Niveau juridique : France
Discours pro-NBT.
Jeudi 5 novembre 2020, l’Union française des semenciers (UFS) a tenu sa 11ème assemblée générale publique. Cette organisation regroupe 135 entreprises semencières françaises et constitue un fervent partisan des nouvelles techniques de sélection génétiques (NBT). Lors de cette journée (retransmise en direct en vidéo), les invités ont, sans suprise, développé de longues tirades, encensant les NBT, dénonçant l’arrêt de la Cour de justice de l’UE du 25 juillet 2018 et appelant à une réforme de la règlementation européenne sur les OGM.
Notons par exemple l’envolée remarquée de Dominique Reynié, invité sur le plateau de l’UFS. Interrogé sur l’arrêt de la CJUE sur la mutagenèse, le politologue libéral répond : « Pour moi c’est un désastre, c’est un objet de mélancolie même, de tristesse. Nous sommes un pays de grande tradition dans le génie agronomique, un pays d’inventeur, et on se prive d’une de nos plus grandes ressources : la puissance de l’esprit. » Rien de très étonnant, quand on sait que ce professeur à Sciences politiques est aussi président de la fondation Fondapol ("Fondation pour l'innovation politique", présentée comme un « Think Thank libéral, européen et progressiste »), laquelle a publié une série d’études très favorables aux biotechnologies et aux produits d’édition du génome, sous la direction scientifique de la chercheuse Catherine Regnault-Roger (voir ICI sur le site de la fondation).
Des échos au sein du rapport d’activité 2019-2020 de l’UFS.
Des déclarations à mettre en perspective avec le rapport d’activité 2019-2020 de l’UFS, publié quelques jours plus tard, le 10 novembre 2020. Quelques extraits sur les thématiques qui nous intéressent :
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Décret mutagenèse : « Alors que l’imbroglio juridique se poursuit, l’UFS et ses 27 partenaires [membres du collectif Collectif pour l’innovation variétale] maintiennent leur mobilisation en faveur d’un contexte réglementaire européen et national favorable à l’innovation en matière d’amélioration des plantes. […] L’UFS a souligné à plusieurs reprises l’insécurité juridique et les impacts économiques d’un tel projet de [décret], tant sur le plan national qu’international, pour la filière oléoprotéagineuse. »
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Transparence sur les méthodes de sélection lors de l’inscription au catalogue : « L’UFS s’est associée à la consultation mise en place par le CTPS pour déployer une typologie des sources de variabilité génétique utilisées dans le processus de sélection variétale. »
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Variétés biologiques adaptées à la production biologique : « L’UFS rappelle que l’exclusion de certaines méthodes de sélection, prônée par quelques parties prenantes, priverait les sélectionneurs d’outils précieux et indispensables pour apporter des solutions adaptées aux multiples enjeux de l’agriculture biologique. »
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Refonte de la réglementation européenne sur les OGM : « L’UFS s’associe aux appels du Collectif pour l’innovation variétale en faveur d’une refonte d’une réglementation européenne devenue obsolète et source d’insécurité juridique. »
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Accès et partage des ressources génétiques : « Pour atteindre les objectifs de la Convention internationale et soutenir les objectifs de développement durable, les semenciers estiment que le DSI [informations de séquençage] ne doivent pas être concernées par le partage des avantages au risque d’entraver le développement du partage d’information et in fine, de la recherche. »
Conclusions du Ministre de l’agriculture, Julien Denormandie.
Invité à clôturer cette journée, le Ministre de l’agriculture Julien Denormandie, s’est d’abord exprimé sur les NBT, qu’il qualifie de « sujet sociétal très sensible » :
« Nous devons en tenir compte, et expliciter de quoi il s’agit. Parfois ce sujet conduit à des destructions aveugles de parcelles d’essai, et là je veux être très clair : ces actes sont injustifiés et ces actes doivent être condamnés fermement. Je le fais une nouvelle fois devant vous. Du fait des conclusions de la Cour de Justice de l’UE publiées en juillet 2018 concernant le statut juridique de ce nouvelles techniques, celles-ci sont désormais soumises aux obligations de la réglementation OGM, qui elle, date de près de deux décennies. L’arrêt de la Cour pose ainsi la question de l’adéquation de la réglementation actuelle à l’évolution de ces techniques. Alors je suis conscient des enjeux liés à ces techniques d’une part, et à leur statut juridique, d’autre part, pour la capacité d’innovation en amélioration végétale, et la compétitivité de la filière et le soutien à cette expertise française. Ces techniques, elles peuvent faire gagner énormément de temps, là où il faut actuellement près de 10 ans pour développer une nouvelle variété. Elles sont donc extrêmement utiles. Je souhaite à cet effet que le cadre juridique permette de continuer à innover en matière de sélection variétale, dans un objectif, évidemment, de sécurité sanitaire et environnementale. Mais aussi dans un objectif d’une agriculture plus durable. Et donc je suivrai avec une grande attention les résultats de l’étude menée par la Commission européenne d’ici avril 2021 sur le statut juridique de ces nouvelles techniques de génie génétique, nécessaire pour identifier des solutions au niveau européen, la situation actuelle n’étant pas satisfaisante, avec un cadre juridique qui n’est plus adapté au cadre technique et qu’il nous faut donc faire évoluer. »
Julien Denormandie poursuit en affirmant que le Ministère de l’Agriculture, en partenariat avec l’UFS et le GNIS, participe activement à la conservation des ressources phytogénétiques sur le territoire national :
« Il faut, certes, beaucoup d’innovation. Mais il faut avant tout conserver le fonds commun de ces innovations que sont les ressources phytogénétiques. Alors mon Ministère contribue au financement de la cellule nationale de coordination pour les ressources phytogénétiques, ainsi qu’à des appels à projet pour soutenir des collections. Nous venons par exemple de lancer un nouvel appel à projet doté de près de 400 000 euros à cet effet. Par ailleurs, sera mis en place d’ici la fin de l’année (au plus tard au début 2021), un fonds de dotation de soutien aux ressources phytogénétiques. L’UFS, mais aussi le GNIS et d’autres secteurs ont prévu d’y contribuer financièrement et en tant que membres fondateurs. Enfin, une dynamique est désormais instituée au niveau national, avec la reconnaissance officielle des gestionnaires de collections et le versement de ressources phytogénétiques en collection nationale, pour lesquelles les acteurs privés ont une part importante à jouer. Cette implication des acteurs privés permettra également de montrer au niveau international l’attachement du secteur semencier français à la thématique de conservation et d’utilisation des ressources phytogénétiques. »
Enfin, il annonce une enveloppe de 5 millions d’euros, prévue dans le cadre du plan de relance du Gouvernement, consacrée au développement de nouvelles variétés de plantes riches en protéines.
Lien vers le programme de cette AG et vers les enregistrements vidéos des différentes allocutions ICI sur le site internet de l’UFS.