Niveau juridique : Union européenne
Lors de sa séance du 30 novembre 2021, les membres de la commission de l’agriculture et du développement durable du Parlement européen, ont reçu M. Francesco Mattina, président de l’Office communautaire des variétés végétales, et ont eu une présentation de l’avis scientifique intitulé « Vers une réglementation scientifiquement justifiée et différenciée des plantes génétiquement modifiées dans l’UE » conduite par : M. Bärbel Friedrich, professeur, ancien vice-président de l’Académie nationale des sciences allemande Leopoldina ; M. Ralph Bock, professeur, Institut Max Planck de physiologie moléculaire des plantes, Potsdam-Golm, commission du Sénat sur la recherche génétique, Fondation allemande pour la recherche (DFG) ; M. Hans-Georg Dederer, professeur à la faculté de droit de l’université de Passau, commission du Sénat sur la recherche génétique, Fondation allemande pour la recherche (DFG).
Une présentation orientée de l’OCVV
Le président actuel de l’OCVV (CPVO pour Community plant variety office en anglais) a fait une présentation de cette agence de l’UE et de son rôle.
Après avoir présenté en quoi consiste le système de protection des obtentions végétales communautaire, il a tenu à montrer en quoi ce dernier rentre en résonnance avec les priorités politiques de l’UE. Le système se situe pour lui à la croisée du Pacte vert, de la stratégie De la ferme à la table et du plan d’action pour la propriété intellectuelle.
Il a ainsi pris pour exemple le développement de nouvelles variétés de vigne pour un vin sans fongicide et une viticulture durable, ou encore les variétés de blés résistantes à la sécheresse, de laitue résistance au Bremia…
Lien vers le document de présentation ICI
Une étude clairement pro-NBT
Seule la version résumée de l’étude est disponible en anglais (ICI), mais ses conclusions et ses recommandations sont claires : il faut réformer la réglementation actuelle sur les OGM et exempter les organismes issus de l’édition génomique (ie, de NBT) du champ d’application de la législation sur les OGM (à l’instar des produits issus de mutagénèse).
Voici les recommandations contenues dans le rapport :
-
Recommandation 1 : Amender la législation européenne sur le génie génétique : revoir la définition d’un OGM ou des exemptions associées pour faire sortir du champ d’application les nouvelles techniques d’édition du génome
-
Recommandation 2 : Un cadre juridique fondamentalement nouveau : élaborer un cadre juridique avec une approche non plus fondé sur les processus, mais sur le produit.
-
Recommandation 3 : Faciliter les essais sur le terrain (en plein champ)
-
Recommandation 4 : Une discussion différenciée sur les méthodes de sélection : distinguer clairement les techniques et les produits, ainsi que les scénarios d’application
-
Recommandation 5 : Garantir la liberté de choix : pour garantir la liberté de choix, mais aussi pour ne pas faire de distinction entre les produits issus de mutagénèse (et donc déjà exempts d’obligation d’étiquetage) et ceux issus de nouvelles techniques génomiques, les auteurs préconisent la suppression de l’obligation d’un étiquetage positif pour les produits qui ne contiennent aucune information génétique étrangère, et l’instauration d’un label négatif « sans OGM », qui pourrait être utilisé sur une base volontaire.
-
Recommandation 6 : Une exploitation responsable du potentiel d’innovation : pour les auteurs, le développement d’une agriculture durable en Europe est considérablement entravé par les procédures d’autorisation des produits de la sélection moléculaire, particulièrement restrictives, non différenciées et coûteuses, ce qui entrave le progrès technique. « À cette fin, la recherche sur les conséquences pour la santé, l’écologie, la société et l’économie des plantes modifiées par génome et de leur utilisation, orientée vers le scénario de produit et d’application des nouvelles méthodes de sélection moléculaire, devrait être financée et renforcée par des fonds publics. La recherche devrait également se concentrer sur les appréhensions et les préoccupations concernant le génie génétique qui sont largement répandues dans la société »
-
Recommandation 7:Accroître la compétitivité du marché : les techniques d’édition du génome sont peut coûteuses et efficace, ce qui les rend accessibles aux PME et aux instituts de recherche publics. La réglementation actuelle impose à ces structures des coûts qu’elles ne peuvent supporter, et contribuent à des applications réduites à un petit nombre d’espèces cultivées et une poignée de traits à fort potentiel commercial. De plus « le caractère souvent indétectable de l’utilisation de l’édition du génome pose des problèmes particuliers pour la protection des brevets et des variétés végétales. Le législateur devrait donc suivre les évolutions dans ce domaine et envisager des modifications de la législation sur les brevets et la protection des obtentions végétales si nécessaire. »
La présentation de l’étude faite par ses auteurs est tout aussi limpide : l’édition génomique est une nouvelle opportunité pour la sélection variétale. L’ADN recombinant utilisé par certaines techniques n’est pas dangeureux puis qu’il n’est pas présent dans la variété finale. L’argument éculé du ciblage des mutations est lui aussi mis en avant, et selon ces auteurs, « Le cas échéant, l’édition du génome provoque beaucoup moins de mutations hors cible que toute autre méthode de sélection ». Ces nouvelles techniques n’entrainent pas de nouveaux risques. L’édition génomique est comme n’importe quelle autre technique de mutagénèse, elle est juste plus rapide, moins cher et plus précise. Les produits de l’edition génomique doivnt donc être évalutés comme les autres produits de la sélection ou du génie génétique : au cas par cas, en examinant la ou les nouvelles caractéristiques.
Toujours selon les auteurs, il ne serait pas possible de développer des méthodes d’analyse pour détecter les variétés issues de ces techniques dans les denrées alimentaires ou les aliments pour animaux, car si l’édition du génome est utilisée pour introduire une ou quelques mutations dans le génome, les variétés végétales qui en résultent seront différentes des produits de la sélection conventionnelle. Il n’est pas possible de déterminer l’origine d’une mutation a posteriori.
Les auteurs de l’étude s’attardent aussi sur les risques qu’il y aurait à ne pas utiliser l’édition du génome et les autres NBT. Selon eux : " De nombreux problèmes liés à la sécurité alimentaire, au changement climatique et à l’empreinte écologique de l’agriculture ne seront pas résolus (ou les progrès seront très lents). Les sélectionneurs de l’UE seront sérieusement désavantagés par rapport à leurs concurrents du reste du monde (où les plantes modifiées par le génome ne sont pas réglementées en tant qu’OGM). La recherche fondamentale dans l’UE sera sérieusement désavantagée, et les chercheurs de l’UE devront « exporter » leurs expériences sur le terrain dans des pays tiers. C’est déjà le cas. »
Ils présentent aussi les différentes solutions juridiques pour « adapter » la règlementation européenne :
-
réduire la « porte d’entrée » : modifier la définition des OGM, option 1 : changer la définition générale OU option 2 : changer la liste des techniques listées comme non-OGM
-
élargir la « porte dérobée » : modifier la clause d’exemption (option 3 : modifier la liste des techniques exemptées de la règlementation)
-
Etablir une procédure d’exament préliminaire obligatoire : approche au cas par cas
Le fait que la commission agriculture rencontre ses auteurs montre bien à qui elle accorde plus particulièrement crédit dans ces « consultations » et « débats » relatif à la réforme du statut des nouvelles techniques génomiques…
Lien vers les documents de la réunion ICI