Assemblée nationale : Proposition de loi n°1891 favorisant la liberté de semer au service de la biodiversité présentée par M. Sébastien NADOT

Niveau juridique : France

Extrait de l’exposé des motifs

« En l’espace de cent ans, 90 % des variétés traditionnellement utilisées par les paysans ne sont plus cultivées et 75 % d’entre elles ont déjà été irréversiblement perdues. Les semences traditionnelles incarnent pourtant la diversité des goûts, l’adaptation au terroir, la résistance au réchauffement climatique. L’utilisation de semences variées s’inscrit dans un combat plus large pour la préservation naturelle de la biodiversité. Si nous n’adoptons pas dès maintenant des pratiques respectueuses de la biodiversité (des politiques agricoles jusqu’à la responsabilité individuelle) nous mettons en danger notre sécurité alimentaire.

À côté des professionnels, les jardiniers jouent un rôle crucial dans la conservation, la diffusion et l’enrichissement de la biodiversité agricole, enjeu majeur pour l’agriculture et l’alimentation du XXIe siècle.

Or, actuellement, les semences entièrement autorisées à la vente en France sont celles inscrites au catalogue officiel français des variétés. Les contraintes pour inscrire une variété dans ce catalogue sont telles que les seuls acteurs qui y parviennent sont les grands groupes semenciers. Pour les « semences traditionnelles », garantes de la diversité, l’échange entre particuliers est autorisé, ainsi que la seule vente directe mais les possibilités de commercialisation sont très limitées.

La loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGalim), votée en octobre 2018 puis promulguée le 1er novembre 2018, restaurait la possibilité de pratiquer les échanges à titre onéreux, sans réserver ceux-ci à une catégorie particulière d’opérateurs, à travers l’article 78, inscrivant au code rural et de la pêche maritime, dernier alinéa de l’article L. 661-8 : « La cession, la fourniture ou le transfert, réalisé à titre gratuit ou à titre onéreux de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété n’est pas soumis aux dispositions du présent article, à l’exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production. »

S’inscrivant pleinement dans la logique du règlement européen sur l’agriculture biologique adopté par le Parlement européen en avril 2018 à une très large majorité (466 voix favorables, 124 contre), complétant la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016, cet article sur les semences traditionnelles avait été adopté dès la première lecture du texte EGalim sur la base d’un consensus transpartisan.

Mais, saisi par un groupe de sénateurs, le Conseil constitutionnel, par décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018, a censuré 23 articles de la loi EGalim, soit un quart du texte, pour des raisons de procédure. L’article sur les semences traditionnelles a ainsi été supprimé. Motif du Conseil constitutionnel : « Introduit en première lecture, les dispositions de l’article 78 ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Adopté selon une procédure contraire à la Constitution, l’article 78 lui est donc contraire. ».

Reprenant exactement les termes de l’article de la loi EGalim, l’article unique de la présente proposition de loi vise à respecter les procédures de forme propres à notre Constitution et à rétablir les possibilités de cession à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public et destinées aux jardiniers amateurs. Ces derniers ayant accès à une plus grande diversité de semences, pourront ainsi participer pleinement à enrichir la nécessaire biodiversité ".

Proposition de loi

Article unique

Au dernier alinéa de l’article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « gratuit », sont insérés les mots : « ou à titre onéreux ».

 

Lien vers la proposition de loi /propositions-loi) ici.