Niveau juridique : Union européenne
Présentation du document (traduction par nos soins)
« L’édition du génome est la modification ciblée de quelques lettres d’ADN dans le schéma génétique existant d’un organisme. L’outil d’édition du génome de loin le plus utilisé est CRISPR-Cas. La technologie d’édition du génome CRISPR-Cas peut être appliquée de différentes manières. Les modifications génétiques introduites au moyen des types SDN1 et SDN2 de la technologie CRISPR-Cas ne diffèrent pas des modifications qui peuvent survenir naturellement ou résulter de la sélection conventionnelle. Bien que la technologie CRISPR-Cas soit très précise, il peut arriver que des cibles ne soient pas visées. Cependant, la caractérisation moléculaire des modifications génétiques, combinée à la sélection, peut empêcher l’introduction sur le marché de plantes présentant des modifications non souhaitées. Les points de vue sur cette nouvelle technologie sont très divergents, mais il est clairement nécessaire de discuter du type de gouvernance réglementaire qui se justifie pour les cultures modifiées par le génome. »
Dans le document, on s’intéressera tout particulièrement à la partie 4, consacrée aux risques, réglementation et autres perspectives. Nous vous en proposons ici quelques extraits et résumés des principales idées développées. (NB : les passages traduits l’ont été par nos soins).
Les auteurs commencent par développer l’argument éculé que l’édition de génome est plus sûre que les méthodes de « mutagénèse aléatoire conventionnelles ». Ce qui semble pour eux être suffisant pour justifier leur utilisation…
Ils constatent que l’édition du génome est utilisée aussi bien dans le secteur privé que public. Dans le public, ces techniques sont plutôt utilisées pour la recherche fondamentale (pour approfondir les connaissances sur le fonctionnement des gènes et des génomes et les facteurs qui jouent un rôle dans l’interaction entre les cultures et l’environnement). Dans le privé, c’est plutôt utilisé comme un outil additionnel pour la sélection. Ces techniques sont utilisées aussi bien par les grandes entreprises, mais aussi un certain nombre de petites et moyennes entreprises.
L’édition du génome, et en particulier CRISPR-Cas, a entraîné l’émergence d’une série de nouvelles start-up qui utilisent spécifiquement la technologie de l’édition du génome pour améliorer des cultures spécifiques de manière ciblée.
Bien qu’il n’y ai de manière pratique aucune limitation à l’utilisation de CRIPR-Cas dans la recherche, il sera nécessaire, pour commercialiser les variétés ainsi modifiées, d’obtenir une licence sur la propriété intellectuelle liée à CRISPR. Selon les auteurs, « [i]l existe un paysage complexe de brevets et de demandes de brevets sur les différents composants de la machinerie CRISPR-Cas, les outils dérivés et leurs applications, soit plus de 250 familles de brevets publiées liées à l’utilisation des plantes CRISPR-Cas (Jefferson et al., 2021). Les universités et les instituts de recherche sont les principaux contributeurs à ces dépôts de brevets. Les grands acteurs du secteur agricole tels que Bayer, Syngenta, BASF et Corteva ont obtenu des licences exclusives et non exclusives sur la propriété intellectuelle liée aux inventions originales de CRISPR-Cas de l’Université de Berkeley et/ou du Broad Institute du MIT et de Harvard. Corteva a le droit d’accorder des sous-licences à des organismes de recherche internationaux et à d’autres entreprises. L’obtention d’une licence sur la propriété intellectuelle nécessaire pour utiliser CRISPR-Cas dans les cultures agricoles crée un seuil dans l’accès à la technique. Mais le nombre d’outils d’édition du génome liés à CRISPR qui ne sont pas brevetés ou qui peuvent être utilisés sans licence est en augmentation. »
Ainsi que le relèvent eux-mêmes les auteurs « [l]‘utilisation à grande échelle des outils d’édition du génome dans les cultures agricoles pourrait entraîner une augmentation du nombre de cultures agricoles protégées par des brevets » (en effet, les caractéristiques des plantes résultant de l’application de techniques d’édition du génome peuvent aussi être protégées par un brevet). « Lorsque les sélectionneurs voudront accéder à ces cultures modifiées par le génome et les utiliser à des fins de sélection ultérieure, ils devront obtenir une licence et ne pourront pas bénéficier de l’exemption dite « des sélectionneurs » qui existe dans le cadre du système de protection des obtentions végétales. L’édition du génome permet aux sélectionneurs d’introduire des caractéristiques souhaitables de manière beaucoup plus ciblée. Toutefois, lorsque la technologie brevetée a été utilisée, elle permet de mieux contrôler les plantes dotées de ces caractéristiques, par rapport aux plantes qui sont protégées par un droit d’obtention végétale. »
Concernant les défis réglementaires, le rapport présente d’une manière assez laudative le système argentin, et son approche « au cas par cas » pour déterminer si une culture génétiquement éditée doit être soumise à la réglementation sur les OGM. Cette approche est basée sur la définition d’organisme vivant modifié (OVM) du protocole de Carthagène de la Convention sur la diversité biologique. « Selon cette définition, un organisme génétiquement modifié n’est un OVM que si l’altération génétique a entraîné la formation d’une « nouvelle combinaison de matériel génétique ». Lorsque la modification a abouti à une altération génétique qui pourrait également se produire spontanément ou qui est le résultat d’une sélection conventionnelle, les autorités argentines concluent que l’organisme n’est pas soumis à leur législation sur les OGM. Les implications de cette approche réglementaire sont que le spectre des cultures et des caractéristiques génétiquement modifiées qui sont introduites est beaucoup plus large que celui des OGM. En Argentine, des PME et des institutions publiques soumettent également des dossiers pour des cultures génétiquement modifiées (Whelan et al., 2020). L’exemple de l’Argentine montre que l’approche réglementaire appliquée a un impact significatif sur le développement et l’introduction sur le marché de cultures modifiées par le génome. »
L’un des défis relevé est que l’approche réglementaire n’est pas uniforme sur l’ensemble du globe, ce qui a des conséquences : « Les sélectionneurs de plantes de l’UE qui mènent des activités de recherche et de sélection dans différentes régions du monde étudient les possibilités d’utiliser l’édition du génome dans ces régions et peuvent même envisager de délocaliser certaines activités de recherche et de sélection en dehors de l’UE. Les différences dans la surveillance réglementaire ont des conséquences sur le commerce international. Si certaines cultures modifiées du génome ne sont pas réglementées dans certaines parties du monde, il peut être difficile d’empêcher qu’elles se retrouvent dans d’autres parties du monde sans être remarquées. »
Les auteurs pointent également les difficultés de détection des cultures modifiées par le génome, et les conséquences que cela peut entrainer. « Cette difficulté signifie qu’une fois sortis du laboratoire, le traçage des produits génétiquement modifiés à travers les marchés intérieurs et les frontières extérieures serait difficile, et ils pourraient finalement se retrouver dans des gammes de produits certifiés qui n’autorisent pas la présence d’OGM, sans être détectés. Cela pourrait affecter la liberté de choix des consommateurs et l’acceptation de la technologie par la société. En outre, la non-détection de l’utilisation de la technologie d’édition du génome peut rendre plus difficile l’établissement d’éventuelles violations de brevets. »
Dans cette dernière partie, un paragraphe est enfin consacré aux divergences d’opinion et au débat public. « There is divergence in views on the implementation, usefulness and safety of gen om e-edited crops between different stakeholder groups in Europe, which also determines the positions that these stakeholders take in the regulatory debate on genome-edited crops (EGE, 2021).
The ruling of the CJEU has made clear that, from a legal point of view, organisms resulting from modern, targeted forms of mutagenesis constitute GMOs under the current EU legislation. Whether these GMOs should fall under the GMO legislation, or be out of scope or exempt is the core issue where consensus is lacking among different stakeholder groups. The European Group on Ethics in Science and New Technologies (EGE) recommends that regulation should be proportional to risk: light-touch regulation should be used where the modification could have been achieved naturally or the edit involves the introduction of genetic material from sexually compatible plants (EGE, 2021).
In its recent study, the European Commission states that several of the plant products obtained from NGTs (New Genomic Techniques, which includes genome-editing) have the potential to contribute to the objectives of the EU’s Green Deal and in particular to the farm to fork and biodiversity strategies and the United Nations sustainable development goals (SDGs) for a more resilient and sustainable agri-food system. However, some stakeholders consider that these benefits are hypothetical and achievable by means other than biotechnology.
Stakeholder groups that have voiced strong criticism against GMOs, such as IFOAM EU Group, TestBiotech, Confédération Paysanne, generally refer to genome-edited organis ms as new GMOs, whereas the European Plant Science Organisation (EPSO), EU-SAGE, Leopoldina and other academy organisations are inclined to make a distinction between transgenic crops and genome-edited crops in which no foreign genetic material was introduced (Leopoldina, 2019; TestBiotech, 2021).
The European Non-GMO Industry A ssociation (ENGA) has voiced concerns over the traceability and possible admixture of genome-edited material into product ranges that do not allow the presence of GMOs (ENGA, 2021). The United Nations has expressed concern over the impact of genetically-modified organisms on biological diversity and sustainability (EGE, 2021). Discussions are ongoing on how policies should be adapted to enable the potential of modern (breeding) technologies towards sustainability (EGE, 2021).
Another factor that fuels the debate is the level of corporate control over the food chain. GMOs are considered a risk factor that may contribute to this as GM crops can only be marketed by a limited number of international corporations. SMEs are not active in this market because they cannot afford the costs and complexities associated with the application of the GMO legislation. It is unlikely that the current GMO legislation will enable SMEs to enter the market of genome-edited crops and contribute to maintain or even expand diversity in the seed market. The EGE recommends developing measures to support small actors (EGE, 2021). »
Lien vers la page de présentation de l’étude (en anglais) 690194) ICI
Lien direct vers le document (en anglais) 690194_EN.pdf ) ICI