AN : Rapport d’information de MM. Didier Martin et Gérard Menuel déposé en application de l’article 145 du règlement en conclusion des travaux de la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, n° 802

Niveau juridique : France

Extraits choisis :

B. DES SOLUTIONS ALTERNATIVES POUR FACILITER LA TRANSITION VERS UN NOUVEAU MODÈLE AGRICOLE

(…)

1. La mise en place de solutions alternatives

(…)

iii. Un nouveau modèle agro-écologique

« Un nouveau modèle agricultural doit se mettre en place, qui combine différentes approches, l’expertise génétique, la redécouverte de savoir-faire traditionnels et la mise en œuvre de techniques agronomiques nouvelles.

• L’expertise génétique

La quête d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques passe par la recherche génétique.

Elle porte sur des nouvelles techniques de modification ciblée du génome comme la mutagenèse, qui en introduisant des agents mutagènes chimiques ou physiques dans une séquence ADN, produit une nouvelle variété, afin que la plante avec ses propres capacités développe un type de résistance.

Cette approche est à différencier de la transgénèse, technique qui permet d’introduire un gène étranger, ou transgène, dans le génome d’une cellule, qui est controversée car certaines associations environnementales considèrent que les semences issues de ces techniques sont des OGM.

L’INRA travaille sur la mise au point de semences résistantes aux maladies. Un de ses travaux les plus prometteurs concerne la vigne et la mise au point de cépages résistants au mildiou et à l’oïdium. Des gènes identifiés comme résistants ont été introduits par croisement dans des vignes tests de l’INRA. Le travail a été conduit par bassin viticole et plusieurs gènes par cépage ont été sélectionnés. Quatre cépages ont ainsi été créés, Artaban, Floréal, Vidoc et Voltis qui possèdent deux gènes de résistance au mildiou et deux gènes de résistance à l’oïdium. Les premiers résultats montrent une réduction de 80 % de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Ces variétés ont été inscrites au catalogue en janvier 2018. Néanmoins, deux questions se posent, le risque de contournement à ces résistances et la nécessité de préserver la qualité des cépages. La généralisation de ces cépages pourrait être effective d’ici 2030. (197)

Un autre programme (198), au stade expérimental, est consacré à la betterave afin d’élargir et de diversifier sa base génétique afin qu’elle résiste mieux à la circosporiose.

La sélection de la meilleure variété, à la fois en termes de rusticité et de résistance et non plus en fonction de leur productivité, est également un moyen de diminuer le recours aux produits phytopharmaceutiques. Selon Mme Anne-Claire Vial, présidente d’Arvalis, l’institut technique du végétal, cette approche permettrait d’économiser 25 % de l’utilisation de ces produits. Son institut a, à cet effet, mis à disposition des agriculteurs une liste de l’ensemble des variétés proposées sur le marché classées en fonction du niveau de leurs résistances selon les régions. (199) De même, Interfel, filière des fruits et légumes frais, promeut des variétés de pommes et de poires ayant une aptitude naturelle à s’adapter à des climats humides et tempérés. En 2012, un groupement d’intérêt scientifique fruit a été créé au sein de cette filière afin de mener, entre autres, des actions de recherche et notamment des travaux de sélection variétale (200). Lors de leur déplacement dans l’Aube, les membres de la mission ont visité une exploitation céréalière spécialisée dans la production d’oignons qui a développé des variétés résistantes d’oignons jaunes sous forme de croisement d’espèces, ce qui lui a permis de diminuer de moitié leur utilisation de produits phytopharmaceutiques par rapport à des variétés classiques.

Cet axe est donc privilégié par les agriculteurs ; comme l’ont souligné les agriculteurs de la Coopérative Dijon Céréales, lors de la visite de la mission en Côte-d’Or la génétique permettra d’améliorer la production tout en améliorant la résistance aux maladies et aux insectes, ce qui évitera le recours aux produits phytopharmaceutiques.

Toutefois, il existe un risque de concentration de la recherche au sein de grands groupes internationaux, le risque étant que les agriculteurs soient contraints d’importer des variétés nouvelles, ce qui réduirait leur compétitivité. (201)

Les rapporteurs soulignent donc la nécessité de développer des variétés résistantes ou tolérantes aux bios agresseurs. La recherche nationale dans ce domaine doit prendre une place prépondérante afin de créer des plantes avec ces caractéristiques dans le cadre d’un plan végétal afin de conserver une indépendance.

 Proposition : Accroître la recherche sur les variétés résistantes ou tolérantes aux bio-agresseurs dans le cadre d’un grand plan national végétal. »

(…)

2. Des difficultés qui imposent un calendrier différencié selon les situations culturales

(…)

ii. Débloquer les procédures de mise sur le marché des produits et semences alternatifs

(…)

« – De même, l’accessibilité des nouvelles variétés végétales développées pour leur résistance aux maladies dépend de la parution de décrets pour qu’elles soient « primables » dans le cadre européen et autorisées à être plantées. L’Institut français de la vigne et du vin a ainsi signalé avoir inscrit quatre nouvelles variétés de vigne sur son catalogue, sans pouvoir encore les commercialiser parce que les décrets ne sont toujours pas parus. (255)

Dans le cas de la vigne, l’admission de nouveaux cépages sur le territoire national exige notamment leur introduction dans les cahiers des charges gérés par l’Institut national des appellations contrôlées. Or, elle implique une nouvelle expérimentation pouvant s’étendre sur 10 ans, ce qui représenterait une étape trop lourde selon l’IFV qui dispose aujourd’hui de techniques d’étude plus efficaces.

– Enfin, plusieurs personnes auditionnées ont dénoncé un accès aux catalogues de semences pas assez favorable aux espèces les plus prometteuses pour la transition agricole.

Ainsi, des variétés anciennes peuvent seulement être échangées alors qu’elles offrent d’utiles qualités nutritionnelles et sont adaptées aux nouvelles techniques culturales, voire au réchauffement climatique.

Et le système de notation survaloriserait encore le potentiel de production par rapport à la rusticité ou la capacité de résister aux bio-agresseurs selon Générations futures (256) – même si, dans sa contribution aux États généraux de l’alimentation, le Groupement national interprofessionnel des semences (GNIS) affirme que « le processus d’inscription des variétés d’espèces agricoles au Catalogue national inclut désormais une composante environnementale pour l’épreuve dite de valeur agronomique et technologique. La sélection française s’insère ainsi dans l’objectif de durabilité de l’agriculture, en proposant des nouvelles variétés plus résistantes aux maladies, valorisant mieux les intrants et permettant de réduire le recours aux produits de protection des plantes. »  »

Texte du rapport à retrouver ici