Niveau juridique : France
Amendement n° 769 et n° 218 sur le projet de loi CROISSANCE ET TRANSFORMATION DES ENTREPRISES - (N° 1237)
Ces deux amendements visent à supprimer l’article 42 du projet de loi créant un droit d’opposition ouvert aux tiers aux brevets déposés à l’INPI. Ils ont été déposé par des groupes de députés Les Républicains.
Pour le texte de l’article 42, voir fiche veille n° 2366
Exposé des motifs :
« Cet article crée un droit d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’Institut national de la propriété industrielle, ouverts aux tiers, et dont les modalités seront précisées par ordonnance. Ce droit permettra à toute personne de demander à l’INPI, dans un certain délai, la révocation d’un brevet délivré.
Or, une telle disposition législative fragiliserait fortement le système de brevet français dès lors qu’un risque d’opposition systématique et sans filtre serait théoriquement envisageable.
En effet, même si le renforcement de la sécurité et de la protection des brevets français est une nécessité pour les PME et inciterait à un plus grand nombre de dépôts en France, ce nouveau droit d’opposition nécessiterait de nouveaux recrutements pour faire face aux nouvelles modalités d’examen approfondi du brevet et ne manquerait pas d’engendrer pour les déposants de nouveaux coûts administratifs (taxes de dépôts, d’enregistrement, d’examen à l’INPI). Source d’incertitudes juridiques cette nouvelle procédure générerait également des coûts importants pour les PME (recours à des conseils spécialisés pour appréhender et maitriser les nouvelles procédures).
Aussi, un tel dispositif constituerait un frein potentiel à la dynamique de recherche et à la valorisation des innovations françaises dès lors que les nouveaux coûts induits par cette procédure d’opposition décourageraient les entreprises françaises de protéger leurs innovations sur leur propre marché domestique. Cela nuirait par ailleurs à l’attractivité du système de brevet français à ce jour simple d’obtention, à un coût raisonnable et dont le taux d’invalidation par la juridiction judiciaire n’est pas nettement supérieur à celui d’un brevet européen. Celui-ci fait pourtant au préalable déjà l’objet d’un examen approfondi et d’une éventuelle procédure d’opposition. De nombreuses entreprises ne voudront pas multiplier les coûts qui risquent d’augmenter sensiblement avec ces nouvelles procédures créées en France et préfèreront déposer directement un brevet européen.
De plus, l’absence de précision de la nécessité de motiver l’intérêt à agir conduirait certaines entreprises à user et abuser de ce système d’opposition, qui porterait préjudice aux entreprises les plus vulnérables.
Par ailleurs, un droit d’opposition judiciaire existe déjà en France.
Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer ce droit d’opposition. »
Lien vers la page de l’amendement n°769 ici et n° 218 là
EDIT du 10 octobre 2018
Lors de la discussion en séance plénière du 2 octobre 2018, ces amendements ont été rejetés.
Extraits des débats :
« M. le président. Je suis saisi de quatre amendements de suppression, nos 218, 769, 2034 et 2603.
L’amendement no 218 est défendu. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n° 769.
M. Daniel Fasquelle. C’est un sujet que nous avons déjà abordé en commission spéciale ; vous ne nous avez pas convaincus. Avec cette nouvelle procédure, vous fragilisez le droit français des brevets. Vous créez un droit d’opposition, qui ne sera plus judiciaire mais administratif ; et pour l’exercer, il ne sera pas même nécessaire de motiver son intérêt à agir : tout un chacun pourra donc contester un brevet. C’est paradoxal : vous dites vouloir renforcer les brevets, et vous les affaiblissez au contraire. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 2034.
Mme Emmanuelle Ménard. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l’amendement no 2603.
M. Ludovic Pajot. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Lebec, rapporteure. Nous avons en effet eu cette discussion en commission spéciale ; je vais néanmoins tenter à nouveau de vous convaincre de l’utilité de cet article qui instaure, comme vous l’avez dit, une procédure d’opposition à même de renforcer le droit des brevets français. Aujourd’hui, le brevet français n’est pas attractif pour les entreprises : au moment de la délivrance du titre, l’INPI vous dit si votre brevet est inventif, mais même dans le cas contraire, il ne peut pas s’opposer au dépôt. Le brevet n’est donc pas sécurisant. L’article 42, tel que nous l’avons amendé en commission spéciale, instaure un contrôle a posteriori qui permettra aux entreprises de résoudre un problème de façon administrative, par une procédure interne à l’INPI. Elles éviteront ainsi une procédure judiciaire : c’est un gain de temps et d’argent.
Nous avons également introduit dans le texte un article 42 bis qui prévoit l’instauration, d’ici à deux ans, d’un contrôle a priori systématique : s’il considère que le brevet proposé par une entreprise n’est pas inventif, l’INPI pourra s’opposer au dépôt du brevet. L’entreprise pourra alors retravailler en toute connaissance de cause. Nous renforçons donc fortement le brevet français, et nous incitons donc les entreprises à mieux protéger leurs innovations : c’est aussi cela qui leur permettra de s’insérer dans la compétition internationale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.
M. Daniel Fasquelle. Vous apportez de l’eau à mon moulin, et je vous en remercie, madame la rapporteure… Il faut bien évidemment un contrôle a priori, et il devrait suffire : une fois ce contrôle réalisé par l’INPI, le brevet est solide ; si quelqu’un veut le contester, qu’il passe par la voie judiciaire ! Malgré cela, vous créez une procédure d’opposition pour laquelle, j’y insiste, aucune motivation de l’intérêt à agir n’est prévue. C’est absurde. Il y a bien là une fragilisation du brevet français. Ces mesures sont contradictoires : je soutiens l’idée du contrôle a priori mais il rend inutile cette procédure administrative d’opposition. »
Lien vers la page du CR de séance ici