Niveau juridique : France
Texte de la question :
« Mme Laurence Cohen attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur le risque de contamination aux organismes génétiquement modifiés (OGM) des endives se trouvant dans nos supermarchés, y compris celles issues de l’agriculture biologique, sans que cela soit indiqué par aucun étiquetage. Ces « OGM cachés » sont cultivés et commercialisés en toute légalité, sans que personne ne soit au courant.
L’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a rappelé dans un rapport de novembre 2019 que les premiers travaux de recherche sur la tolérance des endives aux herbicides, pionniers, datent de 1987. Aujourd’hui, l’ANSES estime que 20 % des surfaces de cultivation d’endives possèdent des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH), soit 1 600 hectares. Ces VRTH sont accusées d’être des « OGM cachés » par la confédération paysanne.
Face aux accusations, le directeur des plantes de l’union française des semenciers prétend que : « ces endives sont effectivement issues de la technique de la fusion cellulaire entre un tournesol et une chicorée. Mais cette technique n’entre pas dans le champ d’application de la directive OGM car le tournesol et la chicorée, deux espèces de la même famille botanique, peuvent se croiser dans la nature et donner des graines ». Mais il semble oublier que ces manipulations génétiques opérées par l’homme, forcées et trop rapides, n’ont strictement rien à voir avec le processus de transfert naturel de gènes, qui, lui, a lieu sur une échelle beaucoup plus grande et s’opère de manière aléatoire, comme le rappelle un généticien moléculaire de l’université Paris-sud, président du conseil scientifique du comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN).
La cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a indiqué, dans un arrêt du 25 juillet 2018, que toutes les semences issues de techniques de manipulation génétique devaient être soumises « aux mêmes évaluations, autorisations, traçabilité et étiquetage que les semences transgéniques ». Mais, depuis, aucune enquête n’a été effectuée, aucune mesure n’a été prise en France et il n’y a donc pas moyen de savoir si les produits sont effectivement OGM ou non.
Ainsi, elle lui demande quelles actions il entend mettre en place pour respecter l’arrêt de la cour de justice de l’Union européenne et pour assurer la transparence la plus totale sur le contenu des produits visant à être consommés par nos concitoyens et nos concitoyennes. »
Réponse du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation le 21/05
«Dans le cadre d’un recours engagé par plusieurs organisations sur les variétés tolérantes aux herbicides issues de mutagénèse, le Conseil d’État a interrogé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le statut des nouvelles techniques de mutagénèse dirigée vis-à-vis de la directive 2001/18/CE. En réponse aux questions préjudicielles, la CJUE a conclu dans son arrêt du 25 juillet 2018 que tous les organismes obtenus par mutagenèse sont des organismes génétiquement modifiés (OGM) et que seuls sont exclus du champ d’application de la directive ceux qui sont issus de techniques de mutagenèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps. Ainsi, les variétés issues des techniques de mutagénèse postérieures à 2001 sont soumises à l’ensemble des dispositions de la réglementation relative aux OGM, qui prévoient une autorisation des produits avant leur mise sur le marché, une évaluation préalable des risques, un étiquetage, une traçabilité et une surveillance des produits. Dans sa décision du 7 février 2020 rendue à la lumière de l’arrêt de la CJUE, le Conseil d’État a, d’une part, confirmé que les techniques de mutagénèse dirigée ou d’édition du génome sont soumises aux dispositions de la réglementation relative aux OGM, et il a, d’autre part, conclu que les techniques de mutagénèse aléatoire in vitro sur des cellules de plantes sont également soumises aux obligations imposées aux OGM. Le Conseil d’État enjoint au Gouvernement de modifier le code de l’environnement dans un délai de six mois afin de revoir en conséquence la liste des techniques de mutagénèse exemptées. Le Gouvernement soumettra prochainement à la concertation les textes réglementaires à prendre en déclinaison de l’injonction du Conseil d’État. Ces projets de textes feront l’objet d’une notification auprès de la Commission européenne. La fusion cellulaire est une technique qui consiste à faire fusionner in vitro des cellules végétales afin de les hybrider. Cette technique, qui est différente de la mutagénèse, n’est pas abordée par la CJUE dans son arrêt du 25 juillet 2018. L’arrêt ne change donc pas le statut de cette technique. Les variétés issues de fusion cellulaire sont exemptées du champ d’application de la réglementation relative aux OGM (directive 2001/18/CE) dans le cas où la fusion cellulaire a été réalisée entre cellules d’espèces végétales pouvant échanger du matériel génétique par des méthodes de sélection traditionnelle. Les variétés d’endives issues de fusion cellulaire avec le tournesol n’ont pas à être déclarées comme OGM dans le catalogue, des données expérimentales mettant en évidence la possibilité de croisement entre les deux espèces. »
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