Niveau juridique : France
Texte de la question :
« M. Jean Bizet attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les multiples destructions illégales de cultures que subissent les agriculteurs et les entreprises semencières depuis plusieurs années.
Alors que ces entreprises apportent des solutions pour notre agriculture, qu’elles exercent leur travail de sélection et de production de semences en toute légalité, elles subissent tous les ans des destructions de parcelles de sélection ou de production de semences. Ces actes de vandalisme, perpétrés par des activistes qui se revendiquent de collectifs de citoyenneté mais agissent sur des fondements purement idéologiques, pénalisent des activités de recherche parfaitement légales. Cela porte un coup au développement de variétés répondant aux attentes des marchés et des agriculteurs français tout en accentuant le climat de suspicion dans les territoires. Encore à l’été 2019, plusieurs parcelles de variétés de tournesol à forte teneur en acide oléique, recherchées pour leur qualité alimentaire et des parcelles de sélection de variétés de maïs économes en eau et en azote ont été détruites.
Au-delà des pertes économiques causées pour les entreprises et de la négation du travail des équipes et des agriculteurs, ces destructions peuvent retarder considérablement (jusqu’à sept ans) la mise à disposition de variétés innovantes aux agriculteurs.
D’après une enquête récente menée par l’union française des semenciers, près de trente-cinq destructions ont été enregistrées au cours des dix dernières années, dont vingt-huit ont fait l’objet de dépôts de plainte qui la plupart du temps n’ont pas été suivis d’enquête de la part de la gendarmerie. Seulement six procès ont été engagés, dont certains ayant abouti à la relaxe des faucheurs. Dans un certain nombre de cas, les procédures pénales sont jugées disproportionnées par rapport au préjudice subi !
Il est essentiel de faire cesser la quasi-impunité des auteurs de ces destructions de cultures car à force de laxisme, on s’oriente vers une situation où l’on prive les exploitations agricoles de leur compétitivité et les entreprises de leurs capacités de recherche. De tels actes fragilisent une des plus belles filières de semences conventionnelles qui existe en Europe. Elle représente 12 000 emplois directs et environ 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Il lui demande de lui indiquer quelles mesures le Gouvernement entend prendre afin de remédier à ces saccages de parcelles de culture, issues d’activités parfaitement légales. »
La ministre de la Justice a répondu au sénateur lors de la séance du 3 mars 2020, extraits :
« M. Jean Bizet. Madame la garde des sceaux, j’appelle votre attention sur les multiples destructions illégales de cultures que subissent les agriculteurs et les entreprises semencières de notre pays depuis plusieurs années.
Alors que ces entreprises apportent des solutions pour notre agriculture, qu’elles exercent leur travail de sélection et de production de semences> en toute légalité, elles subissent tous les ans des destructions de parcelles de sélection ou de production de semences. Ces actes de vandalisme, perpétrés par des activistes qui se revendiquent de collectifs de citoyenneté, mais agissent sur des fondements purement idéologiques, pénalisent des activités de recherche parfaitement légales. Ils portent un coup au développement de variétés répondant aux attentes des marchés et des agriculteurs français tout en accentuant le climat de suspicion dans les territoires. L’été dernier encore, plusieurs parcelles de variétés de tournesol à forte teneur en acide oléique, recherchées précisément pour leur qualité alimentaire, et des parcelles de sélection de variétés de maïs économes en eau et en azote ont été détruites.
Au-delà des pertes économiques causées aux entreprises et de la négation du travail des équipes et des agriculteurs, ces destructions peuvent retarder considérablement – jusqu’à sept ans – la mise à disposition de variétés innovantes aux agriculteurs.
D’après une enquête récente menée par l’Union française des semenciers, près de trente-cinq destructions ont été enregistrées au cours des dix dernières années ; vingt-huit ont fait l’objet de dépôts de plainte, qui, la plupart du temps, n’ont pas été suivis d’enquête de la part de la gendarmerie ; seulement six procès ont été engagés, dont certains ont abouti à la relaxe pure et simple des faucheurs. Dans un certain nombre de cas, les procédures pénales sont jugées disproportionnées par rapport au préjudice subi.
Il est essentiel de faire cesser la quasi-impunité des auteurs de ces destructions de cultures : à force de laxisme, on s’oriente vers une situation privant les exploitations agricoles de leur compétitivité et nos entreprises de leurs capacités de recherche. De tels actes fragilisent l’une <des plus belles filières de semences conventionnelles> qui existent en Europe. Celle-ci représente 12 000 emplois directs et environ 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour mettre fin à ces saccages ?
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Bizet, les agissements que vous décrivez font l’objet d’une grande attention de mes services, ainsi que des procureurs généraux et des procureurs de la République, qui sont investis dans la lutte contre les atteintes commises à l’encontre des agriculteurs. À ce titre, une dépêche a été diffusée par la direction des affaires criminelles et des grâces de mon ministère le 22 février 2019 au sujet des actions violentes menées par des mouvements radicaux, et plus particulièrement par ceux qui se livrent à des intrusions sur des sites agricoles.
Dans cette instruction générale, j’invite les parquets à renforcer la prévention des débordements et je leur rappelle les qualifications pénales pouvant être retenues dans ces situations. Cette récente dépêche mentionne notamment que la destruction volontaire du bien d’autrui peut être retenue lorsque l’intrusion dans l’exploitation a entraîné la destruction matérielle de certains biens. L’infraction de violation de domicile permet également de répondre efficacement aux intrusions au sein des exploitations agricoles.
S’agissant de la destruction de plants de semences, les différentes circulaires de la direction des affaires criminelles et des grâces relatives aux enquêtes, aux poursuites et à la réponse pénale applicables aux actes de destruction de ces plants invitent systématiquement les parquets à poursuivre les auteurs de tels faits avec rigueur et fermeté. Dans ce cas, on privilégie les procédures rapides, notamment la comparution immédiate.
Ainsi, au mois de juin 2019, la cour d’appel de Nancy a confirmé la condamnation de cinquante-trois individus pour destruction de parcelles de culture de variétés innovantes ; quarante-neuf d’entre eux ont été condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis. Cette réponse judiciaire atteste de la prise en compte par les parquets du trouble à l’ordre public inacceptable que provoquent ces destructions de cultures et de l’efficacité du cadre juridique actuel.
En outre, j’ai rencontré récemment des parlementaires et, le 7 janvier dernier, les représentants de la FNSEA. Évidemment, j’ai été très sensible aux inquiétudes qu’ils ont manifestées. J’ai donc demandé à mon ministère que soient engagées des réflexions supplémentaires pour préciser la définition de l’incrimination de la violation de domicile ; il convient d’en élargir la portée s’agissant des exploitations agricoles.
D’autres dispositifs peuvent venir conforter ces évolutions. Cette question fera, de ma part, l’objet de nouveaux échanges avec les représentants du monde agricole et avec les parlementaires. En effet, nous devons être extrêmement attentifs et vigilants face à ces sujets.
M. le président. Merci de votre présence, madame la garde des sceaux.
La parole est à M. Jean Bizet, pour la réplique.
M. Jean Bizet. Madame la garde des sceaux, je pense que vous sous-estimez l’impact psychologique et économique de telles dégradations. Il faut véritablement aller beaucoup plus loin. Sur ce sujet, j’ai été rapporteur d’un certain nombre de textes. Dès 2018, à l’époque de la directive, le législateur avait proposé 75 000 euros, voire 150 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement. Nous en sommes bien loin ! »
Lien vers le compte-rendu de la séance ici
Lien vers la page de la question ici