Niveau juridique : France
Les amendements visent à ajouter à l’article 42 du projet de loi créant un droit d’opposition ouvert aux tiers aux brevets déposés à l’INPI la condition que les requérants « motivent de leur intérêt à agir »
Texte de l’amendement :
Compléter l’alinéa 2 par les mots :
« , dès lors qu’ils motivent de leur intérêt à agir ».
Exposé des motifs des amendements :
« Cet article crée un droit d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’Institut national de la propriété industrielle, ouverts aux tiers, et dont les modalités seront précisées par ordonnance. Ce droit permettra à toute personne de demander à l’INPI, dans un certain délai, la révocation d’un brevet délivré.
Or, une telle disposition législative fragiliserait fortement le système de brevet français dès lors qu’un risque d’opposition systématique et sans filtre serait théoriquement envisageable.
Il convient dès lors de circonscrire l’exercice de ce droit à l’existence et à la motivation d’un véritable intérêt à agir.
En effet, même si le renforcement de la sécurité et de la protection des brevets français est une nécessité pour les PME et inciterait à un plus grand nombre de dépôts en France, ce nouveau droit d’opposition nécessiterait de nouveaux recrutements pour faire face aux nouvelles modalités d’examen approfondi du brevet et ne manquerait pas d’ engendrer pour les déposants de nouveaux coûts administratifs (taxes de dépôts, d’enregistrement, d’examen à l’INPI) Source d’incertitudes juridiques cette nouvelle procédure générerait également des coûts importants pour les PME (recours à des conseils spécialisés pour appréhender et maitriser les nouvelles procédures).
Aussi, un tel dispositif constituerait un frein potentiel à la dynamique de recherche et à la valorisation des innovations françaises dès lors que les nouveaux coûts induits par cette procédure d’opposition décourageraient les entreprises françaises de protéger leurs innovations sur leur propre marché domestique. Cela nuirait par ailleurs à l’attractivité du système de brevet français à ce jour simple d’obtention, à un coût raisonnable et dont le taux d’invalidation par la juridiction judiciaire n’est pas nettement supérieur à celui d’un brevet européen. Celui-ci fait pourtant au préalable déjà l’objet d’un examen approfondi et d’une éventuelle procédure d’opposition. De nombreuses entreprises ne voudront pas multiplier les coûts qui risquent d’augmenter sensiblement avec ces nouvelles procédures créées en France et préfèreront déposer directement un brevet européen.
De plus, l’absence de précision de la nécessité de motiver l’intérêt à agir conduirait certaines entreprises à user et abuser de ce système d’opposition, qui porterait préjudice aux entreprises les plus vulnérables.
Par ailleurs, un droit d’opposition judiciaire existe d’ores et déjà en France. Il convient dès lors de garantir que celui-ci puisse continuer à être mis en œuvre sans que cette nouvelle procédure administrative alternative soit préalablement et systématiquement engagée, au risque de complexification.
Pour toutes ces raisons, il convient de subordonner l’opposition aux brevets d’invention à la motivation d’un véritable intérêt à agir. Tel est l’objet de cet amendement. »
Lien vers la page de l’amendement 220 ici, amendement 271 là et amendement 770 là
Pour l’article 42, voir fiche veille n° 2366
EDIT du 10 octobre 2018 :
Discutés en séance publique du 2 octobre 2018, ces amendements ont été rejetés.
Extraits des débats :
« M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 220, 271 et 770.
La parole est à M. Ian Boucard, pour soutenir l’amendement no 220.
M. Ian Boucard. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Vincent Rolland, pour soutenir l’amendement no 271.
M. Vincent Rolland. Cet article crée un droit d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’INPI, ouvert aux tiers, et dont les modalités seront précisées par ordonnance. Ce droit permettra à toute personne de demander à l’INPI, dans un certain délai, la révocation d’un brevet délivré. Or on peut craindre l’apparition d’oppositions systématiques, aucun filtre n’étant prévu. Dès lors, une telle disposition fragiliserait fortement le système de brevet français : l’absence de nécessité de motiver l’intérêt à agir pourrait conduire certaines entreprises à user et abuser de ce système, ce qui porterait préjudice aux entreprises les plus vulnérables. Par conséquent, cet amendement vise à imposer, pour user de cette procédure d’opposition, la démonstration d’un véritable intérêt à agir.
M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement no 770.
M. Daniel Fasquelle. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Lebec, rapporteure. Une entreprise qui aurait obtenu un brevet de manière frauduleuse détiendrait un monopole, ce qui empêcherait toutes les autres entreprises qui souhaiteraient développer une innovation dans le domaine concerné de le faire. C’est une occupation frauduleuse du domaine public immatériel. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle. Les bras m’en tombent ! Le droit d’opposition judiciaire existe, et, en cas d’urgence, il y a le référé. Vous inventez quelque chose qui existe : une entreprise peut déjà se défendre contre le dépôt d’un brevet frauduleux. Je ne vois vraiment pas l’intérêt d’une telle procédure, qui va fragiliser le brevet français. »
Lien vers le CR de séance ici