Niveau juridique : France
EXPOSÉ DES MOTIFS
« Mesdames, Messieurs,
La préservation de la biodiversité est un enjeu majeur pour notre agriculture aujourd’hui touchée par un fort risque d’uniformisation. En outre, cette uniformisation agricole, impactant fortement le secteur aval, celui de l’agroalimentaire, est sans doute à l’origine d’un grand nombre de problèmes sanitaires actuels (par exemple l’obésité).
Si depuis le fameux « labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » de Sully, l’excellence agricole française n’est plus à démontrer, l’uniformisation du monde, portée par la globalisation, fait peser un risque à la fois sur la qualité de la production agricole française mais aussi sur la biodiversité. Il est donc urgent de préserver, voire de retrouver, une agriculture de qualité reposant sur la diversité du vivant.
Cette proposition de loi vise à encourager l’utilisation de semences appartenant au domaine public mais pas nécessairement inscrites au catalogue officiel des différentes variétés.
Une telle mesure a déjà été votée par le parlement en 2016 (loi du 8 août 2016 sur la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages) et en 2018 (loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible), mais à chaque fois la mesure a été censurée par le Conseil Constitutionnel ; la première fois en raison d’une « différence de traitement ainsi établie […] sans rapport avec l’objet de la loi, [qui] méconnaît le principe d’égalité devant la loi. » (Décision n° 2016-737 DC du 4 août 2016), la seconde, car elle était « adoptée selon une procédure contraire à la Constitution » (Décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018).
Ces deux censures ont été sur la forme non sur le fond donc le législateur peut tout à fait proposer un nouveau vecteur législatif pour intégrer cette mesure à notre droit, c’est précisément l’objectif de cette proposition de loi qui permettra donc de faire adopter cette mesure déjà votée deux fois par le parlement.
Avec le fonctionnement actuel du commerce mondial, il paraît, à court terme, illusoire de vouloir attaquer frontalement les règles commerciales qui s’appliquent en France tant celles-ci sont d’abord issues de traités et autres accords internationaux. En revanche, une solution peut être de permettre à nos compatriotes de « contourner » les règles qui régissent le commerce mondial en s’appropriant, ou plutôt en se réappropriant, des productions reposant sur le localisme.
Cette proposition de loi, en permettant de vendre des semences appartenant au domaine public sans pour autant être inscrites au catalogue officiel, permettra ainsi à nos compatriotes de redécouvrir des espèces et de les cultiver. La qualité des produits français (et donc ce qui en découle, goût, diversité, bienfait pour la santé, etc.) pourra être un facteur pour que ces productions se développent. L’idée n’est évidemment pas de concurrencer les grands producteurs sur leur marché, notamment celui de l’export, ce qui pourrait poser de problèmes juridiques avec les règles du commerce internationale en vigueur, mais bien de développer une forme de localisme et de préserver la biodiversité.
L’article unique de cette proposition de loi propose donc de libéraliser la vente de semences non inscrites au catalogue à des utilisateurs non professionnels qui n’en font pas un usage commercial mais aussi à tous ceux, particuliers, associations ou professionnels, qui peuvent l’exploiter dans le cadre de la vente directe dans une optique de développement des circuits courts. Bien évidemment cette exemption ne concerne pas les règles sanitaires relatives à la sélection et à la production de semences qui doivent s’appliquer dans tous les cas. »
Texte de la proposition :
« Article unique
Le dernier alinéa de l’article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« La cession, la fourniture, le transfert, ou la vente de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public ne visant pas une exploitation commerciale de la variété ou exploités commercialement dans le cadre de la vente directe, n’est pas soumis aux dispositions du présent article, à l’exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production. » »
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