Niveau juridique : Union européenne
La Commission européenne a adopté, le 16 septembre 2020, un règlement délégué qui modifie la Partie I de l’Annexe II du nouveau règlement européen « de base » sur l’agriculture biologique n°2018/848 (pour un rappel des nouveautés apportées par ce nouveau texte dans le domaine des semences, voir la fiche veille 2219 et la synthèse des actualités juridiques d’avril-mai 2018). C’est à travers l’article 12 du règlement de base que les législateurs européens (Parlement et Conseil des Ministres de l’UE) avait habilité la Commission a modifier les règles précises d’utilisation des semences en agriculture biologique (fixées à l’Annexe II du règlement de base). C’est chose fait, donc.
Version initiale de l’Annexe II contenue dans le règlement de base sur l’agriculture biologique :
Avant l’adoption de ce règlement délégué, l’Annexe II telle qu’elle était rédigée dans le règlement de base prévoyait une obligation pour les agriculteurs bio d’utiliser du matériel biologique de reproduction des végétaux. Il s’agit là d’une des nouvelles règles centrales apportées par le nouveau règlement européen sur l’AB.
Les législateurs avaient aussi précisé que si les semences biologiques étaient indisponibles en quantité et qualité suffisante sur le marché européen, les agriculteurs bio pouvaient utiliser OU des semences et plants en conversion, OU du matériel de reproduction non biologique, sous réserve de l’obtention d’une dérogation.
Afin de connaître l’état de l’offre en semences biologiques et en conversion dans le territoire de l’UE pour chaque espèce, le nouveau règlement bio prévoit la mise en place de bases de données publiques par chaque État membre, qui informeraient les agriculteurs sur la quantité, en poids, de matériel disponible et la période de l’année où il est disponible (article 26 du règlement n°2018/848)(cette disposition du règlement de base reste inchangée).
Nouvelle version de l’Annexe II modifiée par la Commission européenne par règlement délégué :
Avec le règlement délégué de la Commission du 16 septembre 2020, le texte de l’Annexe II change légèrement. Le raisonnement se fait désormais non plus en deux mais en trois temps :
1) L’agriculteur bio a l’obligation d’utiliser du matériel de reproduction biologique (jusqu’ici, rien ne change).
2) Mais si les besoins en semences et plants bio ne peuvent être satisfaits sur le marché européen, il pourra utiliser du matériel de reproduction en conversion biologique.
3) Ce n’est que si la disponibilité en matériel en conversion est elle aussi insuffisante qu’il pourra utiliser des semences et plants non biologiques.
La Commission créé ainsi un système en trois strates successives et priorité est donnée à l’utilisation de matériel en conversion de reproduction des végétaux par rapport à l’utilisation de matériel non biologique de reproduction des végétaux. Ce dernier ne doit et ne peut être utilisé qu’en dernier recours et en demandant une dérogation.
Le règlement délégué de la Commission européenne modifie d’ailleurs les conditions d’octroi de ces dérogations. Elle affirme qu’en dépit « des efforts déployés par les opérateurs concernés par la production de matériel biologique de reproduction des végétaux, il existe encore de nombreuses espèces, sous-espèces ou variétés pour lesquelles aucun matériel biologique et en conversion de reproduction des végétaux n’est disponible et pour lesquelles il est nécessaire de simplifier le processus d’octroi des autorisations en réduisant la charge administrative sans mettre en péril le caractère biologique des produits ». Par conséquent, alors que les autorisations étaient censées n’être accordées aux agriculteurs que de manière individuelle et pour une saison de culture, la Commission prévoit désormais que les États membres peuvent délivrer des dérogations générales et nationales qui dispenseraient en une seule fois l’ensemble des agriculteurs du pays d’utiliser des semences bio ou en conversion pour telle ou telle espèces ou variété.
Concrètement, le règlement délégué de la Commission précise que chaque État membre établit une liste officielle (réactualisée chaque année) des espèces, sous-espèces ou variétés pour lesquelles il est établi que les semences biologique ou en conversion sont disponibles en quantités suffisantes et pour les variétés appropriées sur leur territoire. Les espèces, sous-espèces ou variétés non présentes dans cette liste pourront faire l’objet de dérogation générale qui s’appliqueront à tous les agriculteurs du territoire. Chaque État membre publiera ensuite chaque année une liste des espèces et variétés pour lesquelles une autorisation générale a été accordée. Cette liste est accessible au public.
Application de ces règles sur le territoire de l’UE :
Ces règles - ainsi que l’ensemble du règlement de base n°2018-848 - s’imposeront à tous les agriculteurs bio dans leur choix de semences à compter du 1er janvier 2022. Mais elles n’ont vocation a s’appliquer que jusqu’au 31 décembre 2036. D’ici là, les décideurs européens tablent sur un développement de l’offre commerciale sur le marché des semences biologiques afin de couvrir les besoins des agriculteurs bio européens. A compter du 1er janvier 2037 donc, plus aucune dérogation n’est censée être délivrée pour l’utilisation de semences non biologiques (article 53 du règlement n°2018/848).
Lien vers la page du règlement délégué de la Commission ICI
Lien vers l’acte rectificatif du 29/12/2020 &from=FR) ICI.