SEMAE, Communiqué - Pourquoi la création variétale doit-elle être protégée ?, 24 mars 2022

Niveau juridique : France

Texte du communiqué :

« Reconnus par la Déclaration universelle des droits de l’homme, les droits de propriété intellectuelle n’ont cessé d’évoluer et de s’adapter aux créations pour lesquelles ils sont utilisés.

Pour leur application à la création de variétés de plantes, un droit spécifique s’est développé depuis les années 1960 seulement. Jusqu’à cette date, le créateur de variétés se rémunérait sur la vente des semences, mais l’allongement des circuits de production, et encore plus la nécessité de dynamiser la recherche, ont conduit à imaginer un droit de propriété intellectuelle original. Celui-ci permet de sécuriser la rémunération des créateurs de variétés au sein de systèmes d’échanges de plus en plus étendus, tout en ne remettant pas en cause leur mode de travail, à savoir : l’accès aux ressources génétiques des plantes.

Les ressources génétiques, dont il est question, sont celles des plantes sauvages ou domestiques, ainsi que celles des variétés végétales créées par les autres sélectionneurs. Ces dernières restent les plus utilisées aujourd’hui.

Le droit des obtentions végétales a été créé en 1961 et est géré par l’Union pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV). L’UPOV regroupe aujourd’hui 94 pays (dont 51 sont en développement ou émergents) et 2 organisations régionales intergouvernementales, l’UE et l’OAPI (Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle).

L’UPOV en Afrique ?

Outre les 17 États membres de l’OAPI, 5 autres États africains ont adopté ce système, soit un total de 22 États couverts par l’UPOV. Aujourd’hui, 117 000 variétés sont ainsi protégées dans le monde par les pays ayant délivré le titre de protection de l’UPOV, le Certificat d’Obtention Végétale, dit COV. Elles sont ainsi librement accessibles à tous pour servir de base à la création de nouvelles variétés.

Pourquoi la filière semences est-elle attachée au COV et refuse la brevetabilité des variétés ?

Droit de propriété intellectuelle, le Certificat d’Obtention Végétale (COV), établi par la Convention UPOV, autorise le libre usage de la variété protégée pour créer de nouvelles variétés. En effet, contrairement au brevet, cette spécificité a été conçue et est adaptée à du matériel vivant.

Elle assure la continuité de l’amélioration génétique des espèces végétales, car tout le monde peut créer de nouvelles variétés à partir de l’existant, tout en empêchant l’appropriation du vivant et en limitant les éventuelles situations de monopole.

Aux USA, en Australie ou au Japon, les variétés végétales peuvent être protégées par un brevet. Contrairement aux variétés protégées par un COV, les variétés brevetées ne peuvent pas être librement utilisées à des fins de sélection pour tous.

Et, bien sûr, il est interdit de faire des semences de ferme (pratique qui consiste à utiliser une partie de sa récolte pour la ressemer l’année d’après) avec des variétés brevetées. Les variétés protégées par un COV, quant à elles, peuvent, en Europe, être ressemées par les agriculteurs sous certaines conditions.

En quoi consiste la protection des obtentions végétales ?

Ce droit particulier a trois grandes caractéristiques qui le rendent très différent du brevet industriel :

  • La reconnaissance de l’invention, à savoir, la création d’une nouvelle variété végétale, se fait dans un champ comparant la nouvelle variété à toutes celles qui existent déjà. Ainsi, les caractéristiques de la nouvelle variété sont visibles pour les utilisateurs, et toute copie d’une variété déjà existante, protégée ou non, y compris de celles existantes dans la nature, est évitée.

  • L’exception de sélection : en sélection conventionnelle, la création de nouvelles variétés est le résultat de croisements de ressources génétiques végétales et, concrètement, ces ressources génétiques végétales sont très majoritairement des variétés récentes déjà sélectionnées. C’est pourquoi, il est extrêmement important que les propriétaires de ces nouvelles variétés ne puissent pas s’opposer à l’utilisation de leur variété dans des programmes de recherche ultérieurs, et qu’ils ne puissent revendiquer aucun droit sur les nouvelles variétés qui en seraient issues.

  • Les « semences de ferme », cette nomination a été juridiquement introduite en

France par la loi du 8 décembre 2011 qui permet, quand cela est une tradition

agricole, que les agriculteurs puissent reproduire à la ferme des semences d’une

variété protégée à condition qu’ils rémunèrent, d’une manière ou d’une autre, le

sélectionneur de la variété qu’ils ont multipliée.

Peut-on breveter les inventions biotechnologiques en Europe ? En France ?

Il est possible de breveter les inventions biotechnologiques, du moment qu’elles ne portent pas sur une variété. Ainsi, sont brevetables des caractéristiques particulières d’une variété végétale, si ces caractéristiques ont été obtenues par un procédé biotechnologique différent du croisement et de la sélection traditionnelle.

Les réglementations européennes et françaises prévoient que les mêmes autorisations pour faire des semences de ferme, qui existent pour les variétés conventionnelles, existent également sur les inventions biotechnologiques brevetées en matière de plantes. Par ailleurs, le droit français permettant à tous d’utiliser librement pour la recherche, une variété comportant des éléments brevetés, a été étendu à 243 autres pays européens dans le cadre du brevet unitaire européen en cours de ratification, soit 25 États européens au total.

Les semenciers français estiment que les brevets accordés sur des informations génétiques ou des éléments de plantes ne devraient pas s’étendre aux mêmes informations génétiques ou éléments de plantes obtenus par sélection conventionnelle. La loi française a introduit une telle disposition en août 2016.

Propriété intellectuelle et biodiversité

En favorisant l’accès aux ressources génétiques, puisque toutes les variétés protégées sont accessibles librement à tous pour en créer de nouvelles, le système UPOV favorise la biodiversité cultivée. C’est dans les pays européens utilisant la certification d’obtention végétale*, que la biodiversité cultivée, qui avait tendance à baisser dans les années 1960, est remontée dans les années 1990.

*2e rapport de la FAO sur l’état des ressources génétiques dans le monde (2009)

 

Chaque année, les 72 entreprises de sélection présentes sur le territoire français créent plus de 500 nouvelles variétés, grâce à près de 400 millions d’euros par an de budget de recherche. »

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