Niveau juridique : Union européenne
Rapport d’information sur la sécurité alimentaire dans l’UE.
Le 2 décembre 2020, les députés André Chassaigne et Catherine Osson ont présenté un rapport d’information sur la sécurité alimentaire dans l’Union européenne. Ce document offre une vision complète de la réglementation et des acteurs en place. Les députés ont cependant une vision très positive de l’action de l’UE en matière de sécurité alimentaire et saluent le travail des agences d’expertise européennes, « dont l’expertise est unanimement reconnue »… Une opinion pourtant difficilement défendable, au vu notamment des nombreuses lacunes qui persistent dans l’évaluation des risques liés aux OGM, conduite par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Extraits tirés de la conclusion du rapport :
« Globalement, vos rapporteurs constatent que l’Union européenne dispose d’une sécurité sanitaire en matière alimentaire particulièrement performante par rapport au reste du monde. Les consommateurs peuvent légitimement avoir une confiance très élevée dans leur alimentation, même si ce n’est paradoxalement pas toujours le cas.
En parallèle, les « scandales alimentaires », qui relèvent désormais la plupart du temps de cas de fraudes impossibles à prévenir intégralement, bénéficient d’une médiatisation importante, liée à l’attention croissante que les consommateurs portent sur leur alimentation. Ces scandales ne sont pas pour autant révélateurs d’une résurgence massive des cas de dysfonctionnements en matière de sécurité alimentaire. Cette situation est permise par une législation alimentaire européenne particulièrement précise et efficace.
En outre, l’Union européenne dispose également d’agences scientifiques dont l’expertise est unanimement reconnue, tant au niveau national qu’européen. C’est sur cette base scientifique que sont prises les décisions publiques visant à assurer une sécurité alimentaire toujours plus performante. Il s’agit là d’un acquis précieux, qu’il faut valoriser et maintenir, malgré un financement encore insuffisant pour assurer une totale transparence dans les études scientifiques et pour permettre d’explorer en profondeur les nouveaux enjeux sanitaires qui seront essentiels pour l’avenir.
Toutefois, vos rapporteurs tiennent à souligner deux difficultés principales qu’ils ont identifiées. D’abord, cette législation ne peut être efficace sans des moyens suffisamment importants pour la mettre en œuvre. Or, il apparaît que les systèmes nationaux de contrôle de la sécurité des aliments sont non seulement très hétérogènes en termes de structuration mais aussi insuffisamment dotés en moyens pour être totalement efficaces. Le système français, particulièrement complexe et dont les moyens n’ont cessé de décroître depuis les années 2010, est en cela une bonne illustration.
Plus généralement, vos rapporteurs ont constaté une importante rupture entre l’amont de la filière, réglementé par la PAC, et l’aval (transformation, distribution), réglementé par la législation alimentaire générale. L’objectif d’une politique européenne « de la ferme à la table » reste encore, de ce point de vue, largement théorique. La PAC doit véritablement devenir une politique agricole et alimentaire commune (PAAC), prenant en compte l’ensemble de la filière, pour assurer une production durable, une véritable traçabilité des produits et des contrôles harmonisés. »
Lien vers le rapport d’information disponible ICI.
Proposition de résolution européenne sur la sécurité alimentaire.
En parallèle de l’enregistrement de ce rapport d’information, les deux députés ont également déposé une proposition de résolution européenne sur la sécurité alimentaire dans l’U, composé d’un article unique :
-
« Sur la traçabilité des produits agroalimentaire et l’information donnée aux consommateurs
1. Constate que, si la traçabilité des produits est globalement assurée, certains opérateurs de la filière agroalimentaires continuent à avoir des difficultés à démontrer une totale traçabilité des produits tout au long de la chaine,
2. Remarque que les Etats membres peuvent également avoir des difficultés à établir une chaine de traçabilité des produits alimentaires, comme dans le cas des œufs contaminés au fipronil en 2017,
3. Regrette que le système expert de contrôle des échanges de l’Union européenne (TRACES) soit insuffisamment coordonné avec le système d’alerte rapide pour les denrées alimentaires (RASFF),
4. Appelle à une accélération des travaux européens autour de l’étiquetage de l’origine géographique des produits alimentaires, afin d’aller au-delà des possibilités données par le règlement n°1169/2011 et des expérimentations en cours dans certains Etats membres,
5. Demande à la Commission européenne de favoriser la mise en place d’un « QR code » sur les produits alimentaires, permettant, en complément de l’étiquetage, de disposer de l’ensemble des informations relatives à la traçabilité sans surcharger les étiquettes,
-
Sur l’organisation et les moyens attribués aux contrôles et aux autorité nationales de surveillance sanitaire
6. Suggère de supprimer les dérogations permettant à certains établissements agroalimentaires, grâce au règlement n°178/2002, de ne pas être soumis à la procédure d’agrément, dérogation qui grève l’efficacité globale des plans de contrôle,
7. Propose à la Commission européenne d’examiner la possibilité d’utiliser les nouvelles technologies, notamment la Blockchain et l’intelligence artificielle, pour assurer des contrôles prédictifs dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments,
8. Juge indispensable de créer une « police sanitaire européenne » qui irait au-delà du simple contrôle par audits, avec des prérogatives relatives à la répression des fraudes,
9. Demande à ce que les autorités nationales de contrôle soient contraintes de publier les résultats des inspections,
10. Constate les différences majeures qui existent entre les Etats membres dans la structuration et l’organisation des autorités publiques nationales chargées du contrôle sanitaire des aliments et la faible lisibilité qui en résulte,
11. Propose donc que des travaux européens soient engagés en vue de l’harmonisation des systèmes nationaux de surveillance des denrées alimentaires,
12. Remarque que les autorités européennes et nationales ont des difficultés importantes pour assurer la traçabilité et la sécurité sanitaire des aliments importés depuis des pays tiers,
13. Considère que l’arsenal juridique et technique dont dispose l’Union européenne pour réaliser les contrôles des denrées importées d’Etats tiers reste très insuffisant,
14. Demande en conséquence que l’Union se dote à la fois de moyens techniques et financiers spécifiques pour le contrôle de la conformité des produits agroalimentaires importés et d’une liste publique et actualisée des Etats tiers vis-à-vis desquels les contrôles aux frontières seraient renforcés et pour lesquels des interdictions d’importation pourraient être prononcées rapidement en cas de traçabilité jugée insuffisante,
-
Sur l’articulation entre la politique agricole commune et la législation alimentaire générale
15. Constate la forte coupure qui existe entre l’amont de la filière alimentaire, régi par la politique agricole commune, et l’aval, régi par la législation alimentaire générale,
16. Juge que cette segmentation nuit à la totale intégration de l’ensemble de la filière agroalimentaire dans la politique de sécurité sanitaire et donc à l’application de l’approche « de la ferme à la table »,
17. Demande en conséquence à ce que soit créée une véritable « politique agricole et alimentaire européenne », qui permette notamment une meilleure prise en compte des enjeux sanitaires au sein de la politique agricole commune,
-
Sur l’expertise scientifique relative à la sécurité sanitaire des aliments
18. Constate que le règlement n°2019/1381 a permis de commencer à accroître la transparence de l’expertise scientifique européenne dans le domaine alimentaire,
19. Souligne que l’activité de l’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) est de plus en plus accaparée par les demandes de mise sur le marché de produits agroalimentaires formulées par les industriels de ce secteur,
20. Constate également la dépendance croissante de l’EFSA vis-à-vis de la recherche privée, du fait d’une spécialisation de plus en plus importante de cette recherche,
21. Regrette que le budget alloué à l’EFSA ne lui permette pas de disposer en interne d’une expertise suffisamment développée pour réduire sa dépendance vis-à-vis des acteurs privés de la recherche,
22. Propose, pour y faire face, de développer la contribution financière au budget de l’EFSA des industriels soumissionnaires lui demandant un avis scientifique,
23. Demande également à ce que les travaux de l’EFSA ne soient pas uniquement orientés par les demandes des industriels, mais puissent également prendre en compte trois enjeux d’avenir : les « effets cocktails », la présence de nanomatériaux dans l’alimentation et les « nouveaux aliments »,
24. Suggère de clarifier la répartition des compétences entre l’EFSA et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et de mettre en œuvre l’approche « une substance, une évaluation » en déléguant la compétence de l’expertise sur l’ensemble des produits chimiques, y compris à vocation alimentaire, à l’ECHA,
-
Sur l’éducation à l’alimentation et le gaspillage alimentaire
25. Se réjouit que l’Union européenne consacre à l’éducation à l’alimentation plusieurs programmes et des crédits spécifiques,
26. Constate toutefois que les approches des Etats membres sur la question de la nutrition et de l’éducation alimentaire continuent à diverger,
27. Souligne également que ces programmes éducatifs sont orientés sur les aspects nutritifs et délaissent l’éducation à la sécurité sanitaire des aliments et à la lutte contre le gaspillage alimentaire,
28. Propose, en conséquence, de compléter les programmes européens d’éducation à l’alimentation en ajoutant l’éducation à la sécurité sanitaire des aliments, à l’économie circulaire et à la lutte contre le gaspillage alimentaire et en y adjoignant des financements spécifiques,
29. Soutient le « paquet déchets » présenté par la Commission européenne en mars 2017 ainsi que la mise en place de la plateforme de lutte contre le gaspillage alimentaire et les objectifs présentés dans la stratégie « de la ferme à la table »,
30. Constate toutefois la persistance de fortes différences entre les Etats membres en matière de législation sur le gaspillage alimentaire,
31. Propose, en complément, une refonte du calcul et de la présentation sur les produits des dates de péremption, source d’importants gaspillages, en remplaçant les intitulés actuels par « à consommer impérativement avant le » et « est meilleur jusqu’au »,
32. Demande la définition d’une nouvelle « directive anti‑gaspillage alimentaire » visant à renforcer les sanctions relatives à la destruction des invendus, à sensibiliser les ménages et les entreprises, à faciliter le don de produits alimentaires et à renforcer le contrôle de la qualité de ces dons. »
Lien vers la proposition de résolution disponible ICI.