Niveau juridique : France
Juste avant sa dissolution (au 31 décembre 2021), le Conseil scientifique du HCB a rendu son dernier avis, une « Synthèse sur la détection des produits issus des nouvelles technologies génomiques (NGT) appliquées aux plantes ».
En effet, parmi les arguments avancés pour soustraire ces « nouvelles techniques génomiques », c’est-à-dire les techniques de modification du génome apparues après l’adoption de la directive 2001/18 réglementant les OGM, celui qui consiste à avancer que les plantes produites par ces méthodes de sélection ne pourraient pas être distinguées de plantes ayant naturellement muté, ou étant issues de sélection classique revient régulièrement. Ce rapport se penche sur cette question de la détectabilité.
Les auteurs disposent ainsi que « L’une des principales difficultés d’application aux NGT de la réglementation en vigueur concerne la détection spécifique des évènements porteurs de mutations ciblées générées par ces techniques dès lors qu’il n’y a pas d’intégration stable d’ADN exogène, qui est lui détectable.
Le présent rapport fait un point sur les possibilités offertes par les techniques actuelles de détection et sur les perspectives d’utilisations potentielles de nouvelles approches. »
Après avoir fait le point sur l’état du développement de ces techniques en création variétale et sur le contexte réglementaire au niveau international, les auteurs se penchent ensuite sur l’utilisation de ces techniques en création variétale, avant de s’intéresser de manière plus approfondie à la détection des produits issus de ces NGT. La conclusion est pour eux sans appel : « Le point clé est qu’aucune de ces méthodes de détection/quantification n’est réellement « spécifique » d’une technique d’obtention, dans le sens où les mutations détectées restent non distinguables de mutations spontanées ou issues de sélection conventionnelle ou de mutagénèse aléatoire. En effet, ces mutations sont toutes produites par les mêmes mécanismes physiologiques de réparation de l’ADN de la cellule végétale et ne sont pas biochimiquement différentes. Sans déclaration préalable, il n’est pas possible à l’heure actuelle de les attribuer sans ambiguïté à un acte d’édition réglementé. (…) La comparaison d’un génome édité avec des génomes de référence non édités de la même espèce ne permet pas d’établir une spécificité certaine d’origine de la séquence, et en particulier parce que les mutations identifiées lors de l’analyse pourraient être des mutations spontanées ou induites par des techniques non réglementées. Il apparait donc techniquement impossible d’imposer aux demandeurs de soumettre des méthodes d’identification et de quantification spécifiques de l’événement, et validées selon les critères de performance, pour les produits issus d’ODM, SDN1 et SDN2 sans insertion d’ADN recombinant, car les mêmes mutations auraient pu être obtenues par des techniques non soumises aux exigences d’étiquetage et de traçabilité.»
Et de conclure :
« Au terme de cet état des lieux, qui rappelle la combinaison des étapes entre l’obtention d’un caractère et sa commercialisation, il apparait impossible d’envisager de valider sur un plan réglementaire des techniques de détection de produits SDN1 et SDN2. Comme la Commission européenne l’a noté, ceci pose donc question si les produits issus de ces techniques devaient rester dans le champ des OGM non exemptés.
Comme nous l’avons vu, les difficultés liées à la validation de la spécificité d’identification des techniques par le JRC ne sont pas résolues. Aujourd’hui, si l’on peut détecter une mutation, on ne peut pas, dans l’état actuel des connaissances scientifiques71 , identifier la technique à son origine. Prouver qu’une mutation a été « produite » et non simplement sélectionnée, restera associé à une incertitude impossible à lever, qui, en cas de réglementation des produits de NBT, soulèvera certainement des points de contentieux. La mutagénèse conventionnelle étant répandue, et les génomes végétaux étant en constante évolution, une mutation pourrait avoir été obtenue par sélection ou spontanément. La charge de la preuve incombant au demandeur , il se trouverait bien dépourvu pour en produire une.
Une approche probabiliste dans le domaine végétal serait trop incertaine pour être fiable, en particulier en raison des nombreuses étapes de production et de propagation du matériel biologique avant son arrivée sur le marché. Les schémas de sélection diluent très sensiblement les éventuelles modifications annexes liées aux étapes initiales de l’édition. Et si l’on ne connaît pas la cible, il est impossible de savoir quelles coupures hors-cible rechercher.
Ce rapport est volontairement centré sur les outils de détection. Indispensables à la mise en oeuvre de la réglementation, ils ne représentent pour autant qu’un des aspects qui motivent le choix de règlementer. Comme il n’est pas aujourd’hui possible de détecter de différences génétiques entre deux produits obtenus par des méthodes réglementées et non réglementées, la question se pose de leur appliquer un régime différent. Par ailleurs, la question de la réglementation est plus vaste. Elle couvre d’autres aspects, comme la gestion des risques et l’information des consommateurs. Dans son rapport de 2017, le CS du HCB n’a pas identifié de risques intrinsèquement associés aux techniques, ni de risques génériques pour les produits qui en proviennent. Au-delà de questions des modifications des pratiques agronomiques, les risques potentiels identifiés par le CS seraient liés au produit lui-même et à l’objectif recherché par l’obtenteur. Un risque identifié ne concernerait donc qu’un caractère donné dans certains produits. Il pourrait faire l’objet d’études spécifiques, ces études seraient un préalable à l’entrée dans le processus d’enregistrement des variétés au catalogue. Pour ce qui est de l’information des consommateurs, mettre en œuvre une réglementation pour des produits biologiquement identiques à d’autres non étiquetés, sans risques sanitaires avérés et dont l’étiquetage reposerait sur des techniques non validées mérite à tout le moins réflexion. »
Lien vers le rapport in extenso ICI