Niveau juridique : France
AMENDEMENT N°CE1144 présenté par M. Herth, M. Benoit, Mme de La Raudière, Mme Auconie, M. Becht, M. Christophe, M. Charles de Courson, M. Demilly, M. Dunoyer, M. Favennec Becot, Mme Firmin Le Bodo, M. Gomès, M. Lagarde, M. Ledoux, M. Leroy, M. Morel-À-L’Huissier, M. Vercamer, M. Philippe Vigier et M. Zumkeller
Texte de l’amendement :
« ARTICLE ADDITIONNEL
APRÈS L’ARTICLE 14, insérer l’article suivant:
L’article L. 661‑8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au 2°, après le mot : « variétés » sont insérés les mots : « ou de mélanges de variétés » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les semences peuvent être commercialisées sous forme de mélanges de variétés, pour autant que chaque composant du mélange réponde, avant mélange, aux dispositions du présent article. » »
EXPOSÉ SOMMAIRE
L’utilisation par les agriculteurs de mélanges de semences pour effectuer leurs semis est une pratique en constante augmentation, notamment en agriculture biologique.
Ainsi, à titre d’exemple, 1 % de la sole de blé tendre en 2007 était semée en mélange, contre 4,8 % en 2017.
L’intérêt agronomique de l’utilisation de mélanges de semences consiste principalement à diminuer l’utilisation d’intrants par les agriculteurs, en sélectionnant des variétés complémentaires dans la résistance aux maladies. Les rendements observés des mélanges sont ainsi souvent supérieurs au rendement moyen des variétés pures.
En dépit de l’intérêt évident de cette pratique, de nombreux freins en pénalisent le développement.
Sur le plan du droit, la directive européenne 66/402 du 14 juin 1966, concernant la commercialisation des semences de céréales précise ainsi que les États « admettent que des semences d’une espèce de céréales soient commercialisées sous forme de mélanges déterminés de semences de différentes variétés […] ». Cette directive n’a toutefois pas été transcrite : la règlementation française maintient le principe de l’interdiction de la commercialisation de mélanges de semences.
L’autorisation n’est que l’exception, obligeant ainsi les agriculteurs qui le souhaitent, à effectuer leurs mélanges eux-mêmes ; ce qui pose également une question d’ordre sanitaire, puisque les agriculteurs doivent donc manipuler des semences préalablement traitées.
C’est la raison pour laquelle, afin de lever ce frein et pour offrir une opportunité supplémentaire à nos agriculteurs dans un contexte de réduction de l’usage des produits phytosanitaires, il est proposé au travers de cet amendement d’inscrire explicitement dans la loi la possibilité de commercialiser des semences sous forme de mélanges de variétés.
Texte de l’amendement disponible ici
Pour information, voici la rédaction actuelle de l’article L661-8 du Code rural :
« Les règles relatives à la sélection, la production, la protection, le traitement, la circulation, la distribution et l’entreposage des semences, des matériels de multiplication des végétaux, des plants et plantes ou parties de plantes destinés à être plantés ou replantés, autres que les matériels de multiplication végétative de la vigne et les matériels forestiers de reproduction, ci-après appelés " matériels ” en vue de leur commercialisation, ainsi que les règles relatives à leur commercialisation, sont fixées par décret en Conseil d’Etat. Ce décret fixe :
1° Les conditions dans lesquelles ces matériels sont sélectionnés, produits, multipliés et, le cas échéant, certifiés, en tenant compte des différents modes de reproduction ;
2° Les conditions d’inscription au Catalogue officiel des différentes catégories de variétés dont les matériels peuvent être commercialisés ;
3° Les règles permettant d’assurer la traçabilité des produits depuis le producteur jusqu’au consommateur.
La cession, la fourniture ou le transfert, réalisé à titre gratuit [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-737 DC du 4 août 2016.] de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété n’est pas soumis aux dispositions du présent article, à l’exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production. »
EDIT du 27 avril 2018 : L’amendement a été rejeté lors de la discussion en séance du 20 avril 2018.
Extraits des débats :
»M. Antoine Herth. Au cours des travaux de la mission d’information commune sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, nous avons exploré les pistes qui permettraient de réduire l’utilisation de ces produits dans les grandes cultures. L’une de ces pistes consiste à procéder, notamment pour la culture du blé, à des mélanges de variétés, qui permettent de diminuer la sensibilité des cultures aux maladies fongiques. Or, la commercialisation de ces mélanges est interdite par la loi ; une directive de 1966 l’autorise, mais elle n’a jamais été explicitement transcrite dans le droit national, de sorte que la commercialisation de mélanges n’est actuellement autorisée qu’à titre dérogatoire. Pour que l’ensemble de la chaîne céréalière se mobilise et identifie notamment les mélanges de variétés qui correspondent aux différentes qualités de pain recherchées, il nous faut lui envoyer un signal. Celui-ci pourrait consister à autoriser explicitement la commercialisation de tels mélanges.
M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Le droit actuel prévoit des dérogations afin de tenir compte de l’intérêt agronomique de certains mélanges de semences, lesquels ne sont donc pas interdits à la commercialisation tant qu’ils s’inscrivent dans le cadre défini au niveau européen. Par exemple, une directive du 30 août 2010 autorise les États à prévoir des procédures d’autorisation spécifique pour la commercialisation des mélanges de semences destinés à la préservation de l’environnement. La commercialisation de ces mélanges est ainsi encadrée, en ce qui concerne les mélanges de semences fourragères, par un décret du 14 décembre 2011. En visant à autoriser la commercialisation de tous les mélanges de semences, votre amendement est contraire au droit de l’Union européenne, qui n’autorise que des dérogations.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable.
M. Antoine Herth. Je signale tout de même que la politique agricole commune (PAC) impose de mélanger deux semences différentes dans le cadre du semis d’engrais verts entre deux cultures. Or, lorsque l’agriculteur se présente chez son fournisseur, celui-ci lui donne deux ou trois sacs de semences différentes qu’il doit ensuite mélanger lui-même, s’exposant ainsi à la poussière, voire à divers insecticides lorsque les semences sont traitées. Autoriser, en s’entourant bien entendu des garanties nécessaires, la commercialisation de mélanges préalables permettrait donc de protéger l’agriculteur.
M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Je suis bien conscient de cette problématique, mais il faut faire évoluer le cadre européen si nous voulons progresser dans ce domaine.
M. Nicolas Turquois. La remarque de M. Herth m’étonne beaucoup car, dans le cadre des cultures intermédiaires, on peut acheter des mélanges préparés.
M. Antoine Herth. On peut acheter un sac contenant différentes variétés, mais celles-ci ne sont pas mélangées.
M. Nicolas Turquois. Si !
M. le président Roland Lescure. Ce n’est peut-être pas le cas partout…
La commission rejette l’amendement. »
Lien vers les débats ici