Niveau juridique : France
Présentation du document sur le site du ministère de l’Agriculture :
« La Commission européenne a annoncé en 2021 une initiative sur les plantes issues de certaines nouvelles techniques génomiques (NGT). Il s’agit d’adapter les procédures d’autorisation et d’évaluation des risques ainsi que les exigences de traçabilité et d’étiquetage, tout en maintenant un haut niveau de protection de la santé et de l’environnement.
Dans ce contexte, le ministère chargé de l’agriculture a saisi en novembre 2021 le Comité scientifique du CTPS (Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées) afin qu’il éclaire, sur la base de la littérature scientifique et technique, l‘incidence des NBT (New Breeding Techniques - nouvelles techniques de sélection des plantes) sur l’évaluation des variétés et leur mise en marché. Cette saisine faisait suite à une première étude conduite par le CTPS en 2016.
Cette saisine s’inscrit dans l’action 25 du plan « Semences et plants pour une agriculture durable » relative à la mobilisation des acquis scientifiques disponibles en amont de l’élaboration de la réglementation.
Le rapport en réponse à cette saisine a été remis en novembre 2022.
Il conclut notamment que l’utilisation des techniques d’édition du génome ne remet pas en cause les principes majeurs de l’évaluation des variétés en vue de leur inscription au catalogue des variétés. Il faudrait toutefois faire une distinction entre les caractères semblables ou proches de ce qui peut être obtenu par la sélection conventionnelle, qui ne nécessiteraient pas de modification du processus d’évaluation des variétés, et les caractères nouveaux disruptifs, qui nécessiteraient une adaptation des règles d’inscription applicables.
Le rapport souligne les difficultés d’une coexistence sur le marché de variétés issues de NBT et de variétés non issues de NBT, du fait notamment des limites liées à la détection. Il conclut également que l’acceptabilité sociétale doit être prise en compte et doit conduire à réfléchir aux traits dont l’édition permettrait un bénéfice largement partagé par les différents acteurs. Le rapport souligne que le développement des NBT et de brevets sur les traits édités conduira à un renforcement des questions liées à la propriété intellectuelle. Les enjeux portent notamment sur l’accès à l’information sur les brevets attachés aux variétés et sur l’accès à ces variétés pour les programmes de sélection. »
Lien vers la page de présentation du rapport ICI
On pourra y télécharger le résumé exécutif du rapport (4 pages), ainsi que ce dernier dans sa globalité (119 pages).
Analyse du rapport
Ce rapport fait suite à la première enquête sur les nouvelles techniques de sélection des plantes (NBTs) menée par le Comité scientifique (CS) du CTPS en 2016, qui s’attachait aux impacts potentiels de ces nouvelles techniques sur l’offre variétale et les activités du CTPS.
Le contexte ayant largement évolué depuis, aussi bien d’un point de vue juridique avec l’arrêt du 25 juillet 2018 de la CJUE et le projet de réforme sur la réglementation des plantes issues de mutagénèse ciblée et de cisgénèse lancé en 2021 par la Commission européenne, que d’un point de vue technique, avec le développement de l’usage de ces NBT.
Le CTPS a donc cette fois-ci consacré son étude à :
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une actualisation du rapport de novembre 2016 au regard des développements techniques intervenus depuis (et plus particulièrement de la méthode CRISPER Cas9)
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un approfondissement de la réflexion sur l’évaluation des variétés issues de NBTs
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une étude sur l’incidence de la mise en marché de variétés issues de NBTs, en terme de coexistence de deux types de variétés, et de propriété intellectuelle.
On notera que dans le rapport, les experts du CTPS se sont intéressé plus particulièrement à la méthode Crisper-Cas9, aussi connue sous le nom du « ciseau cellulaire », et ont extrapolé les réflexions aux autres techniques d’édition du génome et NBTs. Ils reprennent aussi à leur compte le vocable des pro-nouveaux OGM, qui parlent de « variétés éditées » pour désigner les variétés issues de ces nouvelles techniques de sélection, faisant disparaître par là toute référence à une quelconque modification génétique.
Des techniques encore en voie de développement…
Concernant l’évolution des NBT et des techniques d’édition du génome et l’incidence sur l’offre variétale, le CTPS fait le constat que l’utilisation du système CRISPR a connu de fortes évolutions, que ce soit sur la technique elle-même que sur la méthode d’introduction de CRISPR/Cas dans les plantes. Il note que, si révolutionnaire que soit présentées ces méthodes, « actuellement, les techniques utilisées en création variétale font toutefois appel à une étape de transgénèse avec insertion d’un fragment d’ADN exogène ». Le rapport fait cependant état d’évolution dans les méthodes d’insertion du système CRISPR/Cas dans la plante, pour s’affranchir à la fois des contraintes réglementaires et lever les barrières techniques relatives aux espèces récalcitrantes.
Les recherches récentes mettant en application CRISPR/Cas9 sont majoritairement réalisées en Chine et aux Etats-Unis, sur un nombre d’espèces relativement restreint (riz et tomate en tête), le plus souvent pour agir sur des caractères tels que le rendement, la qualité nutritionnelle/qualité du produit et la résistance/tolérance aux stress biotiques.
Bien que le CTPS consacre de longs développements aux différentes applications possibles de ces techniques pour « améliorer » les variétés (augmentation des rendements par optimisation de l’utilisation de l’azote, domestication de novo, augmentation des composés nutritionnels, diminution des facteurs anti-nutritionnels, résistance au stress hydrique, tolérance à des températures élevées, résistance à des virus, bactéries ou champignons…), les auteurs ont toutefois l’honnêteté de conclure que « il ne semble pas y avoir à ce jour de révolution majeure parmi les matériels édités commercialisés hors de l’UE. » et que « si un grand nombre de traits ont fait l’objet de travaux d’édition publiés, il s’agit surtout à ce stade de preuves de concept, sur un nombre limité d’espèces agricoles, avec peu de retombées pratiques ».
Concernant l’évaluation des variétés issues de NBTs, le CTPS s’attache à évaluer « les services et disservices potentiels des variétés éditées ». (Les « disservices » étant ce que l’on pourrait aussi appeler « inconvénients » ou « nuisances »…). Pour les services attendus, rien que du très classique : la rapidité et la précision de la méthode CRISPR/Cas permettraient de « réduire la temporalité de sélection », ramenant par exemple à 1 à 2 ans l’obtention et la caractérisation de variété d’espèces annuelles, contre environ 8 ans dans les schémas de création conventionnelle… Les NBT permettraient également « d’envisager des modifications ponctuelles de caractères défavorables dans des variétés déjà existantes ayant un intérêt agronomique et commercial avéré ». Ces techniques « [laissent] entrevoir la possibilité d’utiliser de nouvelles ressources génétiques », en s’affranchissant des difficultés de croisement entre matériel végétal élite et certaines ressources génétiques « récalcitrantes ». Les experts du CTPS estiment aussi que les NBT pourraient servir l’agroécologie, notamment pour les résistances aux stress abiotiques et biotiques. Les NBT pourraient aussi « apporter des réponses concluantes par une meilleure captation des éléments du sol », dans un objectif de réduction des intrants. Toutefois, cela nécessite la connaissance des gènes et des caractères, qui sont, pour la plupart, à déterminisme complexe. Or, à ce jour, les techniques ne permettent pas d’agir en même temps sur plusieurs paramètres…
Pour ce qui est des impacts négatifs, les auteurs distinguent ceux intrinsèques aux traits modifiés et ceux qui sont liés à l’écosystème. Si les premiers ne sont pas spécifiques à l’utilisation des NBT, puisque les traits en question pourraient être obtenus par d’autres méthode de sélection, « l’utilisation massive des NBT pourrait potentiellement conduire au déploiement rapide d’un trait sur un territoire, avec éventuellement une réduction du nombre d’espèces cultivées car éditées, et induire des risques liés à l’homogénéisation de certains caractères (contournement des résistances…). » Il y a donc un risque à la fois d’une homogénéité génétique (à l’intérieur d’une espèce cultivée) et d’une homogénéisation et une simplification des systèmes de culture. Les auteurs reconnaissent que les approches « gènes-centrées », souvent utilisées dans une logique de résolution de problèmes ciblés, ne sont généralement pas en phase avec les besoins de changements systémiques…
Les auteurs énoncent en outre des « disservices » liés au fait même de la technique utilisée. Ils reconnaissent ainsi que « du fait des méthodes de biologie moléculaire utilisées pour éditer la molécule d’ADN, ainsi que des méthodes permettant de régénérer des plantes modifiées (culture in vitro par exemple), les NBT peuvent générer des modifications non contrôlées du génome », qu’elles soient génétiques (mutations, recombinaisons, délétions chromosomiques…) ou épigénétiques (modification de l’expression de certaines régions génomiques…). En outre, la question de l’équité d’accès à la technologie est soulevée : si le coût est trop élevé, non seulement certain.e.s agriculteur.rice.s risquent de ne pas y avoir accès, mais d’autre part, les efforts risquent de se concentrer sur un nombre réduit d’espèces, réduisant ainsi la diversification des cultures et la diversité intraspécifique.
Autre risque identifié : ces modifications des structures génétiques pourraient rendre difficiles voir impossibles les croisements avec d’autres variétés utilisées pour la sélection végétale et constituer des barrières biologiques à l’exception du sélectionneur.
L’évaluation des variétés et leur surveillance
Pour ce qui est de l’évaluation des variétés, les experts se posent la question de savoir si les variétés porteuses d’un trait déjà variable au sein de l’espèce, obtenues par mutagénèse ciblée, « [doivent] être soumises à une évaluation similaire aux variétés obtenues par des méthodes conventionnelles ou [si elles doivent] être soumises à une évaluation supplémentaire, due à la technique d’obtention. ». Ou l’éternel débat entre l’évaluation basée sur le produit ou sur la méthode… Pour les auteurs du rapport, la situation est claire : il convient de privilégier l’approche « produit ». En effet « si le produit obtenu est l’élément clé de l’évaluation, alors rien ne semble justifier une évaluation différente des variétés obtenues par d’autres moyens d’obtention. A contrario, si le produit est évalué en fonction de son mode d’obtention, alors il est important de définir les contours de son évaluation et de justifier ces contrôles. ».
Pour les auteurs, le système d’inscription actuel permet l’évaluation des traits édités, en ce sens qu’ils sont capables d’une évaluation agronomique de tous les modes d’obtention végétales, y compris les NBTs. « Une évaluation supplémentaire ne semble pas nécessaire, dans le sens où l’édition génique n’est qu’un outil supplémentaire de création de variété et de progrès génétique ». Toutefois, ils prennent soin de souligner que le système DHS et VATE n’est pas conçu pour évaluer les risques écosystèmiques, ce qui demanderait une adaptation spécifique (alors pourtant que les principaux risques liés aux NBTs sont écosystémiques….).
Seules les variétés contenant de nouveaux traits, difficilement accessibles par la sélection classique « pourraient faire l’objet d’une attention particulière lors de leur inscription ». Cela pose toutefois la question de savoir comment déterminer le degré d’impact d’une amélioration, et à qui doit être confiée cette évaluation…
Si le CTPS semble se positionner sur les rangs, il n’explique pas ici en quoi consisterai cette évaluation, et en quoi il serait compétent pour la réaliser…
La question de la surveillance, après inscription, de ces variétés se pose également. Les membres du CTPS estiment nécessaire qu’une surveillance « du compartiment sauvage, du compartiment cultivé et une surveillance alimentaire » soient réalisées. Toutefois, ceci vient rencontrer le problème de la difficile accessibilité aux données, et du coût important qu’impliquerai le recueil et le traitement de ces données (constat déjà fait dans le domaine des OGM et des produits phytopharmaceutiques).
Le rapport s’attarde sur la difficulté de détection des variétés issues de NBTs, car les modifications touchent soient un seul nucléotide ou se caractérisent par une séquence insérée ou délétée, ce qui est observable aussi avec les mutations naturelles : le point sensible ici n’est pas tant l’altération de l’ADN que l’origine même de la modification. Les auteurs soulignent toutefois que, les méthodes de détection « classiques » pourraient être mobilisées pour le suivi d’éditions décrites, par exemple dans une demande de brevet ou dans une déclaration spécifique…
Cette question des techniques de détection est fortement liée à celle de la traçabilité : en effet, si l’on veut véritablement donner le choix aux agriculteur.rice.s et permettre une coexistence, la traçabilité est indispensable, et ce, sur toute la chaîne de production, de l’obtention de la variété à sa mise sur le marché. Cela passe en premier lieu par l’obligation pour l’obtenteur de divulguer la méthode d’obtention des traits portés par sa variété lors de son inscription, pour que cette information puisse être transmise à l’agriculteur.rice puis au consommateur.rice. L’arrivée des NBTs pose en outre des questions sur la non-déclaration (ou la déclaration frauduleuse) de la technique….
Sur ce point, les experts penchent donc pour faire une distinction entre les caractères édités. Seuls les caractères nouveaux très modifiants nécessiteraient une modification des règles applicables…
La mise en marché de variétés issues des NBTs pose bien entendu la question de la coexistence entre ces variétés et les variétés non issues de NBTs, afin de garantir notamment le libre choix de l’agriculteur.rice et des consommateur.rice.s. Les questions posées par le déploiement des NBTs sont relativement similaires à celles apparues lors de arrivée des OGM, la différence étant que ces dernières sont, à ce jour, plus difficilement détectables. Dans cette optique, la notion de traçabilité est cruciale. Dans l’hypothèse de la mise en place d’une filière « NBT-free », le support du coût de la certification sera la question à traiter en priorité. Le risque est de cristalliser certaines positions opposées (AB, CRISPER-free, conventionnel, édition intensive…) avec un risque de disparition de certaines variétés.
La question de l’acceptabilité sociale des plantes éditées se pose aussi. Pour le comité scientifique celle-ci « doit être clairement posée pour y trouver une réponse. Ceci doit conduire à réfléchir aux traits dont l’édition permettrait un bénéfice largement partagée par les différents acteurs ». Cette acceptabilité concerne à la fois la technologie, l’espèce, le trait édité et son usage.
La réflexion sur l’acceptabilité de ces technologies impose aussi d’envisager la mise en place des conditions permettant la coexistence NBT/NBT-free et de se préoccuper des conséquences de cette coexistence. Dans cette optique, il semble impératif que l’offre de variétés à haut potentiel mais non-éditées soit maintenu.
Il convient également de s’interroger sur les éventuelles limites à l’utilisation des NBT qu’il serait utile de poser, et de savoir si l’utilisation de tous les gènes est recevable.
L’apparition des « variétés éditées » pose aussi question au regard de la conservation des ressources génétiques, et notamment celle de savoir s’il est pertinent d’inclure ces variétés éditées dans les collections de ressources génétiques, et si ces techniques ne permettraient pas « d’utiliser la diversité génétique de façon pertinente », pour « mieux valoriser les variétés anciennes, en ne modifiant que les traits « non désirés », et en gardant une grande partie du fond génétique de la ressource génétique ». L’autre impact que pourrait avoir la mise en marché des NBT sur les ressources génétiques est un relâchement de la gestion de ces ressources, voir un abandon de leur conservation. En effet, s’il est possible, grâce aux technique d’édition du génome, d’avoir accès à une infinité d’allèle, pourquoi continuer à conserver les collections de ressources génétiques qui constituent actuellement le stock de diversité génétique dans lequel pioche les sélectionneurs pour créer de nouvelles variétés ?
La propriété intellectuelle : une épine dans le pied ?
Les auteurs reconnaissent que ces questions sont en outre intimement liées à celles de la propriété intellectuelle : plus la caractérisation est large et profonde, plus il est facile de déposer des brevets sur les traits édités (qui pourraient également être obtenus par d’autres techniques d’obtention).
La question des droits de propriété se pose en effet de façon accrue pour ces variétés éditées. Les procédés d’édition des génomes font très majoritairement l’objet de brevets, déposés par différents opérateurs. En Europe, c’est Corteva (une entreprise américaine issue de la fusion de Dow Chemical et Dupont), qui a obtenu la quasi-totalité des droits de licence, et qui se trouve donc en situation de quasi-monopole, ce qui est éloquent sur l’accès à ces techniques. Contrairement à ce que met en avant l’un des arguments récurrent des pro-NBT (le fait qu’en raison de la réduction des coûts techniques, elles seront accessibles au plus grand nombre…), le coût d’entrée est donc en réalité important, conduisant à des difficultés d’accès pour certaines espèces, filières et opérateurs économiques, pouvant conduire à une concentration des efforts de recherche sur certaines espèces ou types variétaux uniquement, en opposition avec la diversification nécessaire à l’agroécologie.
De plus, mis en perspective avec la possibilité de breveter des traits natifs (réalité permise par la directive 98/44 et sa transposition dans les textes de l’OEB), le développement des NBT conduit à un accroissement des enjeux de propriété intellectuelle, car il abouti potentiellement à une recrudescence des éléments brevetés dans les variétés commerciales. Pour lever le frein de la brevetabilité des traits édités,qui va semble-t-il rendre le travail du sélectionneur plus long pour s’assurer de ne pas se trouver en position de contrefacteur, le comité estime qu’il conviendrait que l’ensemble des opérateurs décident de ne pas poser de brevets sur les traits édités ! On peut s’interroger sur la pertinence d’une suggestion si naïve…
La question de la transparence des brevets portés par une variété est également soulevée: en effet, au contraire du COV qui permet une exemption du sélectionneur ; avec le brevet, le sélectionneur doit soit obtenir une licence, soit épurer son obtention de l’élément breveté sous peine d’être considéré comme contrefacteur. Or, il est difficile d’avoir des informations sur les éléments brevetés, et cela demande une veille et une expertise coûteuse. Pour tenter de pallier à ce problème, certaines entreprises semencières possédant des portefeuilles de brevets ont mis en place des plateformes de licence, mais ces dernières n’ont qu’une portée limitée. En effet, elles s’appuient principalement sur la base PINTO, mise en place par Euroseeds, qui compile des contributions volontaires et déclaratives uniquement.
Comme le conclut de façon sibylline les experts du CTPS « Le développement des NBT et des brevets sur les traits édités conduira à un renforcement des questions liées à la propriété intellectuelle. L’accès à l’information sur la propriété intellectuelle attachée aux variétés commercialisées, et notamment concernant les traits édités, est un enjeu d’importance. » Au sein du Comité, différents points de vue ont été exprimés, sans qu’un consensus ne soit établi :
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utilisation des brevets pour protéger des éditions du génome dans le respect du cadre réglementaire et jurisprudentiel européen actuel, qui garantie l’articulation avec le COV et permet l’exemption du sélectionneur et le privilège de l’agriculteur.
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un engagement collectif des obtenteurs de ne pas prendre de brevet sur les traits édités et de mobiliser le COV.
Tout au long du rapport, les auteurs se réfèrent à une accélération du processus de sélection pour répondre aux défis de l’agriculture de demain. Mais, au vu des éléments précédents, cette accélération est-elle si réaliste ? En effet, à ce jour, le mode d’obtention variétale par les NBT reste très controversé. Deux paramètres sont donc à prendre en compte : l’acceptabilité du consommateur (élément déterminant pour le développement des variétés NBT) et les contrôles réalisés sur les nouvelles variétés. Or, s’il faut augmenter les contrôles sur les variétés, l’augmentation du temps d’évaluation variétale pourrait compenser l’accélération technique.
Pour lever ce frein, le CTPS recommande :
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d’être explicite sur les services attendus et disservices possibles au moment de l’utilisation des nouvelles variétés
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d’associer les utilisateurs dans le processus de conception et la définition des règles d’évaluation.
Conclusion
Comme le reconnaissent les auteurs du rapport, les avancées technologiques se concentrent aujourd’hui essentiellement sur la technique CRISPER/Cas, avec un abandon des autres techniques d’édition du génome. Si un grand nombre de traits ont fait l’objet de travaux d’édition publiés, il s’agit à ce stade essentiellement de « preuve de concept », sur un nombre limité d’espèces agricoles, avec peu de retombées pratiques (pour l’instant, peu de production sur des traits permettant des ruptures fortes susceptibles de contribuer à la transition agroécologique, à la demande de souveraineté alimentaire ou à l’adaptation au changement climatique). Pour le comité, il s’agit cependant uniquement d’un décalage temporel entre des technologies vraiment récentes, et il y a une réelle perspective d’accélération, si les considérants économiques et sociaux ne l’entravent pas.
Ils estiment que la caractérisation phénotypique du matériel génétique nouveau créé par édition du génome est indispensable. Cela ne pose pas de soucis pour les traits correspondant à des caractères naturellement variables et ayant déjà fait l’objet d’étude au moment de l’inscription. En revanche, pour les innovations disruptives créant de nouveaux traits, une évaluation des services et disservices serait nécessaire. Pour le CTPS, les NBT ne conduisent pas à une remise en cause des principes majeurs de l’évaluation des variétés en vue de leur inscription sur les catalogues nationaux, ni la capacité du CTPS à piloter ce travail d’évaluation.
Concernant les potentiels disservices, le comité scientifique identifie :
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l’impact sur le pool génétique cultivé, dont le risque de concentration des efforts de recherche sur certaines espèces avec un risque d’homogénéisation en espèces et en variétés, voir en gènes et les problèmes éventuels de compatibilité génétique entre les variétés éditées de façon disruptive et le germplasm de l’espèce.
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l’impact non désiré sur les communautés spontanées associées aux cultures (microbiote, insectes non-cibles impactés par des résistances aux ravageurs…)
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la fuite dans l’écosystème naturel et le déséquilibre induit sur certaines communautés et la perturbation de leur fonctionnement
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le disservice économique, avec la perturbation voir la disparition de pans de filières ayant des vertus agroécologiques sur le long terme (greffe par exemple)
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la toxicité, dans le cas de production de nouveaux composés secondaires.
Les experts reconnaissent que l’utilisation des NBT dessine un nouveau contexte, qui sera marqué par des coûts, afférents tant à la création qu’à la propriété industrielle, à l’évaluation des services et disservices au moment de l’inscription ou l’organisation d’éléments nécessaires à la coexistence de filières NBT et NBT-free. S’ils précisent qu’il conviendra « de s’interroger sur les acteurs et composantes du système sociotechnique qui devront porter ces coûts », ils se gardent bien de trancher, et d’évoquer également l’épineuse question de la charge de la preuve…
Malgré de longs développements sur la propriété intellectuelle, et les réserves émises sur son probable effet entravant sur l’accès à ces techniques d’édition du génome, il paraît assez clair, à la lecture de ce rapport, que le comité scientifique du CTPS a choisi son camp : celui du soutien au développement et à la déréglementation des produits issus de ces techniques.