3ème plan « Semences et plants pour une agriculture durable »

Niveau juridique : France

Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a annoncé à l’occasion de la tenue de la conférence internationale sur le développement vert du secteur semencier organisée par la FAO les 4 et 5 novembre 2021, le lancement du troisième plan « Semences et plants pour une agriculture durable ». Le premier plan « Semences et plants pour une agriculture durable » avait été adopté en 2011, suite au Grenelle de l’environnement, et révisé en 2016, notamment suite à l’adoption de la loi Biodiversité. Il s’agit donc ici de la troisième mouture de ce plan qui, rappelons-le, n’a qu’une valeur déclarative : il pose les principales orientations et axes à développer dans le domaine des semences et des plants.

Ainsi, le premier plan visait en particulier à « renforcer la contribution du secteur de la sélection végétale à la durabilité des modes de production, la protection de l’environnement, l’adaptation au changement climatique et au développement de la biodiversité cultivée ». Le deuxième était marqué par « la volonté d’inscrire l’amélioration variétale et la qualité des semences et plants au coeur des politiques publiques et tout particulièrement au coeur du défi agro-écologique pour la France (…) leviers importants pour atteindre les objectifs de multiperformance de l’agriculture. ». Cette fois-ci, la nouvelle version « replace notamment le rôle des variétés, semences et plants au service des objectifs de développement durable adoptés par les 193 États membres de l’ONU dans le cadre de l’Agenda 2030 visant une transition vers un développement durable à l’horizon 2030. Il fait ainsi écho aux travaux menés dans le cadre du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique s’agissant de la contribution de la sélection génétique pour l’adaptation de l’agriculture au changement climatique. (…) [Il] met tout particulièrement l’accent sur le rôle des semences dans la diversité cultivée. Il vise à favoriser les couverts végétaux complexes, qui permettent d’accroître la régulation biologique et la résilience des systèmes de culture. » Il prévoit aussi « de faciliter le retour sur le marché de variétés anciennes, et de poursuivre les engagements en vue d’une conservation durable des ressources génétiques françaises. ». En résonance avec la stratégie « De la ferme à la table » de l’UE, une évolution des critères d’évaluation des variétés est prévue, pour prendre en compte l’efficacité des variétés à résister aux ravageurs, à utiliser les minéraux du sol et de l’eau, renforcer l’évaluation des critères organoleptiques et nutritionnels (teneur en oméga 3, protéines…) et faciliter le développement de variétés plus adaptées aux conditions de l’agriculture biologique. Pour ce faire « il conviendra de s’appuyer sur les technologies d’analyse les plus récentes, telles que l’imagerie, la robotique, l’intelligence artificielle ou la biologie moléculaire », afin « de pouvoir évaluer toutes ces nouvelles caractéristiques sans augmenter les coûts pour les déposants ».

Dès l’introduction, le ton est donné. Si le ministre reconnaît que « les semences et plants ont un rôle essentiel à jouer dans la réussite de la transition agroécologique (…) » et « constituent le préalable nécessaire pour développer des cultures saines, diversifiées, et répondant aux attentes des consommateurs », la vision très industrialo-centrée est claire. Il s’agit avant tout de préserver la place de la France comme leader mondial des semences et plants. La biodiversité végétale n’est encouragée que dans la mesure où elle permet la création de nouvelles variétés : « La préservation de la biodiversité est indispensable au métier de sélectionneur, qui puise dans ces ressources l’inspiration pour répondre aux défis de demain ». Sans surprise, le ministre adopte aussi une position très favorable aux nouvelles techniques de sélection (notamment via les marqueurs moléculaires).

Le plan prévoit une série de 31 actions, regroupées autour de quatre axes :

  • Une diversité de variétés et d’espèces (actions 1 à 7) L’objectif est ici clair : la biodiversité « naturelle ou générée par l’Homme, doit être préservée car elle constitue un vivier de diversité génétique crucial pour le futur. (…) Ces ressources phytogénétiques doivent être mises à disposition le plus largement possible pour permettre de continuer à adapter les variétés à nos besoins. Elles permettront le développement de nouvelles espèces dont le potentiel n’est pas encore exploité. Elles fourniront des variétés qui satis-feront les demandes de plus en plus spécifiques des consommateurs ou des industriels. »

  • Une alimentation de qualité respectueuse de l’environnement (actions 8 à 16) S’il s’agit ici de mieux tenir compte des différents types d’agriculture, et notamment d’adapter les règles d’inscription au Catalogue à des variétés adaptées à l’AB, là encore l’accent est mis sur la performance. « Orienter le progrès génétique pour obtenir des variétés adaptées à une approche agroécologique est donc important. Les variétés de demain devront également rester compétitives afin de maintenir l’excellence de la filière française à l’international et sa place de 1er exportateur mondial. (…) Orienter le progrès génétique c’est (…) fixer une ambition pour que les futures variétés présentent une valeur agronomique, technologique et environnementale à la hauteur du projet d’agriculture durable et multi performante. »

  • Des démarches participatives et l’utilisation de nouvelles techniques (actions 17 à 24) Ces actions visent à introduire de nouvelles techniques dans l’évaluation des variétés, que ce soit au niveau du contenu (utilisation de marqueurs moléculaires, nouvelles techniques de phénotypage) que de la forme (développement de l’informatisation et de la dématérialisation)

  • Une expertise scientifique au service des pouvoirs publics et de la société (actions 25 à 31) Derrière cet item on retrouve l’argument des pro-NBT de la nécessité de « se fonder sur la science » pour légiférer, cette dernière étant porteuse d’innovations. Ainsi « La recherche a été source d’importantes innovations ces dernières années. Elle offre beaucoup d’espoir pour répondre, ou accélérer la réponse, aux défis les plus complexes mais il faut qu’elle soit en adéquation avec les transitions présagées et les attentes de la société. L’expertise scientifique doit être au cœur de la réflexion pour permettre de poser le débat.Le cadre règlementaire doit être adapté pour tenir compte de ces innovations, de l’évolution des connaissances scientifiques mais aussi des nouveaux enjeux de l’agriculture. »

Parmis l’ensemble des actions détaillées, on relèvera notamment :

ACTION 1. Favoriser une plus grande diversité d’espèces mises en marché

« Les réglementations « catalogue » et « certification » permettent la mise en marché de semences et plants de qualité, vecteurs d’innovation génétique.

Dans le cas d’espèces non couvertes par cette réglementation, la mise en avant de matériel végétal de qualité auprès des producteurs peut s’accompagner de dispositifs volontaires, dans le cadre du catalogue national ou d’un règlement technique de certification, qui pourront structurer la filière de semences et plants française puis européenne. Une harmonisation européenne devra, chaque fois que possible et souhaitable, être recherchée. (…) On cherchera ainsi à accroître le nombre d’espèces couvertes par un dispositif volontaire ou obligatoire, pour accompagner la mise à disposition de matériel végétal de qualité à destination des filières agricoles. »

ACTION 2. Favoriser une offre variétale diversifiée

« Le souhait de pouvoir disposer de variétés à base génétique plus large, comme des variétés population, questionne la liaison forte établie dans le droit européen entre les critères de DHS pour l’inscription au catalogue et pour la protection intellectuelle par certificat d’obtention végétale. Les modalités utilisées pour assurer la traçabilité et la maintenance de telles variétés pourraient être revisitées dans le sens d’une plus grande responsabilisation des acteurs et d’une moindre garantie officielle.

Pour contribuer au maintien d’une biodiversité cultivée la plus large possible, il conviendra également de faciliter le retour sur le marché de variétés patrimoniales et contribuer à la mutualisation du coût du maintien au catalogue de ces variétés.

Les besoins spécifiques des outre-mer devront être pris en charge de manière pragmatique (offre variétale adaptée, collaboration avec acteurs locaux pour la sélection et l’évaluation, exigences de qualité des semences et plants adéquate, etc.). »

ACTION 3. Contribuer au déploiement de matériel végétal adapté à une culture en couvert complexe (mélanges, associations, etc.)

L’idée est ici de tester les variétés aussi sur leur aptitude au mélange ou à l’association lors des évaluations DHS et VATE

ACTION 4.Quantifier les services environnementaux des nouvelles variétés

« Les services écosystémiques rendus par de nouvelles variétés méritent d’être mieux connus et évalués lors de la phase d’inscription des variétés au catalogue officiel, puis précisés après inscription. »

ACTION 5. Organiser la gestion des ressources phytogénétiques dans le milieu naturel et en collection

« Les ressources phytogénétiques (RPG) des plantes cultivées et leurs apparentées sauvages contribuent au patrimoine culturel mais elles constituent avant tout le vivier de diversité indispensable à l’adaptation des plantes au changement climatique et à une agriculture plus durable. La conservation et la gestion durable des RPG en conditions in-situ (dans le milieu naturel), ex-situ (hors du milieu naturel) et à la ferme constituent un enjeu majeur dans un contexte d’érosion génétique et de sauvegarde du patrimoine français. Ces actions sont aujourd’hui assurées en France par une mosaïque d’acteurs (agriculteurs, associations, centres régionaux instituts de recherche, obtenteurs, particuliers), pour certains organisés en réseaux. Il est important de veiller à la continuité et à la cohérence de leurs actions et d’identifier les besoins pour garantir la pérennité de la conservation des RPG.

Pour minimiser le risque de toute perte irréversible de diversité, il conviendra de poursuivre les actions relatives à la mise en place de schémas de conservation des variétés radiées du catalogue français, pouvant présenter un intérêt en particulier pour leur caractère patrimonial, et d’espèces jugées comme prioritaires, car insuffisamment couvertes dans les collections actuelles.

Les liens entre les modes de conservation et de gestion ex-situ et in-situ devront être renforcés notamment par la poursuite de la mise en relation des acteurs à travers la reconnaissance officielle des gestionnaires de collections et le développement de la collection nationale. La visibilité de cette dernière pourra permettre de sécuriser la sauvegarde à long-terme des ressources la composant. Un état des lieux des problématiques et besoins spécifiques liées à la gestion des RPG en milieu in-situ et à la ferme pourra être dressé. »

ACTION 6. Valoriser les ressources phytogénétiques

Des efforts de mise en relation des acteurs autour de pratiques communes de description et de caractérisation des RPG seront à poursuivre, en particulier pour les ressources versées en collection nationale : descripteurs reconnus, bases de données mutualisées… Ces actions, ayant pour vocation de fédérer la majorité des acteurs au niveau national, pourront notamment bénéficier de financements apportés par le ministère chargé de l’agriculture, ou par le fonds de dotation sur la biodiversité cultivée. Elles pourront également contribuer à la diversification des productions agricoles via la promotion de l’usage et la mise sur le marché de variétés adaptées aux conditions locales favorisant la conservation et l’utilisation in situ de la diversité génétique des plantes cultivées.

La nécessaire caractérisation des RPG sur des traits spécifiques favorables à la transition agroécologique amènera à approfondir les échanges autour des attentes de l’agriculture biologique et des services écosystémiques rendus par les variétés. »

ACTION 7. Contribuer au positionnement de la France à l’international

« Afin de promouvoir le modèle français et de valoriser l’expertise et le travail des acteurs nationaux de la conservation et de l’utilisation durable des ressources sur la scène internationale, il est nécessaire de renforcer la participation française aux travaux du groupe technique intergouvernemental portant sur la définition de stratégies nationales de promotion de la préservation et de l’utilisation durable des RPG pour l’alimentation et l’agriculture.(…)

Dans ce cadre, les États parties au Traité se sont engagés via le système multilatéral à mettre à disposition au plus grand nombre les RPG. Dans les négociations en vue de l’amélioration de son fonctionnement, la France poursuivra son action notamment en faveur de l’élargissement de l’annexe I à toutes les espèces d’utilité pour l’alimentation et l’agriculture ainsi que son soutien au modèle du certificat d’obtention végétale (COV) en tant que mécanisme juridique de protection des variétés.

Il conviendra également de poursuivre l’implication française dans les activités du programme coopératif européen portant sur les RPG (ECPGR), en particulier à travers la mise à disposition des ressources de la collection nationale dans la collection mutualisée européenne et l’intégration de ces ressources dans la base de données européenne. »

ACTION 15. Promouvoir l’inscription de variétés adaptées à l’agriculture biologique

« La prise en compte de l’agriculture biologique lors de l’inscription doit être déployée au sein de chaque section du CTPS, avec un groupe d’acteurs porteurs de la diversité de l’AB, sur la base des travaux de la CISAB. (…)

Pour ce faire, il conviendra de développer des méthodes et protocoles pour évaluer les caractères demandés par l’AB et non décrits actuellement (caractères agronomiques, technologiques et nutritionnels), puis construire des possibilités d’expérimentation en AB et structurer l’évaluation post-inscription. Par la suite, des approches participatives en expérimentation pourront être développées, en s’attachant en particulier aux modalités d’implication des agriculteurs.La France participera à l’expérimentation européenne sur les «variétés biologiques adaptées à la production biologique», en collaborant avec les acteurs impliqués sur ce sujet (sélectionneurs, groupements de producteurs, ITAB, etc.).Par ailleurs, une organisation permettant d’enregistrer la notification des matériels hétérogènes biologiques et l’expertise des dossiers déposés sera mise en place pour accompagner le développe-ment de ce nouveau type de matériel végétal »

ACTION 16. Contribuer à développer la production de semences et de plants biologiques

« Les verrous techniques de la production et de la qualité physiologique et sanitaire des semences et plants biologiques devront être identifiés et levés (programmes de recherche). Il conviendra aussi de sécuriser les producteurs de semences et de plants (formations, visites, références techniques et économiques).Les verrous réglementaires (compatibilité réglementation semences/plants et cahier des charges AB, évolution éventuelle des règlements techniques de production de semences et plants et de normes de certification) devront être levés et des procédures de contrôle des semences et plants de maté-riel hétérogène biologique proposées. »

ACTION 21.Développer l’utilisation de la biologie moléculaire dans l’évaluation des variétés, semences et plants

« Les outils de la biologie moléculaire sont utilisés depuis de nombreuses années et contribuent déjà à l’efficacité de méthodes d’évaluation sur un nombre restreint d’espèces. Le potentiel de ces technologies est désormais suffisamment élevé pour envisager une utilisation plus large dans le cadre de l’inscription des variétés, la certification des semences et plants ainsi que la caractérisation des ressources phytogénétiques

De nouvelles stratégies de marquage et de détection pourront être déployées, soit pour lever des verrous techniques actuels (mélange de variétés et association d’espèces, espèces à génétique complexe) soit pour répondre à de nouvelles problématiques (détection de pathogènes émer-gents ou marquage de gènes d’intérêt). Ces développements nécessiteront la création de nouveaux schémas de couplage de la biologie moléculaire avec les données de caractérisation morphologique des variétés, en complément, en combinaison ou en alternative des techniques actuelles »

ACTION 27.Proposer une réglementation proportionnée, intégrant les nouveaux enjeux scientifiques et sociétaux

« a législation européenne encadrant la production et la commercialisation des semences et plants est une législation ancienne, qui a été régulièrement adaptée mais jamais complètement rénovée. De ce fait, elle conduit parfois à une mise en œuvre non harmonisée entre les Etats membres. Il convient par ailleurs de s’interroger sur son adaptation, notamment quant au progrès technique dans le domaine de la sélection végétale, à la conservation de la biodiversité et des ressources phytogénétiques et aux attentes sociétales. Pourtant, les enjeux d’une production agricole performante et respectueuse de l’environnement sont majeurs, et les attentes vis-à-vis des variétés, semences et plants, fortes.Dans ce cadre, le Conseil de l’Union européenne a enjoint la Commission européenne de conduire une étude sur l’actualisation de cette législation. Ce chantier pourrait conduire à une proposition de nouvelle réglementation.Cette étude européenne et l’éventuel travail d’élaboration d’un nouveau cadre législatif constitue une occasion unique pour mener une réflexion sur la réglementation existante et sa juste proportionnalité, et élaborer des propositions pour mieux prendre en compte les nouveaux enjeux scientifiques et sociétaux.Il conviendra de s’assurer que l’ensemble des parties prenantes puissent contribuer à la réflexion »

ACTION 29.Porter la vision française dans l’Union européenne et à l’international

« Il est important de veiller à promouvoir et maintenir le système de certification français à l’international, et de veiller dans le cadre des discussions à l’OCDE aux conditions d’introduction à l’importation de matériel végétal produit en dehors de l’UE.Au niveau européen et international, il est nécessaire de continuer à promouvoir le certificat d’obtention végétale par rapport au brevet, afin de veiller à la préservation du libre accès aux variétés améliorées et d’ainsi assurer une dynamique de l’innovation variétale.La possible réforme des directives européennes encadrant la commercialisation des semences et plants sera aussi un moment important où la France devra défendre son objectif de transition agroécologique et sa vision du catalogue européen des variétés utile à l’accélération de la transition agroécologique, en phase avec les objectifs de «Pacte Vert» de la Commission Européenne, mais égale-ment outil de protection des utilisateurs. »

ACTION 30.Mieux communiquer sur l’intérêt de l’amélioration des plantes

« La sélection des plantes cultivées existe depuis la naissance de l’agriculture. Cette sélection s’est accélérée depuis 70 ans grâce à l’amélioration des techniques et la mise en place d’une réglementation spécifique : catalogues et évaluations obligatoires des variétés.Elle a largement contribué à l’augmentation de la production agricole française et mondiale et a ainsi permis de nourrir une population mondiale qui a triplé en 70 ans.Elle constitue l’un des leviers majeurs pour répondre aux défis productifs, économiques, environne-mentaux et sanitaires posés à l’agriculture et à l’alimentation.Cependant, malgré tous les résultats obtenus par la sélection variétale et le potentiel qu’elle offre, le secteur pâtit d’une image négative aux yeux de la société civile et d’une partie des médias. Il est donc important de renforcer la communication institutionnelle pour présenter l’intérêt de l’innovation variétale et de la réglementation variétés, semences et plants au regard des attentes de l’agriculture et de la société civile. Il conviendra d’illustrer les progrès accomplis grâce aux efforts de sélection et à une réglementation incitative, le continuum entre biodiversité conservée et cultivée, ou encore le rôle de l’expertise scientifique du CTPS au service de la société. L’organisation d’un trophée de l’innovation variétale agroécologique permettrait de donner de la visibilité aux progrès génétiques permis par la création variétale. »

Lien vers la page de présentation sur le site du ministère de l’agriculture ICI

Voici aussi ICI pour une évaluation du précédent plan