AN : Amendement n° 2210 et n° 218 sur le projet de loi « Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire » n° 902, 1ère lecture - REJETE

Niveau juridique : France

AMENDEMENT N°2210 présenté par M. Jumel, M. Chassaigne, M. Bruneel, Mme Bello, M. Brotherson, Mme Buffet, M. Dharréville, M. Dufrègne, Mme Faucillon, Mme Kéclard-Mondésir, M. Lecoq, M. Nilor, M. Peu, M. Fabien Roussel, M. Serville et M. Wulfranc

Texte de l’amendement :

« ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L’ARTICLE 14 TER, insérer l’article suivant:

Le 2° de l’article L. 661‑8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après le mot : « variétés », sont insérés les mots : « ou de mélanges de variétés ».

2° L’alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Les semences peuvent être commercialisées sous forme de mélanges de variétés, pour autant que chaque composant du mélange réponde, avant mélange, aux dispositions du présent article. Les critères d’enregistrement au catalogue prendront en compte la capacité de la variété candidate à être cultivée en mélange ; ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Les agriculteurs cultivant des mélanges variétaux composent chacun le mélange le mieux adapté à leurs conditions locales. Ces mélanges diffèrent avec chaque terroir et chaque mode de culture particulier. La commercialisation de mélanges déjà composés est une avancée, mais ne pourra pas répondre à tous les besoins. Les agriculteurs qui composent eux-mêmes leurs propres mélanges doivent pouvoir disposer de variétés sélectionnées pour leur aptitude à être cultivées en mélange et non uniquement en monoculture monovariétale. »

Texte de l’amendement disponible ici

Ces amendements ont été rejeté lors de séance du lundi 28 mai 2018.

Extraits des débats :

« La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 2210.

M. Jean-Paul Dufrègne. (…)La directive européenne 66/402/CEE du 14 juin 1966 concernant la commercialisation des semences de céréales autorise la commercialisation des céréales sous forme de différentes variétés. La France campe néanmoins sur le principe de l’interdiction de la commercialisation de mélanges de semences, bien que le recours à de tels mélanges puisse être intéressant en termes d’utilisation d’intrants ou de rendement. Afin de favoriser la culture des mélanges, nous entendons, par le présent amendement, lever le frein qui oblige aujourd’hui les agriculteurs qui souhaitent la pratiquer à effectuer leurs mélanges eux-mêmes. Nous proposons par conséquent d’inscrire explicitement dans la loi la possibilité de commercialiser des semences sous forme de mélanges de variétés.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement no 218.

M. Antoine Herth. J’avais déjà proposé cet amendement en commission. Je constate que j’ai un peu progressé, puisque j’ai réussi à convaincre M. Chassaigne et ses collègues de déposer un amendement analogue ; c’est une première étape ! M. le rapporteur m’avait répondu que l’on pouvait d’ores et déjà commercialiser des semences sous forme de mélanges de variétés. Or j’ai vérifié, et tel n’est pas le cas. C’est pourquoi je présente à nouveau cet amendement.

Il faut qu’il soit possible de proposer des semences prémélangées, notamment pour la grande culture céréalière. Pour quelle raison ? Tout simplement parce que, dans l’agriculture conventionnelle, la plupart des céréales sont traitées avec des produits, notamment des insecticides ou des répulsifs.(…)

Le problème, c’est que lorsque les agriculteurs veulent mélanger des céréales, ils le font au fond de la cour dans une bétonnière et en prennent plein la figure. Et pourquoi mélangent-ils des céréales ? Parce que cela permet de réduire l’utilisation de fongicides. Je propose que l’on donne un signal en indiquant clairement, dans la réglementation, que la commercialisation des mélanges est possible, quitte à ce que vous ajustiez ensuite le tir par décret, monsieur le ministre.

En tout cas, c’est un exercice complexe : si vous produisez du blé meunier, par exemple, il faut que les variétés que vous mélangez présentent des caractéristiques meunières adaptées aux débouchés. Il faut donc raisonner à l’échelle de l’ensemble de la filière. Selon moi, un encadrement réglementaire serait tout à fait souhaitable en la matière.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je mélange moi-même du blé et du triticale dans une bétonnière, et je confirme que ce n’est effectivement pas très agréable.

Pour tenir compte de l’intérêt agronomique de certains mélanges, le droit prévoit déjà des dérogations, notamment dans certaines prairies. En d’autres termes, les mélanges de semences ne sont pas interdits à la commercialisation dès lors que cela s’inscrit dans le cadre défini au niveau européen. Par exemple, la directive du 30 août 2010 introduisant certaines dérogations pour la commercialisation des mélanges de semences de plantes fourragères destinés à la préservation de l’environnement naturel autorise les États membres à prévoir des procédures d’autorisation spécifiques pour les mélanges de semences à des fins de préservation. La commercialisation de ces mélanges est donc déjà possible. Elle est encadrée par des décrets, celui du 14 décembre 2011 en ce qui concerne les mélanges de semences fourragères.

Les amendements que nous examinons vont beaucoup plus loin : ils visent à autoriser la commercialisation de tous les mélanges de semences, ce qui nous placerait en dehors du droit de l’Union européenne en matière de dérogations, dans lequel notre réglementation s’inscrit. J’y suis donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Défavorable également. Outre ce que vient d’indiquer le rapporteur, des questions sanitaires ou de droit de propriété peuvent se poser.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je soutiens l’initiative d’Antoine Herth, relayée par le groupe GDR. Sans entrer dans un débat trop technique, les mélanges de semences offrent des solutions, par exemple pour le colza, dont nous défendons la place dans la production d’énergie et comme source de protéines pour l’alimentation animale. Les producteurs de colza ont réalisé des progrès énormes dans la maîtrise de la phytopharmacie, notamment grâce à l’utilisation de mélanges de variétés précoces – les méligèthes s’attaquant aux quelques plants précocement fleuris, on fait ainsi l’économie d’un insecticide.

La présente proposition relative aux mélanges – qui posent certes un problème pratique assez complexe : incorporer un petit sachet dans un grand sac… – figurait dans le rapport de la mission sur le plan Écophyto 2.

Plus largement, les mélanges variétaux, notamment les méteils, nous promettent de grands progrès en agronomie, au moins aussi importants que les progrès en matière de mécanique. L’INRA et l’Institut du végétal le démontrent en permanence. Nous disposerons, demain, de mélanges performants. À défaut de voter cet amendement, peut-être faut-il, monsieur le ministre, que la France plaide pour des dérogations plus nombreuses, car l’agroécologie passe en partie par l’octroi de facilités de cette nature aux paysans qui souhaitent travailler dans le bon sens. Il s’agit de leur simplifier la vie.

M. Thierry Benoit. En conclusion, il faut le voter !

(L’amendement no 2210 n’est pas adopté.) »

Compte rendu des débats à retrouver ici

NOTA : Un amendement similaire avait déjà été proposé en commission, mais avait été rejeté (voir fiche veille n° 2207)