Niveau juridique : France
Texte de la question :
« M. Jean-François Rapin attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur les moyens alloués aux agriculteurs français pour répondre aux nouvelles exigences climatiques. Dans le cadre d’un rapport sénatorial, et à la suite des différents accords internationaux et européens, il soulignait que le respect des engagements pris afin de lutter contre le réchauffement climatique réduisait la capacité productive agricole nationale, au risque de perdre l’excédent agricole à l’horizon 2023. Parallèlement, des pays dont le modèle agricole est bien moins respectueux de ces normes continueront d’exporter leur production vers la France, notamment pour répondre à l’injonction des prix bas, étouffant ainsi les agriculteurs français. Face à ce constat, la recherche scientifique et technologique peine à trouver les moyens suffisants pour avancer dans une direction qui permettrait de restaurer notre puissance productive, sans dégrader les écosystèmes et en s’adaptant aux changements climatiques. Il est désormais plus qu’urgent que la France se dote de véritables moyens d’envergure pour investir dans la recherche en innovation génétique, en robotisation, en agriculture de précision, en alternatives aux intrants (biocontrôles), en adaptation des cultures vulnérables aux aléas climatiques, en alternatives au plastique sur le conditionnement ou encore en gestion de la ressource en eau. Des moyens ont été alloués, notamment dans le cadre du dernier budget pour 2021, mais sont loin d’être suffisants. Il souhaite connaître les intentions du Gouvernement afin d’accompagner davantage les agriculteurs, et les acteurs de la recherche, dans cette transition climatique. »
Texte de la réponse :
Mme la présidente : La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la question n° 1423, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Jean-François Rapin : Monsieur le ministre, je souhaite aujourd’hui vous interpeller sur les moyens alloués aux agriculteurs français pour répondre aux nouvelles exigences climatiques. Comme le soulignait un rapport sénatorial sur la résilience agricole et alimentaire, les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à s’engager dans la voie d’une production plus respectueuse de l’environnement. Cependant, afin de les inciter davantage, les politiques publiques actuelles agissent par la contrainte, en durcissant les normes applicables aux paysans, au détriment de leur compétitivité. Les travaux de mon collègue Laurent Duplomb dressent le constat selon lequel le respect de ces objectifs réduit d’autant plus notre capacité productive agricole, au point que nous risquons de perdre notre excédent dès 2023. Dans le même temps, des pays dont le modèle agricole est bien moins respectueux de ces normes continueront d’exporter leur production vers la France, notamment pour répondre à l’injonction des prix bas, étouffant ainsi les agriculteurs français. On voit déjà d’ailleurs poindre un débat entre producteurs et grandes enseignes de distribution. Face à une telle situation, la recherche scientifique et technologique peine à trouver les moyens suffisants pour avancer dans une direction qui permettrait de restaurer notre puissance productive sans dégrader les écosystèmes et en s’adaptant aux changements climatiques. Comment le Gouvernement envisage-t-il d’améliorer l’accompagnement des agriculteurs, mais aussi des acteurs de la recherche, afin de permettre de trouver une conciliation entre le respect des exigences climatiques et notre souveraineté agricole ? Quel en serait le calendrier d’action ?
Mme la présidente : La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation : Monsieur le sénateur Jean-François Rapin, la question que vous posez est essentielle ; j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer ici. Je salue les travaux de la Haute Assemblée, en particulier de M. le sénateur Laurent Duplomb sur le sujet. La base de l’agriculture et de l’agronomie, c’est l’eau. N’en déplaise à un certain nombre de prophètes, il n’est pas vrai que l’on pourra demain faire sans eau. Nous devons donc affronter aujourd’hui le sujet avec beaucoup de détermination. Le conflit d’usage de l’eau existe depuis que l’homme est sédentaire, c’est-à-dire depuis des millénaires. Premièrement, pour se prémunir contre les aléas du changement climatique, il faut améliorer la gestion de l’eau dans notre pays. C’est l’un des objets du plan de relance et du « mode projet » que j’ai mis en place au sein du ministère de l’agriculture. Nous avons répertorié, territoire après territoire, tous les projets d’eau pour identifier les accompagnements à apporter, toujours dans la concertation avec les fameux projets de territoire pour la gestion de l’eau. Une concertation qui dure huit à dix ans est une mauvaise concertation. La concertation est importante, mais elle doit être canalisée dans le temps, faute de quoi tout le monde s’épuise in fine. Deuxièmement, nous devons accompagner nos agriculteurs dans des investissements de protection ; l’eau, c’est la prévention. Dans le cadre du plan de relance, une ligne de 100 millions d’euros a été mise en place pour financer des équipements de lutte contre les aléas du changement climatique : systèmes d’irrigation individualisée, de performance, de filets anti-grêle, etc. Les dossiers commencent à affluer. Troisièmement, nous devons agir sur la souveraineté agricole. Cela fait écho à ce que j’indiquais à votre collègue Didier Rambaud. Quatrièmement, il faut favoriser la recherche. Ainsi que vous l’avez peut-être vu, mes prises de position sur les New Breeding Techniques (NBT) ont suscité des débats enflammés. D’illustres scientifiques considèrent que ces techniques peuvent constituer une solution pour déterminer comment trouver des plantes plus résilientes face à ces changements. Les NBT sont une accélération de la sélection variétale. Elles permettent d’avoir des plantes qui seraient probablement apparues de manière naturelle, mais en accélérant la sélection variétale. Vous le voyez, mon approche est très pragmatique. Mais c’est la mère des batailles : il n’y a pas d’agriculture possible sans une gestion efficace de l’eau et sans une recherche sur la résilience de nos plantes pour pouvoir affronter les épisodes de sécheresse et, plus généralement, le réchauffement climatique. D’ailleurs, cela vaut aussi pour les arbres et la forêt : les très belles hêtraies de notre pays subissent le réchauffement climatique.
Mme la présidente : La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J’ai évidemment pris bonne note des dispositions proposées en loi de finances pour 2021. J’espère qu’elles seront officiellement actées. Néanmoins, nous sommes toujours demandeurs de plus de crédits. Certes, c’est difficile dans le contexte actuel. Mais, à mon sens, la question est celle des priorités. Fait-on de l’échéance climatique une priorité en termes de recherche et de développement agroalimentaires ? Si oui, il faut y consacrer les moyens. Il faut également aborder la question des prix. Ainsi que je l’ai indiqué, nous voyons la bataille des prix entre producteurs et distributeurs recommencer et atteindre des proportions inédites : certains mots qui sont prononcés me paraissent très violents. La recherche doit donc garantir aux agriculteurs des coûts de production leur permettant de rester compétitifs, afin que la grande distribution puisse également satisfaire le pouvoir d’achat des consommateurs.
Lien vers la page de la question ICI.