Niveau juridique : France
Texte de la question :
« M. Sebastien Pla appelle l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, sur l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 7 février 2020 portant sur « les organismes obtenus par mutagenèse ». Celui ci vient d’enjoindre le Gouvernement de soumettre les organismes obtenus par mutagénèse à la réglementation des organismes génétiquement modifiés (OGM) et de prononcer un moratoire sur l’utilisation en France des variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) obtenues par mutagénèse.
En vertu d’une directive européenne du 12 mars 2001, les OGM sont soumis à des procédures d’évaluation des risques et d’autorisation préalables à toute mise sur le marché ou dissémination dans l’environnement et à des obligations d’information du public, d’étiquetage et de suivi. Toutefois, la rédaction actuelle de l’article D. 531-2 A du code de l’environnement conduit à ce que seuls les organismes obtenus par transgénèse soient soumis à des procédures d’évaluation des risques et d’autorisation préalables, en excluant du champ de la réglementation OGM l’ensemble des organismes obtenus par mutagenèse.
Dès lors, et à la suite d’une demande portée par neuf associations et syndicats, le Conseil d’État a tiré les conséquences de l’arrêt du 25 juillet 2018, la Cour de justice de l’Union européenne qui rappelle qu’exclure « du champ d’application de cette directive les organismes obtenus au moyen de techniques/méthodes de mutagenèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps » (…) « n’a pas pour effet de priver les états membres de la faculté de soumettre de tels organismes, dans le respect du droit de l’Union, en particulier des règles relatives à la libre circulation des marchandises édictées aux articles 34 à 36 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), aux obligations prévues par ladite directive ou à d’autres obligations ».
Il lui fait savoir que cette situation créée de très fortes tensions et génère des actions violentes de « faucheurs volontaires » ciblant les entreprises suspectées de produire semences de variétés obtenues par mutagenèse, qui sont apparues ou se sont principalement développées depuis l’adoption de la directive de 2001, et dont le Conseil d’État estime, dans cet arrêt récent, qu’elles « doivent être soumises aux obligations imposées aux OGM par cette directive. [Le Conseil d’État] précise que tel est le cas non seulement de la mutagénèse dirigée mais aussi de la mutagénèse aléatoire in vitro, utilisées notamment pour rendre tolérantes aux herbicides des plantes comme le tournesol ou le colza. »
Il lui demande donc de bien vouloir lui préciser quelles sont les mesures qu’il compte engager pour identifier les variétés de plantes agricoles obtenues par mutagenèse qui ont été inscrites au catalogue officiel des plantes cultivées sans avoir fait l’objet de la procédure d’évaluation des risques applicable aux OGM, alors qu’elles auraient dû y être soumises du fait de la technique utilisée pour les obtenir. »
Texte de la réponse :
« Dans sa décision du 7 février 2020, le Conseil d’État a, d’une part, confirmé que les techniques de mutagénèse dirigée ou d’édition du génome sont soumises aux dispositions de la réglementation relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM), et il a, d’autre part, conclu que les techniques de mutagénèse aléatoire in vitro sur des cellules de plantes sont également soumises aux obligations imposées aux OGM. Le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement de modifier le code de l’environnement dans un délai de six mois afin de revoir en conséquence la liste des techniques de mutagénèse exemptées. Le Gouvernement a préparé un projet de décret et deux projets d’arrêtés afin de répondre aux injonctions du Conseil d’État. Le projet de décret vise à modifier la disposition du code de l’environnement qui liste les techniques de mutagenèse exemptées de la réglementation relative aux OGM, afin de la mettre en conformité avec la décision du Conseil d’État. Les projets d’arrêtés visent à lister les variétés qui seront interdites à la commercialisation et à la mise en culture en France faute d’avoir été évaluées et autorisées au titre de la réglementation relative aux OGM et à annuler l’inscription, au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France, des variétés obtenues par une technique relevant désormais de la réglementation sur les OGM. Il s’agit de variétés de colza tolérantes aux herbicides. Conformément au code de l’environnement, ces projets de textes ont été soumis au haut conseil des biotechnologies qui a publié son avis le 15 juillet 2020. Les projets ont également été notifiés à la Commission européenne en application de la directive (UE) 2015/1535. Ils ont été rendus publics dans le cadre de ces notifications. La Commission, ainsi que cinq États membres, ont émis des avis circonstanciés qui contestent la compatibilité juridique des projets de texte avec la législation de l’Union européenne. Par ailleurs, le Conseil d’État a été saisi, par les organisations à l’origine du contentieux initial, d’un nouveau recours visant à obtenir l’exécution des injonctions de la décision du 7 février 2020. Il devrait se prononcer sur ce recours courant 2021. Concernant l’injonction du Conseil d’État de mettre en œuvre un suivi et un encadrement des variétés rendues tolérantes aux herbicides qui resteront autorisées du fait qu’elles ne sont pas issues de mutagénèse aléatoire in vitro, une habilitation à légiférer par ordonnance figure dans la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche afin de mettre en place les bases législatives nécessaires à la fixation des conditions de traçabilité et d’utilisation des variétés rendues tolérantes aux herbicides. L’ordonnance doit être prise dans un délai de 12 mois à compter de la publication de la loi. Les conditions de traçabilité et d’utilisation des variétés rendues tolérantes aux herbicides seront définies sur la base des expertises de l’institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Des mesures ont été prises pour sensibiliser les agriculteurs à l’égard des pratiques qui sont susceptibles d’induire des risques d’apparition et de développement des résistances des adventices aux herbicides. En effet, le décret n° 2020-1265 du 16 octobre 2020 relatif au conseil à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et à la certification de leurs distributeurs et utilisateurs professionnels prévoit que le conseil stratégique devra notamment viser à limiter les risques d’apparition ou de développement de résistances des adventices aux produits phytopharmaceutiques en cas d’utilisation de variétés rendues tolérantes aux herbicides. »
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