Niveau juridique : France
Dans sa décision du 7 février 2020 dans l’affaire des VrTH (pour un résumé des tenants et aboutissants, voir la synthèse des actualités juridique de janvier-février 2020), le Conseil d’Etat a notamment enjoint au Gouvernement français de modifier l’article D.531-2 du Code de l’environnement afin de revoir la liste des techniques de mutagénèse exemptées de la réglementation OGM, après avis du Haut Conseil des biotechnologies. Le HCB a donc été saisi le 2 juillet 2020 du projet de décret, ainsi que des deux projets d’arrêtés en lien. (NOTA : ces projets de texte ont parallèlement été notifiés à la Commission européenne, qui a jusqu’au 7 août pour rendre son avis – voir fiche veille n°2998).
Le Comité scientifique et le Comité économique, éthique et social (CEES), récemment re-formé, ont tous deux été sollicités dans l’urgence, le délai de 6 mois accordé par le Conseil d’État au Gouvernement pour adopter un texte expirant le 7 août, et 1 mois de consultation du public préalable étant requis…
En raison de ce manque de temps, le bureau du HCB a réduit considérablement le champs de la saisine, pour se limiter aux aspects biologiques (Comité scientifique) et aux aspects juridiques (Comité économique éthique et social). La méthodologie adoptée est aussi discutable sur le plan du dialogue démocratique, car les deux avis ont été tous les deux préparés par des « groupes de travail » constitués de « membres sélectionnés pour leur expertise », l’ensemble des comités n’ayant eu voix au chapitre que lors d’une courte session d’échange en séance. Cette façon de faire est dénoncée par les membres du CEES représentant la société civile et agricole récemment revenus en son sein (Confédération paysanne, Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), France Nature Environnement (FNE), les Amis de la Terre et Union Nationale de l’Apiculture Française).
Le bureau du HCB donc soumis au Comité scientifique (CS) la question suivante « Sur le plan biologique, en quoi la mutagenèse aléatoire in vitro telle que définie par le décret se distingue-t-elle des autres techniques de sélection végétale ? » La formulation de la question est déjà en soi problématique, car elle a réduit la portée de la saisine aux seules considérations biologiques, faisant fi des interactions entre la plante et son milieu. Sans surprise, le Comité scientifique du HCB reprend donc la conclusion qu’il avait déjà développé dans son avis de 2016 : pour lui, il n’existe pas « de différences biochimiques entre les mutations,qu’elles soient obtenues par mutagenèse aléatoire in vitro, in vivo, ou spontanément, sur cellules isolées ou entités pluricellulaires. Il n’y a pas non plus de différences entre les phénotypes induits par ces techniques. Seules leur probabilité d’obtention et leur facilité de sélection varient. ». Il conclue aussi « qu’en l’absence de différences à l’échelle moléculaire, et dans le cadre actuel des moyens de contrôle reposant sur des techniques de biologie moléculaire, la traçabilité et l’attribution de mutations à une technique donnée d’obtention seraient très compliquées. », ignorant toute possibilité de traçabilité documentaire (comme cela peut se faire dans d’autres domaines). Le CS va même jusqu’à « [regretter] que le projet de décret se focalise sur la dangerosité d’un ensemble de techniques sans fondement scientifique, et sans aborder l’impact environnemental, voire les conséquences économiques, éthiques et sociales potentielles des traits générés, quelle que soit leur méthode d’obtention. » !!
Le comité économique, éthique et social (CEES) s’est lui vu attribué la question suivante : « Sur le plan juridique, le projet de décret permet-il l’application de la décision du Conseil d’État et de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ? ». Cette question laisse complètement de côté les aspects éthiques, environnementaux et sociétaux du décret, ce qui est pourtant le cœur de son mandat… Sur le fond, le CEES juge le texte conforme au droit de l’Union et aux prescriptions du Conseil d’État, même s’il soulève quelques ambiguïtés et/ou insuffisances. Il souligne ainsi que la notion de mutagénèse aléatoire in vitro, ajoutée par le décret à la liste des techniques entrant dans le champs d’application de la directive 2001/18 relative aux OGM, ne fait l’objet d’aucune définition juridique. Il regrette que rien ne soit précisé concernant la commercialisation des récoltes des cultures semées ou implantées avant sa publication (autorisées par dérogation, à être menées à terme).
Enfin, le CEES fait remarquer que ce décret n’est pas suffisant pour satisfaire totalement aux exigences du Conseil d’État, qui imposait aussi au Gouvernement de prendre, dans les six mois « les mesures nécessaires […] en matière d’évaluation des risques liés aux VrTH » et de solliciter la Commission européenne pour obtenir l’autorisation de prescrire des conditions de culture spécifiques pour les VrTH issues de la mutagenèse utilisées en France.
Lien vers la page des avis sur le site du HCB ICI
Lien vers l’avis du Comité scientifique ICI
Lien vers l’avis du Comité économique, éthique et social ICI
Communiqué de presse conjoint de la Confédération paysanne, la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB), France Nature Environnement (FNE), les Amis de la Terre et l’Union Nationale de l’Apiculture Française, disponble ICI sur le site de la Confédération paysanne.