Niveau juridique : Union européenne
Texte du communiqué :
« Hier, le Comité des représentants permanentes (COREPER) des États membres de l’Union Européenne s’est réuni afin de trouver un accord du Conseil sur la proposition visant à déréglementer les OGM/nouvelles techniques génomiques (NTG), sur base d’un texte de compromis de la présidence belge. Le COREPER n’est parvenu à aucun accord, ce qui fragilise la possibilité d’entamer les négociations avec le Parlement et la Commission (dites trilogue) avant les élections européennes de juin 2024. ECVC salue l’opposition des Etats membres de l’UE à cette proposition qui ne tient pas la route. Le refus de la Commission d’autoriser les États à interdire la culture des NTG sur leurs territoires, et la porte ouverte à la confiscation de toutes les semences par les brevets, dénoncés par ECVC depuis le début de ce processus, sont les points de blocage principaux. C’est une victoire pour les organisations paysannes, qui appellent les États membres à continuer à défendre les droits des agriculteur.rice.s et des consommateur.rice.s en s’opposant à ce projet inacceptable.
Toutefois, hier également, le Parlement européen s’est prononcé à une faible majorité lors d’un vote en plénière en faveur de la déréglementation des OGM-NTG. ECVC condamne fermement ce vote, qui va radicalement à l’encontre des droits des paysan.ne.s sur les semences, des droits des citoyen.ne.s à une alimentation sans OGM, du principe de précaution établi à l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et des obligations internationales de l’UE.
Les parlementaires européen.ne.s ont voté en faveur d’une proposition complètement incohérente d’un point de vue juridique, et sans aucun fondement scientifique, comme l’a souligné récemment l’agence de sécurité sanitaire française ANSES. Pour mieux faire passer ce vote inacceptable, les parlementaires tentent de nous enfumer en formulant deux promesses qu’ils et elles ne pourront pas tenir :
. Les parlementaires prétendent que la traçabilité des NTG et l’étiquetage des produits seront garantis (amendements 264 et 265). Pourtant, ils ont refusé de rendre obligatoire la publication des procédés permettant de détecter et d’identifier les OGM-NTG. Il sera donc impossible de garantir le respect des obligations de traçabilité, et donc d’étiquetage tout au long de la chaîne alimentaire. Sans cette garantie, les entreprises semencières pourront sans risque de poursuite « oublier » de déclarer que leurs semences sont des NGT.
. Sur le brevet, qui est la préoccupation principale des paysan.ne.s et des petites entreprises semencières, les parlementaires prétendent que la non-brevetabilité des NTG sera garantie. Le Parlement européen envoie certes un signal politique intéressant en proposant d’amender dans ce sens le droit européen des brevets (Directive 98/44/CE). Mais cet amendement ne sera pas en mesure de limiter la portée d’un brevet aux seuls produits végétaux issus de l’invention brevetée, en l’absence de publication des procédés permettant de distinguer une information génétique brevetée de tout autre information génétique « native » ou résultant de sélection traditionnelle. ECVC rappelle aussi que le Parlement européen ne peut pas décider de sa propre initiative de modifier le droit européen des brevets. Il ne peut que valider, refuser ou amender une proposition de la Commission, qui n’a prévu la publication que d’une étude sur les brevets en 2025… De plus, une éventuelle modification nécessitera ensuite l’accord de la Convention européenne du brevet, qui regroupe des pays non-membres de l’UE, un processus long, complexe et au résultat plus qu’incertain.
Il n’y a donc, en l’état actuel de la proposition, aucune protection pour les paysan.ne.s et les petits semenciers contre les abus de brevets et les poursuites en contrefaçon qui deviendraient réalité en cas de déréglementation des OGM-NTG, d’autant que tout brevet délivré avant que ce problème majeur ne soit réglé restera valable pendant 20 ans.
ECVC invite le Conseil européen à maintenir son opposition à la déréglementation des OGM-NTG et le Parlement européen à adopter une résolution demandant à la Commission de proposer une modification du droit européen des brevets afin de protéger les droits des agriculteur.rice.s, des petits semenciers, et la souveraineté alimentaire. »
Texte du communiqué disponible ICI