Niveau juridique : Union européenne
Lors de cette réunion des ministres de l’agriculture des différents Etats membres, deux sujets qui nous concernent tout particulièrement étaient à l’ordre du jour : celui des nouvelles techniques génomiques et celui de la proposition de texte sur la production et la commercialisation du matériel de reproduction des végétaux.
Nouvelles techniques génomiques (NGT)
Lors de cette réunion, les ministres de l’agriculture étaient invités à se prononcer sur le texte de compromis proposé par la présidence espagnole du Conseil. Bien que comprenant quelques aspects plus positif par rapport à la proposition précédente (introduction d’une référence au règlement sur l’AB pour pouvoir adopter des mesures dans ce cadre pour éviter la présence de plantes NGT de catégorie 1 dans les champs en AB, introduction d’une disposition sur les brevets…), ce texte de compromis est largement favorable à une déréglementation des NGT. De la bouche même de la présidence espagnole, ce texte n’est pas profondément remanié par rapport à celui présenté par la Commission. En particulier « des modifications supplémentaires n’ont pas pu être prises en compte car elles compromettraient l’équilibre global du dernier texte de compromis présenté par la présidence et remettraient en question les principes qui sous-tendent la catégorisation des produits NTG ».
Les différentes délégations étaient donc invitées à prendre position sur ce texte, et expliquer leur position.
De nombreux Etats ont apporté leur soutien au texte de la présidence espagnole, en soulignant l’urgence à adopter une législation européenne sur le sujet, afin de garantir la compétitivité du secteur agricole européen.
Du côté des réticents (Autriche, Belgique, Croatie, Allemagne, Hongrie, Pologne, Roumanie, Slovaquie et Slovénie), les points d’achoppement sont :
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la nécessité d’un étiquetage et d’une traçabilité sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, jusqu’au produit vendu au consommateur.rice.s finaux et donc la nécessité de mettre en place des méthodes de traçabilité ;
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l’exclusion claire de toutes les plantes NTG (catégorie 1 et 2) de la culture en AB et la question de savoir comment assurer la coexistence entre les différents types d’agriculture ;
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l’obligation d’une analyse de risque pour les plantes NTG catégorie 1, afin de respecter le principe de précaution.
Pour beaucoup de ces pays, la possibilité d’une clause d’opt-out (pouvoir interdire ou restreindre la culture sur le territoire nationale) y compris pour les plantes NTG 1 serait nécessaire.
Enfin, la Hongrie a invoqué la question de la souveraineté et le non-respect du principe de subsidiarité en estimant inadmissible le fait que les critères permettant de distinguer les NTG de catégorie 1 puissent être modifiés par un acte de la Commission (sur lequel ni les Etats membre ni le Parlement n’a son mot à dire).
Pour pouvoir être adopté, le texte de compromis devait recueillir la majorité qualifiée, c’est-à-dire le vote positif d’au moins 15 Etats représentants 65 % de la population européenne. Cette majorité n’a pas pu être atteinte, en raison notamment de l’abstention de pays très peuplés comme l’Allemagne.
Fort de ce constat, la présidence espagnole en a remis une couche sur l’urgence, en indiquant qu’il fallait arriver rapidement à un accord, car la fenêtre de tir était réduite, et sinon cela reportait le texte à 2025 au plus tôt.
Lien vers le texte de compromis ICI
Matériels de reproduction des végétaux et matériels forestiers de reproduction
Extraits du CR de la réunion :
« La présidence a communiqué au Conseil des rapports sur l’état des travaux menés sur les propositions relatives aux matériels de reproduction des végétaux et aux matériels forestiers de reproduction, que la Commission a présentées le 5 juillet 2023.
Une partie de la législation en vigueur dans le domaine des matériels de reproduction des végétaux et des matériels forestiers de reproduction remonte aux années 1960. Les propositions de la Commission visent à actualiser cette législation, afin d’assurer des conditions de concurrence équitables pour les opérateurs dans l’ensemble de l’UE et de soutenir l’innovation, les évolutions technologiques et la compétitivité, tout en contribuant également à relever les défis liés à la durabilité, à la biodiversité et au climat. Les deux propositions sont conformes à la stratégie « De la ferme à la table » et à la stratégie en faveur de la biodiversité.
Le Conseil a salué les travaux menés au niveau technique au cours de la présidence espagnole.
Les ministres ont marqué leur accord sur l’objectif visant à fournir aux agriculteurs européens des espèces végétales et forestières plus diversifiées et robustes, qui soient résilientes face aux organismes nuisibles et aux phénomènes météorologiques extrêmes.
En outre, le Conseil a reconnu la contribution positive que les propositions peuvent apporter à la transition vers des systèmes alimentaires durables et à la création de forêts plus résilientes.
Par ailleurs, les ministres ont souligné qu’il était nécessaire d’éviter de créer des charges administratives et financières déraisonnables et ont demandé que les nouvelles dispositions tiennent dûment compte des spécificités nationales. »
Plus spécifiquement, le rapport sur l’état des travaux au sein des instances préparatoires du Conseil pointe plusieurs pierres d’achoppement. Au cours de la présidence espagnole, le groupe de travail sur les ressources génétiques et l’innovation en agriculture (section semences et matériel de reproduction) s’est réunion 3 fois, pour aboutir à un texte de compromis sur les 22 premiers articles. Les observations présentées par les délégations portent sur :
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la charge administrative : la charge administrative pour les opérateurs et les autorités compétentes augmenterait dans certains domaines et deviendrait disproportionnée (en raison des exigences supplémentaires en matière de rapports et d’audits pour les autorités compétentes, nombre élevé d’autorisation ou d’obligations d’enregistrement pour les opérateurs professionnels)
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le choix de l’instrument juridique et l’habilitation de la Commission : perçu comme trop vagues et contenant un grand nombre d’actes délégués et d’actes d’exécution, risquant d’accroitre la fragmentation et l’incohérence avec les règles nationales actuelles.
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la date d’application : pour certaines délégations, le délai de 3 ans après l’entrée en vigueur semble trop court, notamment en raison des nombreux actes d’éxécution prévus, et le fait que les Etats membres devront adopter des actes juridiques nationaux.
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l’inclusion dans le règlement contrôle officiel : les délégations craignent que les délégations craignent que les inconvénients l’emportent sur les avantages, car la charge administrative et financière pesant sur les autorités compétentes sera alourdie, compte tenu des nouvelles obligations en matière d’audit et de rapports.
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les exemptions : « Certaines délégations se sont déclarées préoccupées par les exemptions de l’enregistrement accordées aux matériels hétérogènes utilisés pour l’agriculture conventionnelle, ainsi que par les exemptions concernant l’échange de semences entre agriculteurs et les MRV dont la commercialisation est destinée aux utilisateurs finals. »
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l’examen VCUD/DHS : beaucoup de délégations mettent en doute les obligations concernant l’examen VCUD pour les espèces fruitières et légumières. Certains expriment également des doutes quand à la reconnaissance de tous les examens DHS (examen de la distinction, de l’homogénéité et de la stabilité) et VCUD effectués par d’autres États membres en raison des conditions climatiques différentes et du système actuel de contrôle de la qualité.
Concernant le champ d’application « il est nécessaire de clarifier les exigences relatives à l’inclusion de nouvelles espèces dans le champ d’application du règlement en question. En outre, certains pays ont demandé l’inclusion d’une clause excluant du champ d’application de ce règlement certains MRV qui ne sont pas destinés à l’exploitation commerciale d’une variété, la clause du « circuit fermé » »
Les délégations estiment que certains termes doivent être précisés comme « utilisateur final », « variété de conservation », « description officiellement reconnue », « organismes nuisibles à la qualité », « commercialisation », « hors type » et « variété hybride »; d’autres doivent être alignées sur celles de la législation phytosanitaire (par exemple « opérateur professionnel » et « semences ») ou des systèmes de semences de l’OCDE.
Ces points sont bien ressortis dans les prises de parole des différents ministres, qui mettent avant tout en avant le problème des coûts supplémentaires et de la charge administrative. Certain.e.s ont également évoqué la question de l’échange de semences entre agriculteur.rice.s et leur besoin de l’encadrer strictement (notamment pour éviter la propagation des organismes nuisibles).
Quand à la Commission, tout en prenant acte des points de réserve mis en avant, elle s’est justifiée sur le fait d’avoir un grand nombre d’actes déléguées et d’exécution par le besoin de pouvoir avoir plus de souplesse pour s’adapter aux évolutions techniques.
Une nouvelle réunion est prévue les 19 et 20 décembre en vue de présenter ses suggestions de reformulation des articles qui ont été examinés jusqu’à présent afin de développer et de clarifier leur contenu.
Lien vers le rapport sur l’état des travaux ICI
Lien vers le texte de compromis (en anglais) ICI