Niveau juridique : France
Discussion sur l’amendement n° 125, présenté par MM. Montaugé, Tissot, M. Bourquin, Raynal, Kanner et Éblé, Mme Artigalas, MM. Botrel et Carcenac, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Guillemot, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Grelet-Certenais et G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Préville et Monier, MM. Sueur, Temal, Todeschini et les membres du groupe socialiste et républicain, visant à instaurer une Mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », créant un fond de soutien exceptionnel pour le secteur de l’horticulture et des pépinières de 150 000 000€.
Extraits des débats :
« M. Jean-Claude Tissot. Le présent amendement vise à créer un fonds de soutien, doté de 150 millions d’euros, en faveur d’un secteur particulier, celui de l’horticulture et des pépinières, dans le cadre des mesures d’urgence prises pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
La filière réalise de 50 % à 80 % de son chiffre d’affaires entre le 15 mars et le 1er juin. Les conséquences de la crise actuelle sont donc très importantes pour elle. Or, si le Gouvernement a consenti à rouvrir les lieux de vente comme les jardineries ou les pépinières pour la commercialisation de semences et de plants potagers, il refuse toujours de le faire pour la vente de fleurs et d’arbustes. La filière chiffre ainsi les pertes potentielles dues à la crise entre 600 millions et 800 millions d’euros.
Les auteurs de cet amendement souhaitent donc apporter une aide exceptionnelle à cette filière qui, à la différence d’autres secteurs, ne retrouvera pas ses stocks à la sortie du confinement. En effet, les plantes d’ornement sont vouées à la destruction si elles ne sont pas vendues dans les périodes où elles arrivent à maturité.
Il est proposé, dans un premier temps, de doter ce fonds de 150 millions d’euros et de flécher ces aides sur les situations d’urgence, à savoir sur les entreprises dont la perte d’activité et de revenus subie remettrait en cause la survie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les difficultés de cette filière sont réelles et particulières, car l’arrêt total de l’activité et, donc, la mise en place du chômage partiel ne sont pas possibles. Il faut bien arroser les plantes, par exemple…
L’urgence est moins de créer un fonds de soutien que de rouvrir les points de vente. Je m’étonne, à cet égard, que les grandes surfaces puissent vendre des plantes tandis que les jardineries, étrangement, sont fermées. Il y a un problème de cohérence des arrêtés de fermeture.
(…)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En cette période où de nombreux Français ont le temps de s’intéresser à leur jardin, il serait vraiment utile de permettre la réouverture des jardineries et des boutiques de fleuriste, dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Il n’y a pas plus de risques à se rendre dans une jardinerie, où l’on circule à l’air libre, que dans un hypermarché. La réouverture des points de vente est la meilleure réponse à apporter pour soutenir la filière !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Vous me permettrez de ne pas ouvrir le débat, à cet instant, sur la liste des établissements pouvant continuer à recevoir du public. Les choses ont évolué dans un sens qui était souhaité par beaucoup, avec des préconisations avant tout d’ordre sanitaire.
Sur l’amendement n° 125, l’avis est défavorable, pour les raisons évoquées précédemment. Les ministères de l’agriculture et de l’économie et des finances sont mobilisés sur ce sujet. La création d’un fonds d’urgence ne semble pas justifiée, même si le Gouvernement est conscient des difficultés spécifiques de la filière.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Mon département est très concerné par ce problème, comme celui de M. le rapporteur général, avec qui je suis en complet accord. La création d’un tel fonds serait une très bonne chose, mais, puisque la réponse sur ce point est négative, il serait très important de permettre la réouverture des points de vente traditionnels, mesure qui ne coûterait rien.
Chacun sait que, aujourd’hui, les arbustes et les fleurs sont en vente dans les hypermarchés, les grandes surfaces. Quant aux jardineries, elles peuvent commercialiser des semences et des plants potagers, mais pas des fleurs ou des arbustes,…
(…)
M. Jean-Pierre Sueur. … ce qui plonge la filière horticole dans un très grand désarroi, car c’est en ce moment qu’il lui faut vendre sa production !
Les horticulteurs pointent les incohérences du Gouvernement sur ce sujet. Il n’est en effet pas plus dangereux de circuler en plein air dans une pépinière que dans un hypermarché. Il y a là une injustice profonde et une situation de concurrence déloyale.
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, je ne sais pas tout, mais je sais votre pouvoir de conviction ! Personne ne comprendrait que le Gouvernement, notamment le ministre de l’agriculture, continue à refuser cette mesure de bon sens demandée par tous les professionnels de l’horticulture.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Tissot. Monsieur le secrétaire d’État, au départ, seules les jardineries vendant aussi des aliments pour les animaux domestiques étaient autorisées à ouvrir. Les producteurs spécialisés uniquement dans le muguet, par exemple, vont connaître de grandes difficultés… Il suffirait d’autoriser la réouverture de toutes les jardineries.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Les jardineries, dans leur grande majorité, sont aujourd’hui ouvertes. Les horticulteurs ont également le droit d’ouvrir leurs serres et de vendre au public. On a donc desserré l’étau ! Jean-Claude Tissot le sait, la commission des affaires économiques a beaucoup travaillé en ce sens. On peut désormais se rendre dans les jardineries pour y acheter, en même temps que des plants de tomates, des plantes vivaces, des suspensions…
Je voudrais revenir sur la prétendue concurrence déloyale de la grande distribution. Heureusement que les grandes surfaces vendaient des plantes vivaces quand tous les autres commerces étaient fermés ! Des producteurs locaux sont allés à la rencontre des responsables des magasins Intermarché, Super U, Leclerc, etc., qui ont mis en vente une partie de leur production. Plutôt que d’interdire ce qui est autorisé, il faut rouvrir les points de vente habituels ; c’est ce qui a été fait.
La création d’un fonds de soutien ne se justifie pas vraiment, sauf dans une perspective très ponctuelle. Pour ce qui est du muguet, je rejoins Jean-Claude Tissot : sa vente à la sauvette ne sera pas autorisée, mais on pourra en acheter partout ailleurs, y compris chez les boulangers !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. En tant qu’élu du Maine-et-Loire, je suis particulièrement attentif à cette question complexe.
Le problème ne tient pas tant à la concurrence des grandes surfaces – heureusement qu’elles étaient là lorsque le Gouvernement a autorisé la vente des plants potagers, puis celle des fleurs – qu’au manque de clarté des règles pour le public, qui ne sait pas qui a le droit de vendre quoi. On a commencé par autoriser la vente des plants potagers, puis, par une forme de tolérance, on a accepté que les mêmes commerçants vendent aussi des fleurs.
Il faudrait dire aux gens, une bonne fois pour toutes, qu’il est permis de vendre des plants potagers et des fleurs. Dans un premier temps, seules les jardineries commercialisant aussi des aliments pour les animaux étaient autorisées à vendre des plantes. Les autres jardineries et les fleuristes ont fermé, alors même que les boulangers vont pouvoir vendre du muguet !
La première chose à faire serait donc d’autoriser les fleuristes à rouvrir leur commerce, afin de permettre à la filière d’avoir des débouchés et aux horticulteurs de vivre de leur travail. C’est très important pour des bassins horticoles tels que ceux du Maine-et-Loire.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Les jardineries ont effectivement obtenu de pouvoir ouvrir, mais il faut aussi évoquer la situation des horticulteurs et des pépiniéristes indépendants, dont un grand nombre travaillent en extérieur. Il serait simple de les autoriser à ouvrir, sous réserve bien sûr que les mesures de sécurité sanitaire soient respectées ; il n’y aurait alors pas besoin d’un fonds de soutien. Il n’est pas trop tard pour prendre cette décision, mais il ne reste que quelques jours pour sauver leur production ! Ces professionnels ne demandent qu’à pouvoir faire leur travail. Vous avez un rôle à jouer dans cette affaire, monsieur le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. La problématique des jardineries varie peut-être d’un département à l’autre, mais il n’en reste pas moins que les préfets ont reçu des consignes quant à l’ouverture ou non de ces commerces. Certaines jardineries ne sont ouvertes que quelques heures par jour, en respectent tout à fait les mesures de sécurité sanitaire. Des fleuristes qui ont dû fermer du jour au lendemain ont subi de lourdes pertes, tandis que les jardineries vendant aussi de la nourriture pour animaux avaient le droit d’ouvrir…
Je suis favorable, en la matière, à des mesures d’assouplissement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 125.
(L’amendement n’est pas adopté.) »
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