Niveau juridique : France
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a publié, le 3 juin 2021, un rapport sur les nouvelles techniques de sélection végétale, sur demande de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Pour rappel, cet office a vocation à réaliser des évaluations et des rapports destinés à éclairer le Parlement (Assemblée nationale et Sénat) sur les conséquences technologiques et scientifiques de leurs décisions politiques. Le président de l’Office, Cédric Villani, le rappelle dans ce rapport : « il ne revient surtout pas à l’OPECST de dicter les choix politiques. Nous sommes ici pour éclairer les choix politiques et non les définir.
Ce rapport, rédigé par le député Loïc PRUD’HOMME (La France Insoumise) et la sénatrice Catherine PROCACCIA (Les Républicains), est fondé en partie sur les discussions conduites durant une audition publique organisée le 18 mars 2021 sur le sujet par l’OPECST (pour un résumé des échanges et débats, voir ICI, voir aussi dans le rapport lui-même).
Après être revenu sur cette audition publique, l’OPECST présente ses principales recommandations (citations) :
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1. L’Opecst soutient la nécessité de ne pas obérer la recherche et de garantir la possibilité de continuer à étudier les NBT, dans un objectif d’intérêt public. Les connaissances scientifiques devraient progresser sur la question de la détectabilité ainsi que sur la possibilité d’une coexistence entre cultures NBT et non-NBT. L’Opecst réaffirme son attachement à l’existence d’un débat public transpartisan examinant les nombreux aspects du sujet - scientifique, économique, politique, sociétal- en considérant les usages avérés des produits issus de ces techniques. L’Opecst constate que les applications aux bénéfices concrets pour les consommateurs ou aux avantages agronomiques utiles pour la transition agroécologique manquent encore, et que leur apparition permettra aux consommateurs de mieux apprécier l’intérêt de cette technique.
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2. L’Opecst souhaite que les conditions d’expérimentation en plein champ soient révisées de manière transpartisane afin qu’elles garantissent à la fois la non-dissémination de plantes issues des NBT et la possibilité d’expérimenter dans des conditions semblables aux conditions réelles de culture, sans craindre une destruction des cultures.
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3. L’Opecst insiste sur la nécessité de réévaluer la directive 2001/18/CE, et souhaite qu’elle soit repensée de manière à ce que l’évaluation du risque nécessaire à l’autorisation d’un produit issu de modification du génome soit fondée sur le produit de cette modification et non sur la technique utilisée, comme il le préconisait déjà dans son rapport de 2017. À tout le moins, la directive doit pouvoir évoluer en fonction des techniques. L’Opecst propose de réaliser une réévaluation régulière de la traduction nationale de la directive, tous les cinq ans (sur le modèle des lois sur la bioéthique), cette réévaluation devant avoir un volet de débat public.
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4. L’Opecst rappelle que l’évaluation des risques doit comprendre les effets sanitaires mais aussi les effets environnementaux liés aux pratiques. Une évaluation systémique, basée sur le produit, ses caractéristiques et son utilisation dans le paysage agricole est nécessaire et ce, que le produit soit issu d’une technique de modification du génome ou non.
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5. Le rapporteur Loïc Prud’homme souhaite que soit imposé le principe d’un étiquetage transparent prenant en compte la nature des procédés utilisés et pas seulement la nature des produits, dont les modalités seront à définir. À l’inverse, le rapporteur Catherine Procaccia souhaite que l’étiquetage reflète les qualités du produit et non son processus d’obtention ; elle estime, en tout état de cause, que la question de l’étiquetage est prématurée.
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6. L’Opecst estime nécessaire de préserver le modèle du Certificat d’obtention végétale pour donner la priorité à la recherche et l’intérêt public.
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7. L’Opecst souhaite que le gouvernement prenne rapidement position sur la question de l’application de la décision de la CJUE, puisqu’il y a désaccord entre son interprétation par la Commission et le Conseil d’État français.
On remarquera que la 5ème recommandation ne fait pas l’unanimité entre les deux rapporteurs. Or, ce point apparaît comme essentiel, tant il illustre une stratégie de déplacement des débats de la technique vers le produit (il faudrait évaluer la finalité du nouvel OGM, et non plus son mode d’obtention, ainsi un nouvel OGM destiné à résister à la sécheresse pourrait être facilement mis sur le marché puisque sa finalité est considérée comme vertueuse, et ce quelque soient les risques liés à son mode d’obtention), et pose la question cruciale de la détectabilité et de la traçabilité de ces nouveaux OGM. Sur ce point, la sénatrice Catherine Procaccia justifie ainsi sa position : « la position de l’OPECST en matière de sélection végétale a toujours consisté à affirmer qu’il convient d’analyser les caractéristiques du produit final, et non son mode d’obtention. S’il est identique à celui obtenu par une sélection traditionnelle, pourquoi susciter la méfiance sur un produit par un étiquetage spécifique ? Qui plus est, il semble anticipé de parler de l’étiquetage aujourd’hui, alors qu’aucun produit issu des NBT ne se trouve sur le marché et que l’on demande une réévaluation régulière de ces techniques. Dans ces conditions, je ne vois pas l’intérêt d’aborder dès à présent cette question de l’étiquetage ».
Le rapport, dans sa version pdf, est disponible ICI.
Le rapport contient aussi en annexes les différentes contributions écrites transmises à l’OPECST, notamment par la Confédération Paysanne, l’Union Française des Semenciers (UFS), la Fédération National des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) et les Instituts techniques agricoles (ACTA).