Niveau juridique : Union européenne
Cette étude, commandée par deux membres du Parlement européen a été réalisée par l’assocaition autricienne Arche de Noah. Principalement destinée aux décideurs politiques, dans le contexte de la révision de la réglementation européenne commercialisation semences, elle présente un bon panorama historique et actuel de cette réglementation, de ses conséquences et ses enjeux.
Ainsi, après une introduction générale sur l’univers des semences, l’étude se concentre sur la façon de soutenir la diversité des semences et des acteurs dans le processus de réforme à venir. En effet, si la Commission européenne souhaite inscrire cette réforme dans les objectifs du Pacte vert européen et de la stratégie De la ferme à l’assiette, qui mettent tout deux l’accent sur la préservation et la promotion de la diversité cultivée, les voies pour atteindre ces objectifs peuvent être très différentes, voir contradictoires, selon qu’elles s’appuyent sur des approches agroécologiques ou sur des transitions industrielles axées sur la technologie.
La première partie de l’étude pose le contexte général, la deuxième s’intéresse plus précisément au temps venu pour la réforme de la réglementation commercialisation semences tandis que la troisième fait une analyse thématique de celle-ci et que la quatrième étudie les impacts d’une réforme.
Un appendice présente en outre les liens avec d’autres pans de la législation européenne, comme la propriété intellectuelle, la santé des plantes, la réglementation sur l’agriculture biologique, celle sur les OGM et le cadre pour des systèmes alimentaires durables en cours d’élaboration.
La démarche adoptée est très pédagogique, en particulier dans la partie consacrée à l’analyse thématique de la réglementation commercialisation semences. En particulier, dans cette partie, pour chaque thématique, l’auteure détaille la situation actuelle et les voies législatives proposées, en identifiant les risques et avantages potentiels au regard des différents buts ou objectifs politiques. Elle présente ensuite les recommandations d’Arche de Noah pour le futur régime régissant la commercialisation des semences dans l’UE, que nous résumons ci-dessous.
Sur le champ d’application de la législation :
Concernant les espèces réglementées : seules les espèces qui sont commercialement pertinentes pour la production agricole industrielle devraient être réglementées, et seulement dans les pays où elles ont cet intérêt. Ainsi, le nombre d’espèces réglementées devrait décroitre plutôt qu’augmenter, permettant de la flexibilité pour les opérateur.rice.s.
Concernant la définition de la « commercialisation des semences » : le champs d’application des directives commercialisation semences devrait être strictement défini, et limité aux opérations d’ampleur commerciale à destination de la production agricole industrielle. Une liste d’activités devrait être explicitement exclue du champ d’application de la réglementation commercialisation semence :
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la vente de semences aux jardinier.ère.s amateur.e.s ;
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toutes les activités des réseau de conservation des semences, y compris les « seed savers », les jardinier.ère.s amateur.e.s et les paysan.ne.s ;
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toutes les activités visant à la conservation de la diversité des plantes cultivées ou à l’adaptation des cultivars aux conditions agroécologiques régionales pour des raisons culturelles, historiques, sociales ou environnementales, y compris la vente et
l’échange de tous les cultivars et variétés à ces fins ;
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l’utilisation de semences de ferme provenant de sa propre culture ;
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l’échange de semences par les paysan.ne.s et les jardinier.ère.s, sous forme de ou avec compensation monétaire, sans obligation d’appartenance à une association/un réseau ;
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la transmission de semences à des fins d’essai, de recherche et de sélection.
Concernant les échanges et la vente de semences entre paysan.ne.s : la législation commercialisation semences ne peut s’appliquer à l’échange de semences entre paysan.ne.s. L’échanges de semences par des paysan.n.e.s et des jardinier.ère.s avec ou sans compensation monétaire, devrait être exclu du champ d’application de la législation sur la commercialisation des semences, sans obligation d’appartenir à une association ou à un réseau, reconnaissant explicitement le droit de conserver et d’échanger des semences. Toute exception accordée dans le cadre de la législation pour permettre l’échange de matériel végétal et de semences à des fins de sélection devrait s’étendre également à la sélection de masse et aux activités de sélection participative conçues par ou impliquant des agriculteurs.
Sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité :
Concernant le travail de conservation : toute les activités ayant pour but la conservation de la diversité cultivée ou l’adaptation de cultivars à des conditions agroécologiques régionales pour des raisons culturelles, historiques, sociales ou environnementales devraient être hors du champ d’application de la réglementation. Il ne devrait pas y avoir d’obligation à s’enregistrer comme opérateur.rice profesionnel.le pour les acteur.rice.s de la conservation des semences.
Concernant l’usage durable des ressources génétiques, la sélection participative et la vente de semences : la future réglementation devrait offrir plus, et non moins, d’opportunités pour l’utilisation et donc la commercialisation de la diversité des plantes cultivées adaptées à différentes conditions de culture, notamment les systèmes de culture biologique et à faible niveau d’intrants qui ne sont pas prioritaires pour les obtenteur.rice.s de semences industriels.
Un seul régime d’accès facile pour les « diversity cultivars « , ne reposant que sur la description du matériel par le biais d’un processus de notification similaire à celui établi pour le matériel hétérogène biologique devrait être établi pour les variétés et populations de conservation/traditionnelles/localement adaptables de toutes les espèces cultivées. Ce régime, ne pourrait s’appliquer aux OGM et aux hybrides, qui ne peuvent ni s’adapter à différentes conditions agro-écologiques, ni être conservés par la sauvegarde des semences. Ce régime devrait être gratuit pour le fournisseur et ne comporter ni d’essais DHS/VAT ni de certification obligatoire des lots de semences, ni de restrictions quantitatives ou géographiques, mais être reconnaissable par les utilisateur.rice.s et présenter les dispositions d’étiquetage utiles pour eux.elles.
Sur le système d’enregistrement des variétés et la certification des lots de semences
Concernant l’enregistrement des variétés : une distinction claire doit être faite entre les régimes accordant des droits de propriété intellectuelle (COV) et ceux permettant l’accès au marché. Ces dernières devraient soutenir le développement de variétés et la production de semences adaptées à la culture dans des systèmes à faible intrants et résilientes face à des conditions climatiques extrêmes, aux ravageurs et aux maladies.
De plus, la « durabilité » ou la « résistance au climat » ne peuvent pas être réduites à des caractéristiques uniques, telle que la tolérance à la sécheresse. An contraire, il est nécessaire d’adopter une approche holistique, en considérant la variété dans son ensemble, le système dans le lequel elle s’inscrit…
Tout critère de durabilité supplémentaire ne peut être bienvenu que s’il suit une approche holistique et tient compte de l’ensemble du cycle de vie de la graine et de la plante, plutôt que d’évaluer des caractéristiques limitées d’un produit ou d’un seul de ses traits. Les évaluations de la durabilité ne doivent pas être utilisées pour autoriser des variétés qui ont été sélectionnées pour leur tolérance aux herbicides ou qui renforcent la dépendance aux intrants. Les évaluations de durabilité ajoutées à la législation commercialisation semences ne peuvent et ne doivent remplacer l’évaluation des risques prévue par la législation OGM pour les produits développés à l’aide d’un nouveau génie génétique.
Il est aussi nécessaire de réformer l’information mise à disposition des obtenteurs et utilisateur.rice.s de semences dans les listes nationales et le catalogue commun. Il devrait être obligatoire de rendre publique des élements supplémentaires utiles pour les utilisateur.rice.s de semences, comme les techniques utilisées pour développer le matériel, l’existence d’un brevet ou d’un COV limitant son utilisation, les conditions agronomiques pour lesquelles il a été développé ou dans lesquelles il donne les meilleurs résultats, et tout autre information utile qui pourrait concerner les qualités nutritionnelles ou l’aptitude au transport de la variété.
Concernant les procédures de certification des semences : il devrait être possible de vendre des semences standard pour toutes les espèces (y compris les grandes cultures), dès lors que ce statut est clairement indiqué sur l’étiquetage. Les régles d’emballage et d’étiquetage doivent être réformées pour tenir compte des nouvelles réalités, des besoins et des priorités des utilisateur.rice.s de semences au XXIème siècle. Elles doivent également être proportionnées aux risques supportés par les utilisateur.rice.s de semences, qui sont différents pour des échelles plus petites, plus locales et communautaires par rapport au marché international anonymisé. Il devrait y avoir des dérogations à la fermeture officiel et à l’étiquette officielle traditionnellement apposée sur les sachets de semences, en particulier pour la vente en petits conditionnements. Dans le même ordre d’idée, pour les opérations de vente à petite échelle, l’étiquette apposée sur les emballages de semences doit être lisible et visible, contenir des informations détaillées et utiles aux acheteur.se.s, et ne devrait pas être obligatoire pour les petits emballages, à condition que l’acheteur.se soit informé de l’espèce et de la dénomination du cultivar ou de la variété.
Sur la gouvernance de la législation européenne sur les semences
Concernant les contrôles sous contrôle officiel : les contrôles et les essais (pureté variétale et qualité des lots de semences) ne devraient pas être privatisés, mais rester en princiipe entre les mains des autorités publiques, à moins qu’il ne soit impossible pour ces autorités de tester les variétés et le matériel dans les conditions de culture pour lesquelles ils ont été sélectionnés (ex : en condition biologique). Cette délegation des contrôles ne peut en aucun cas désavantager les petits opérateurs qui ne sont pas en mesure de garantir l’accréditation nécessaire des autorités compétentes pour effectuer les tests eux-mêmes.
Concernant la subsidiarité, les compétences et la participation : le futur cadre juridique devrait conserver l’approche spécifique par culture des directives au lieu d’un ou plusieurs règlements. Cela permettrait aux Etats membres d’être plus sensibles à leur contexte local. Il devrait aussi limiter le nombre d’actes délégués devant être pris par la Commission européenne et définir le champ d’application de la réglementation. De plus, les acteur.rice.s de la diversité cultivée, les paysan.ne.s et le mouvement bio devrait être activement inclus dans tous les processus de gouvernance et de prise de décision concernant la commercialisation des semences.
L’étude s’attache également à détailler les impacts de la réforme (partie 4) :
Sur les paysan.e.s : si la réforme exempte l’échange et la vente de semences entre agriculteur.rice.s de son champ d’application, les fondements des systèmes de semences paysannes seraient maintenus. Cela contribuerai non seulement à la mise en œuvre des obligations des Etats dans le cadre du TIRPAA et de l’UNDROP, mais aussi à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité cultivée, au renforcement du tissu social et économique des campagnes européennes et à l’autonomisation des communautés rurales.
En mettant en place d’une voie simple et facile d’accès pour la commercialisation de variétés diversifiées et en adoptant des règles plus souples en matière de production de semences, la future réglementation commercialisation semences favoriserai l’esprit d’entreprise, en reconnaissant le rôle des agriculteur.rice.s en tant que sélectionneur.se.s. Cela permettrait également d’élargir l’offre sur le marché de semences adaptées à différentes conditions de cultures.
Enfin, et ce n’est pas le moindre, en adoptant des exigences de transparence dans les registres nationaux des variétés et le catalogue commun de l’UE en ce qui concerne les informations réellement utiles à la fois aux obtenteur.rice.s et aux utilisateur.rice.s de semences, accompagnées d’exigences d’étiquetage proportionnées, la réforme pourrait aider les agriculteur.rice.s à prendre la décision la plus éclairée possible, sans dépendre de l’examen officiel des variétés ou des lots de semences.
Sur les petites et moyennes entreprises : Pour changer le paradigme de la réglementation actuelle, qui fait peser sur les PME et les associations un fardeau administratif disproportionné, la future réforme devrait permettre un enregistrement des variétés et des règles de production de semences plus souples, avec des obligations différentes selon les différents marchés, et prendre en compte le potentiel discriminatoire des « contrôles sous contrôle officiel ».
Sur les consommateur.rice.s : Aussi bien les jardinier.ère.s qui achètent des semences que les consommateur.rice.s finaux qui achètent des produits alimentaires sont affectés par la réglementation actuelle sur la commercialisation des semences. Pour les jardinier.ère.s amateur.e.s, les tests DHS et la certification des lots avant commercialisation n’ont tout simplement pas de sens, car iels ont besoin et recherchent d’autres critères lorsqu’iels achètent des semences pour leur jardin.
Pour les consommateur.rice.s, la législation actuelle, en réduisant la diversité des plantes cultivées, a également affecté l’offre de céréales, de fruits et de légumes disponibles pour la consommation. Faciliter la culture de plantes et variétés traditionnelles et régionales permettrait de garantir l’accès à une alimentation culturellement appropriée et généralement plus saine. Les futures règles pourraient diversifier les aliments dans les assiettes des consommateurs, contribuant ainsi directement à la nécessaire transition vers des systèmes alimentaires durables.
Il est également intéressant de s’attarder sur l’appendice, qui présente les liens entre la réglementation européenne commercialisation semences et d’autres réglementations. On relèvera en particulier le lien fait avec l’initiative de la Commission européenne concernant les sytèmes alimentaires durables, pour laquelle une proposition législative est également attendue en 2023. Ce cadre adopte une approche holistique de la durabilité, considérant non seulement les dimensions envrionnementales mais aussi sociales et économiques, et devrait établir des principes généraux à suivre pour toute législation ayant un impact sur le système alimentaire européen. Toutefois pour l’instant, il est encore peu clair si ces mesures seront volontaires ou obligatoires. Ce qui est cependant clair, c’est que toute approche de la durabilité dans la réglementation européenne commercialisation semences doit s’alingner sur cette approche holistique de la législation-cadre. Cela ne sera probalement pas le cas si l’accetn reste mis sur les traits spécifiques des variétés plutôt que sur une évaluation de leur cycle de production et leur système de culture.
Lien vers l’étude (en anglais) ICI
Lien vers un compte-rendu d’une conférence de présentation (en anglais) ICI