, sauce au beurre blanc, béarnaise : l’échalote traditionnelle sublime les plats emblématiques de la gastronomie. Pourtant, malgré sa notoriété, l’échalote française n’est pas protégée, et son nom est parfois usurpé. De pâles copies livrent une concurrence déloyale à l’échalote, au détriment de la filière mais aussi du consommateur, trompé par des dénominations mensongères. Des variétés de semis issues botaniquement de l’oignon sont commercialisées depuis quelques années sous l’appellation d’échalion, habile dénomination marketing, qui entretient la confusion.

Par ailleurs, des variétés d’oignon de semis de petit calibre sont aussi commercialisées sous la dénomination d’échalote. Il s’agit d’une manœuvre pour normaliser des variétés qui ne présentent pas les caractéristiques botaniques de l’échalote. À la différence de ces oignons, dont le semis est mécanisé, les échalotes de Bretagne sont cultivées de manière traditionnelle : c’est la plantation d’un bulbe qui donne naissance à plusieurs bulbes d’échalote. L’authenticité de l’échalote repose sur cette division bulbaire, qui n’existe pas chez l’oignon. Elle suppose également un savoir-faire unique : l’arrachage se pratique toujours à la main – un hectare mobilise 150 heures de main-d’œuvre. L’échalote est donc sensible à la concurrence de variétés qui nécessitent moins de main-d’œuvre.

L’échalote traditionnelle est un exemple de distorsion de concurrence. Cette distorsion, contre laquelle vous vous battez, existe même entre voisins européens. L’exemple de l’échalote n’a rien d’anecdotique : l’empreinte économique de cette culture est importante, notamment dans le Finistère. Pas moins de 250 producteurs et une quinzaine de sociétés de négoce et de multiplicateurs y participent à la culture de l’échalote, ce qui représente 1 200 emplois directs, de la plantation au conditionnement.

L’arrivée récente de la variété Innovator, conçue par un semencier néerlandais, fait peser un risque considérable sur la filière de l’échalote traditionnelle dans la mesure où cette nouvelle variété présente un potentiel de rendement et de rentabilité inédit. En violation totale des principes et critères du protocole de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV), agence communautaire assurant la protection des variétés végétales, les Pays-Bas se sont permis d’ajouter l’oignon Innovator à la section de leur catalogue national officiel des espèces et variétés de plantes cultivées recensant les variétés d’échalote. Comme les tests établissent sans ambiguïté que cette variété n’est autre qu’un oignon ne présentant pas la capacité de multiplication végétative d’une échalote, j’ai saisi la Commission européenne et sa direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire : elles ont reconnu un dysfonctionnement des règles européennes et m’ont indiqué retirer le certificat d’obtention végétale à la variété Innovator, qui sera donc soumise à un nouvel examen technique.

Il conviendrait d’exiger que les instances d’examen de nos deux pays mènent une analyse conjointe. Cette clause existait dans le protocole européen jusqu’en 2009 : en cas de variété se situant dans la zone grise, un échange de matériel végétal entre les instances était prévu, et, en cas de désaccord, un tiers neutre était chargé de trancher.

Défendre l’échalote face à la concurrence déloyale des oignons de semis, c’est pérenniser les exploitations familiales, maintenir le potentiel de production des territoires, conserver l’emploi et préserver le revenu des exploitants. Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, les fermes du Finistère comptent sur vous pour protéger l’échalote des imitations et faire respecter les protocoles européens.

Mme la présidente . La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . Vous appelez l’attention du Gouvernement sur la menace qui pèse sur l’échalote traditionnelle cultivée en Bretagne, du fait, notamment, d’une concurrence néerlandaise que vous estimez déloyale. Le Gouvernement est pleinement engagé pour préserver la filière de l’échalote traditionnelle, filière dont les savoir-faire et la qualité sont reconnus et que vous défendez inlassablement.

Comme vous le soulignez avec justesse, depuis que des sélectionneurs des Pays-Bas ont développé des variétés d’échalote de semis, un différend les oppose aux producteurs français. Ce désaccord porte sur la distinction botanique entre oignons et échalotes. Depuis une dizaine d’années, les services des ministères de l’agriculture français et néerlandais, les offices d’examen français et néerlandais, ainsi que la Commission européenne et l’Office communautaire des variétés végétales mènent des travaux conjoints pour définir des critères techniques de classement plus précis. Le Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves) procède actuellement à une évaluation de marqueurs moléculaires pour essayer d’identifier des caractéristiques propres à l’échalote.

Vous avez raison de relever que nous avons obtenu gain de cause s’agissant spécifiquement de la variété néerlandaise Innovator. L’OCVV vient de revenir sur sa décision de lui octroyer une protection intellectuelle, compte tenu du fait que les caractères de la variété ne respectent pas toutes les exigences d’un classement en tant qu’échalote. La Commission européenne devrait désormais demander aux autorités néerlandaises de retirer la variété de leur catalogue national.

Nous sommes aussi mobilisés pour valoriser la spécificité des échalotes traditionnelles. En effet, certaines variétés d’échalotes de semis sont correctement classées selon les protocoles d’examen des variétés. Or, comme vous le soulignez, ces échalotes de semis sont nettement moins chères à produire que les échalotes traditionnelles. Mettre en place un signe distinctif mettant en valeur la qualité et l’origine de l’échalote traditionnelle permettra de la préserver. C’est pourquoi le Gouvernement soutient la démarche de l’association Collectif de l’échalote traditionnelle de Bretagne, qui demande la reconnaissance d’une indication géographique protégée (IGP). La commission permanente de l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) a examiné cette demande le 12 décembre dernier ; une commission d’enquête a été nommée et l’instruction de cette IGP est en cours. »

Lien vers la question sur le site de l’Assemblée nationale ICI