Niveau juridique : France
Texte de la question :
« M. Fabrice Brun attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur l’adaptation du droit français en matière de développement des organismes génétiquement modifiés (OGM). Afin de protéger l’environnement, les productions agricoles et la santé des consommateurs d’une introduction non maîtrisée d’organismes génétiquement modifiés (OGM), l’Europe et la France se sont dotées d’un ensemble normatif fort, fondé sur les principes de précaution et de transparence. Ces règles exigent ainsi une utilisation maîtrisée de ces organismes et une information explicite et précise des consommateurs. C’est dans cette perspective que le Conseil d’État a clarifié le champ d’application de la réglementation OGM en donnant un délai de neuf mois à la législation française pour s’y conformer. La haute juridiction administrative a enjoint, le 7 février 2020, au Premier ministre, de modifier le a) du 2° de l’article D. 531-2 du code de l’environnement, en fixant par décret pris après avis du Haut Conseil de Biotechnologies (HCB) la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps. Le délai fixé par le juge administratif a expiré le 7 août 2020, sans qu’aucun décret ne soit publié venant confirmer que les techniques de mutagenèse dirigée et de mutagenèse aléatoire appliquée sur des cultures in vitro de cellules végétales produisent des OGM réglementés. Ce retard porte atteinte au droit d’information légitime des consommateurs par l’étiquetage de leurs achats. Par ailleurs, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) vient de faire part de sa volonté de travailler de manière « dépassionnée et transpartisane sur les nouvelles techniques de génie génétique ». Cette terminaison n’a aujourd’hui aucune définition précise, ni juridique, ni scientifique, contrairement à l’expression consacrée par la législation de « techniques de modifications génétiques ». Pour certains experts cette dénomination, à l’instar des expressions « édition du génome » ou « réécriture du génome », introduirait un certain flou sur les nouveaux OGM développée par l’industrie chimique. Certaines associations de protection de l’environnement ont fait part de leurs inquiétudes légitimes face à cette réflexion qui pourrait à terme se traduire par une démarche de modification de la directive européenne sur les OGM à l’initiative de la France. C’est pourquoi, il lui demande en premier lieu si le Gouvernement entend tirer les conséquences de la décision du Conseil d’État et publier dans les meilleurs délais le décret et les arrêtés nécessaires afin de s’y conformer. En second lieu, il lui demande de bien vouloir préciser les intentions du Gouvernement en ce qui concerne une éventuelle évolution de la définition des OGM au niveau européen afin d’apporter une réponse concrètes aux inquiétudes légitimes des associations. »
Texte de la réponse :
« Dans sa décision du 7 février 2020, le Conseil d’État a, d’une part, confirmé que les techniques de mutagénèse dirigée ou d’édition du génome sont soumises aux dispositions de la réglementation relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM), et il a, d’autre part, conclu que les techniques de mutagénèse aléatoire in vitro sur des cellules de plantes sont également soumises aux obligations imposées aux OGM. Le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement de modifier le code de l’environnement dans un délai de six mois afin de revoir en conséquence la liste des techniques de mutagénèse exemptées. Le Gouvernement a préparé un projet de décret et deux projets d’arrêté afin de répondre aux injonctions du Conseil d’État. Le projet de décret vise à modifier la disposition du code de l’environnement qui liste les techniques de mutagenèse exemptées de la réglementation relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM), afin de la mettre en conformité avec la décision du Conseil d’État. Les projets d’arrêté visent à lister les variétés qui seront interdites à la commercialisation et à la mise en culture en France faute d’avoir été évaluées et autorisées au titre de la réglementation relative aux OGM et à annuler l’inscription, au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France, des variétés obtenues par une technique relevant désormais de la réglementation sur les OGM. Il s’agit de variétés de colza tolérantes aux herbicides. Conformément au code de l’environnement, ces projets de textes ont été soumis au haut conseil des biotechnologies qui a publié son avis le 15 juillet 2020. Les projets ont également été notifiés à la Commission européenne en application de la directive (UE) 2015/1535. La Commission, ainsi que cinq États membres, ont émis des avis circonstanciés qui contestent la compatibilité juridique des projets de texte avec la législation de l’Union européenne. Par ailleurs, le Conseil d’État a été saisi, par les organisations à l’origine du contentieux initial, d’un nouveau recours visant à obtenir l’exécution des injonctions de la décision du 7 février 2020. Il devrait se prononcer sur ce recours courant 2021. Concernant l’injonction du Conseil d’État de mettre en œuvre un suivi et un encadrement des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VTH) qui resteront autorisées du fait qu’elles ne sont pas issues de mutagénèse aléatoire in vitro, une habilitation à légiférer par ordonnance est prévue dans la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche afin de mettre en place les bases législatives nécessaires à la fixation des conditions de traçabilité et d’utilisation des VTH. Ces conditions seront définies sur la base d’expertises en cours. S’agissant des nouvelles techniques génomiques, le Conseil des État membres a demandé à la Commission européenne de conduire une étude, d’ici fin avril 2021, sur le statut de ces techniques dans le droit de l’Union européenne, à la lumière de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 juillet 2018 sur la mutagénèse. En fonction des résultats, la Commission pourrait être amenée à présenter une proposition législative ou à proposer d’autres mesures. L’opportunité d’une éventuelle modification de la réglementation relative aux OGM sera donc examinée au niveau européen lorsque les conclusions de l’étude seront disponibles. »
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