Niveau juridique : France
Question publiée au JO le : 23/07/2013 page : 7631
Réponse publiée au JO le : 08/10/2013 page : 10551
Texte de la question
M. Jean-Jacques Candelier interroge M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt sur la réponse fournie le 9 octobre 2012 à la question n° 3503. Dans celle-ci, le Gouvernement ne remet pas en cause la loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale, bien au contraire.
Il lui demande si cette réponse, purement administrative ou qui aurait pu être rédigée sous le Gouvernement précédent, n’est pas contradictoire avec la teneur de l’explication de vote du 28 novembre 2011 du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, l’orateur du groupe à l’Assemblée nationale estimant que ce texte « taxe l’ensemble des agriculteurs », « remet en cause un droit qui est un droit fondamental du métier d’agriculteur », constitue un « recul également sur le plan de la protection de l’environnement », interdit « à la moitié des agriculteurs de ce pays de faire vivre la biodiversité » et livre « l’agriculture française aux rois de la semence ».
Texte de la réponse
La loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale (COV) conforte le dispositif des COV comme élément essentiel de protection intellectuelle des variétés végétales, permettant de protéger l’innovation dans le secteur de la génétique végétale dans le respect de l’équilibre des droits entre les différents acteurs.
Cette loi permet également à la France de se mettre en conformité avec ses engagements internationaux en matière de protection intellectuelle des obtentions végétales, et notamment avec la convention de 1991 de l’union pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Ces engagements ont été réaffirmés à travers la publication du texte de cette convention par décret du 5 juillet 2012.
Le dispositif des COV tel que prévu par la Convention de l’UPOV est un système de protection intellectuelle plus ouvert que d’autres dispositifs comme celui des brevets. En effet, ce dispositif « d’accès libre » permet entre autres que l’agriculteur qui met en culture une variété protégée puisse utiliser une partie de sa récolte comme semence en vue de la récolte suivante (« semence de ferme »), sans accord préalable de l’obtenteur.
Le texte de la loi renvoie à des accords interprofessionnels le soin d’organiser les modalités de cette pratique, notamment le versement d’une indemnité aux obtenteurs détenteurs du COV afin de prévoir une juste rémunération de leurs travaux de recherche. Ce sont ces travaux de recherche, associés à la recherche académique publique, qui permettent la mise à disposition des agriculteurs et des consommateurs de variétés plus performantes en termes agronomiques, technologiques et environnementaux. Alors que le développement d’une nouvelle variété représente un investissement lourd (1,5 millions d’euros en moyenne sur 10 années pour une nouvelle variété de blé), l’objectif est de créer les conditions d’une juste rémunération de l’effort de recherche. La rédaction de ces accords interprofessionnels requiert une large concertation des parties prenantes, au sein des filières et de façon transversale.
Dans le but de faciliter cette concertation, deux médiateurs, ingénieurs généraux du MAAF, ont été nommés courant avril 2013 afin de faciliter la concrétisation d’accords équilibrés au bénéfice de tous les intervenants et a permis la signature d’un nouvel accord pour les céréales a paille en juin dernier.
La loi du 8 décembre 2011 n’oblige aucun agriculteur à utiliser une variété protégée par un COV. Pour les variétés non protégées (plusieurs centaines inscrites au catalogue national des espèces et variétés de plantes cultivées), ce texte ne modifie en rien le droit des agriculteurs à ressemer leur champ avec une partie de leur récolte.
Il convient de plus de noter que ces dispositions relatives à la protection intellectuelle des obtentions végétales ne modifient en rien la réglementation déjà applicable en matière d’échange et de commercialisation des semences, réglementation qui est directement issue de directives européennes. Cette réglementation permet l’accès au marché à une très grande diversité de matériel génétique, en terme d’espèces, de structures génétiques, de modes d’obtention, d’adaptations aux conditions locales d’exploitation et aux usages des produits de la récolte, dans le but de répondre à la très grande diversité des situations et des demandes des agriculteurs français.
Au-delà de ce que permet déjà la réglementation sur la commercialisation des variétés et des semences, les services du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, avec l’ensemble des parties prenantes concernées, mènent par ailleurs des travaux visant à mieux caractériser et qualifier les matériels issus de la pratique des « semences paysannes », conformément aux orientations définies dans le cadre du plan d’action semences et agriculture durable.
Ainsi, la loi du 8 décembre 2011 ne crée en aucune façon une nouvelle taxe pour les agriculteurs, mais au contraire donne désormais un cadre légal à la pratique des semences de ferme pour des variétés protégées par un COV national. Il était en effet urgent, à travers la modification du droit national et dans le respect des règles internationales, de remettre dans la légalité cette pratique de nombreux agriculteurs. La transposition de la Convention 1991 de l’UPOV permet par ailleurs de consolider ce dispositif vertueux de protection de la propriété intellectuelle des obtentions végétales face au brevet.
La loi et ses prochains décrets d’application sont les éléments essentiels du renforcement du dispositif de soutien à la recherche et l’innovation en France dans le domaine végétal, et de la protection intellectuelle qui permet de garantir l’équilibre des intérêts entre les différents acteurs tout en favorisant la sélection végétale.